L’un des rares festivals à avoir fait briller les yeux de centaines de personnes en 2020 est de retour cette année dans un format hors-série. Lust4 live était parmi les aficionados présents l’année dernière pour vivre cette bouffée d’oxygène vivifiante avec une programmation aux petits oignons et admirer leur acharnement à mettre les petits plats dans les grands malgré les nombreuses difficultés. RITB (pour les intimes) qui n’est pas du style à s’avouer vaincu, loin de là, remet le couvert et encore une fois se retrousse les manches pour le plus grand plaisir des festivaliers qui répondent déjà présent. La force de conviction est une marque de fabrique chez ces Normands que nous aimons tant. Martin et Yves nous parlent sans détour de cette édition hors-série, qui s’annonce déjà être un franc succès.
Martin et Yves comment définiriez-vous Rock In The Barn par rapport aux autres festivals ?
Yves : C’est un festival Insolite, vraiment épuré, efficace, proche de la nature avec accessoirement des bons produits et sans gros sponsor et une vraie qualité de la programmation coup de cœurs
Martin : il y a une volonté de rester un petit festival majoritairement indépendant quand même, avec une programmation de musiques indépendantes. Et puis, surtout, un festival de territoire qui est ancré dans son territoire et qui a envie de faire écouter de la musique aux gens qui n’ont pas l’habitude. Et bien que ce soit compliqué de ramener du monde, des locaux, on y va par diverses stratégies, pour faire écouter le festival aux locaux. Et je dirais donc, que c’est un festival d’ouverture aux autres.
Au début, c’est un événement de copains et après ça a tendance à grossir un peu, et puis surtout, à faire découvrir un maximum. Et évidemment qu’on a du public de citadins, on a beaucoup de Rouennais, beaucoup de Parisiens. Mais le but ultime, c’est quand même d’arriver à attirer dans notre sillage, des gens du coin, dynamiser et montrer toutes les diverses choses du rock et de la musique actuelle, tout ce qui se passe aujourd’hui dans le folk, dans le rock n roll, dans le garage, des groupes locaux nationaux, mais aussi internationaux. Et d’ouvrir le territoire à ce genre d’esthétique. Que cette esthétique-là, elle n’est pas que réservée aux grandes villes en fait. Voilà.
Vous êtes un des rares festivals à avoir eu lieu en 2020, comment avez-vous vécu cette précédente édition ?
Yves : Encore des séquelles de cette fatigue intense. C’était un enjeu, on savait qu’on était le seul, qu’on avait madame la sous-préfète qui était aux aguets. Qui nous a pisté gentiment. Elle a assisté aux deux rendez-vous.
Martin : 2020, ça a été un calvaire en matière d’organisation parce que les protocoles changeaient beaucoup, tous les mois, il y avait des nouvelles choses. Toutes les semaines même. Il y avait des nouvelles instructions. On passait d’une zone rouge, à une zone verte, à une zone jaune. On est quand même passé entre les gouttes, entre deux vagues. On a eu de la chance et on a montré un protocole sanitaire, on va dire exemplaire. On a travaillé en amont avec le Hop Pop Hop festival à Orléans, qui nous ont fait part de leur protocole sanitaire. Alors, nous on s’est inspiré d’eux et on s’est aussi échangé diverses idées ensemble. Et nous, on a été le baptême de feu, parce qu’on était une semaine avant Hop Hop Hop. On a appliqué quasiment le même protocole, évidemment adapté à Bionval, adapté aux lieux, parce qu’on est au milieu des champs, eux ils sont en plein centre-ville. C’est forcément différent. Mais ça a marché. En tout cas, le protocole a plu à la commission de sécurité : la sous-préfète, les gendarmes, le représentant des médecins du département urgentiste, les pompiers, etc… Et ils ont dit sur le papier, votre protocole, il est nickel. Après ils avaient quand même peur. C’est pour ça que la sous-préfète est venue les deux soirs. Ça a été un calvaire. C’était le plus dur.
Mais au final, beaucoup de satisfaction parce qu’on a pu maintenir. Et on a été le seul festival subventionné par la région qui a été maintenu. On a été le seul festival en Normandie et ça nous a valu quand même une invitation par le ministère de la culture aux États généraux des festivals et où j’ai eu une minute 30 de parole, moi, entre les Eurockéennes de Belfort et les Vieilles Charrues, devant Roselyne Bachelot, histoire de dire qu’on a pu faire un festival à 1 800 personnes avec un protocole sanitaire exemplaire. Et on a pu maintenir quelque chose de sérieux.
Il s’agit d’une édition particulièrement importante puisqu’elle est la continuité de votre effort pour garder votre public toujours fidèle.
Yves : C’est une forme de pérennisation, en fait. Même si c’est une session un peu inédite forcément, mais il y a une continuité en fait.
Martin : On ne voulait pas réitérer le cauchemar qu’on a vécu en 2020, bien que ça a été un succès. Mais ça a été très dur psychologiquement et physiquement. On ne voulait pas réitérer ça, donc on est parti sur une idée de festival en streaming et en fait, il s’est avéré qu’étant le seul festival maintenu en 2020, on a été le seul festival en Normandie à avoir été augmenté en subvention. Alors que la règle d’Hervé Morin, président de la région, c’était qu’aucun festival en 2021 ne serait augmenté. Et en fait, Lucas Blaya qui est chargé de mission culturelle de la région, s’est battu pour dire « écoutez, il y avait un festival qui s’est maintenu debout, ils ont fait un protocole sanitaire exemplaire, on augmente leur subvention ». Et ça a marché et on a eu 3 000 € de plus.
