Jean-Paul Belmondo (1933-2021). Un cœur en hiver.

C’est inéluctable. Toutes les figures emblématiques de notre jeunesse, de par leur âge fatalement plus avancé que le nôtre, disparaissent un jour ou l’autre. Nous sommes toutes et tous conscient(e)s de cette épée de Damoclès mais nous nous en accommodons. Nos héros sont imperméables au temps qui passe. Notre regard amoureux efface telle ridule ou tel cheveu blanc pour mieux garder intact le fantasme et le doux parfum de notre enfance. Nos vedettes du grand et petit écran sont des Dieux vivants. Des icones trônant dans notre DVDthèque et dont la filmographie intemporelle cristallise notre attachement. Ainsi, Mr Jean Paul Belmondo a tiré sa révérence et c’est toute la France qui se morcelle à cette annonce. Véritable star du dimanche soir pour bon nombre de foyers réunis autour du poste de télévision, cet acteur hors-norme emportait unanimement l’adhésion. Populaire. C’est le terme qu’il convient d’employer pour définir au mieux l’image de ce monstre sacré. “Bebel”, c’était notre Tonton (flingueur) d’Amérique. Celui qui s’invitait dans votre salon et avec lequel vous étiez assuré(e) de passer un bon moment. Macho mais usant d’un second degré permanent, grande gueule à l’assurance désarmante, clown casse-cou, interprète de talent ( “Keane” ou “Cyrano de Bergerac” sur les planches) ou séducteur impénitent, Belmondo emportait tous les suffrages au sein de notre hexagone… car typiquement français. Chacun d’entre nous pouvait se reconnaitre dans ce justicier au grand cœur, amateur de bourre-pif et de femmes fatales. Avec sa gueule burinée, ses biceps proéminents et son sens de la pirouette (verbale ou physique, c’est selon), ce paladin semblait s’extraire de notre quotidien. Une salle obscure pour unique périmètre intime et il apparaissait. Charismatique et facétieux, Bebel arborait une “trogne” joviale qui nous faisait croire en notre propre pouvoir de séduction potentielle. Pas une gravure de mode ni un jeune éphèbe à la beauté diaphane. Bebel nous ressemblait et nous l’aimions d’autant plus pour cela.
Ursula Andress? Dans la poche ! Maria Carlos Sotto Mayor? Du gâteau !Cigarettes, whisky et petits pépés.
L’Homme de Rio possédait une aura animale et un humour décapant, sans jamais se prendre au sérieux. Cabotinait. Avait du chien. Ses conquêtes reflétaient une revanche sur la vie et ses clichés véhiculés.
“Avec le physique que vous avez, vous ne jouerez jamais les jeunes premiers !” dixit Pierre Dux, son professeur du Conservatoire.
Il fit mieux. Il joua avec les plus grands : Chabrol, Godard, Sautet, De Sica, Verneuil, Melville, Malle, De Broca, Oury, Rappeneau, Lautner, Resnais, Clément, Leconte et Truffaut. Conjugua cinéma exigeant et grand public, avec pour dénominateur commun une liberté de jeu et une fraicheur que seul Gérard Phillipe pouvait lui envier. Belmondo fut notre idole “à l’américaine”, le premier à recycler le “blockbuster” pour mieux le “franciser”. BELMONDO. Des lettres en majuscules. Un seul nom en haut de l’affiche. Le ton était donné et vous étiez, déjà, en terrain conquis.
Des intrigues efficaces, des cascades insensées qu’il pratiquait lui-même et une attitude à “la cool” pour seuls crédos. Débonnaire mais solitaire, notre Tintin baroudeur. Flic castagneur. Désinvolte. L’air de rien. Une “nature”.
La classe en un seul mot ?  BELMONDO !Tant de longs-métrages et de chefs-d’œuvre à son répertoire ! La liste est interminable mais si je ne devais en sauver qu’une poignée dans mon Panthéon, ce serait “Un singe en hiver” pour sa truculence et sa tendresse et “Peur sur la Ville” pour son mélange habile film d’auteur/ film de genre.
Toujours le grand écart (acrobatique) entre l’action et la réflexion, la pochade et la tension.
Avec-constamment- la satisfaction des spectateurs en ligne de mire.
Faire plaisir et se faire plaisir.
Hélas… Sam Lion est mort ce soir et c’est toute l’équipe de Lust4Live qui se retrouve le moral en berne et le cœur en hiver.
Vous étiez un géant hors du commun, Mr Belmondo…Votre disparition est une béance dans le paysage cinématographique français.
A n’en pas douter, vous voici au Paradis entouré de vos amis (Jean Gabin, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Bruno Cremer… sans oublier Claude Rich!) pour une nouvelle tournée des Grands Ducs.
Et, si à l’entrée, le Bon Dieu vous demande de résumer votre carrière en quelques bribes, n’hésitez pas !Elle fut tout simplement…magnifique.


John Book.

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