Et la sous-préfète m’a appelé pour me dire de maintenir quelque chose en physique et que ce serait tellement dommage de ne pas faire quelque chose cette année. Donc, pour nous il fallait trouver un compromis. Alors on a pris la décision, au final, de ne rien faire. On dit OK, 2021 n’aura pas lieu, on ne fera pas d’édition, c’est trop tard, on est en juin, on n’arrivera pas à faire quelque chose. Et au final, on a trouvé ce compromis de faire cinq lieux différents, cinq soirées, cent personnes par soir. Et pour maintenir le lien avec le public, c’est hyper important d’avoir le lien.
Après 11 ans de festival, la motivation, c’est de se dire qu’on a été le seul festival en 2020 et qu’au moment où plein d’autres commençaient à se recréer pour 2021, ça aurait été con de ne pas être là. Il fallait maintenir un événement à cinq lieux différents, cinq soirs. C’était important de le faire.
Comment avez-vous travaillé sur la programmation ?
Martin : Pour la programmation, il fallait adapter forcément au lieu. Tu te retrouves dans des lieux qui sont des ERP, des bars, qui n’ont pas forcément l’habitude d’organiser des concerts. Donc, ce qui est bien, c’est que c’est très bien insonorisé. C’est très beau, c’est une grange qui plus est. Donc Rock In The Barn, ça prend tout son sens. Sur les cinq lieux, c’est le seul vrai lieu qui a vraiment une vraie grange. Donc c’était important de faire un concert dans une vraie grange digne du Moyen Âge. Il fallait vraiment bien adapté aussi en fonction du lieu, parce que c’est une grange qui est très haute, qui a de la résonance. Donc il faut que ça joue doucement. Donc en fait, j’ai adapté la programmation en fonction des lieux. J’ai eu un coup de cœur énorme pour Raoul Vignal, qui vient jouer tout seul à la guitare. Gaëtan Nonchalant avec un batteur chaloupé, qui joue doucement, de la chanson française très pop. En plus, s’il y a beaucoup de gens dans la salle, ça va mater le son. Donc il faut concilier le lieu et l’actualité des groupes.
Yves: C’est ça aussi la spécificité du festival. Avoir l’œil et l’oreille curieuse. Une espèce de prémonition. Même sur des programmations précédentes, il y a toujours des découvertes. C’est bien d’être, une sorte de tremplin aussi.
Martin : toujours est il que sur la prog, il fallait adapter avec le lieu. La Dime, il fallait faire un truc doux, parce que c’est une grange. Le jeudi, là on a fait coup de cœur. On s’est dit, au théâtre, chez nous, chez mes parents, on met Vek, un truc qui bastonne. En bref j’ai mis Vek dans l’endroit où j’aurais moins de comptes à rendre auprès des lieux, parce que c’est chez mes parents. (rire)
Le vendredi, Maison Pascel, je mets Lulu Van Trap et The Sheraf Brothers. Parce que c’est des motards americana à la base, et comme, Guillaume, le gérant de la maison Pacel est lui aussi motard, j’étais sûr que ça lui plairait. Il faut adapter au lieu, il faut adapter au bruit. Et puis, il faut adapter selon les goûts de chacun. Ce qui est le cas de Taxi Kebab à la Guinguette. C’est une des barmen qui m’a fait découvrir ce groupe en me disant ça sera super à Rock In The Barn. Alors puisque on n’a pas pu faire cette édition à la ferme de Bionval, j’ai proposé qu’on de le faire chez eux directement. Ca avait du sens. Surtout que c’est en plein air la Guinguette, ça marche plus. C’est beaucoup une question d’adaptation au lieu, et d’échange.
Yves : Mais en fonction des goûts et des actus du groupe. Parce que Vek, il y a un album qui est sortie. Agathe, c’est un projet tout neuf qui vient d’arriver d’Évreux avec des supers musiciens. S’est fait quasiment au coup de cœur. Ce n’est pas un passage obligé. Il n’y a pas de figure imposée. Et puis si ce n’est pas ce moment là où les festivals de départements soutiennent ce genre de projet, ce n’est pas après. Pour que ça puisse grossir un petit peu et s’exporter dans d’autres régions. C’est arriver à concilier tout ça aussi…
Dans vos découvertes artistiques, quels sont vos coups de cœur ?
Yves: j’avais beaucoup aimé Lulu Van Trap., C’est assez interactif avec le public et je me suis dit c’était bien qu’on puisse diversifier. Et Vek, c’est plus percutant, dans un style un peu plus cold wave.
Yves : Moi, ce serait Raoul Vignal et Taxi Kebab. C’était deux superbes découvertes de cette année. Et je suis très content que ça ait pu se goupiller un samedi soir.
Quelles actions avez-vous dû mettre en place pour rendre cette édition possible ?
Yves : En fait, c’était la continuité. C’est vrai qu’il y a l’histoire du PASS et la réduction du nombre de bénévoles sans doute. Puisqu’on passe à une trentaine sur les deux premiers jours. Et puis après, je pense qu’au niveau, sens de circulation il y a un modèle qui sera adapté.
Martin : Protocole sanitaire, c’est très limité maintenant. C’est juste PASS sanitaire et basta en fait. Je crois qu’on va mettre du gel hydroalcoolique sur place, port du masque conseillé. Après il y a la programmation qui a été un peu particulière, parce qu’en semaine aussi. Il y a une période où il y a une reprise de l’activité, une rentrée scolaire ou autre. Donc, ce n’est pas facile de débuter un festival en milieu de semaine.
Et puis surtout, étalé le Festival sur cinq jours d’affilée, c’est la première fois.
Plus d’info sur le festival Rock in the Barn ici : https://www.rockinthebarn.com/