JEAN-LOUIS BERGERE SOUFFLE VITAL

Auteur-compositeur, Jean-Louis BERGERE nous dévoile un jeu d’ombres et de lumières aussi fragile que vital. Universel ! De la première à la dernière, “Ce qui demeure” vous traverse par son MAGNÉTISME. C’est un acte de bravoure qui vous enveloppe inconsciemment d’un souffle chaud, dans l’incarnation d’un instant de grâce… Le souffle court, en apnée et dans un soupir, transporté par cette voix, qu’il est bon de retrouve l’apaisement d’un frémissement de poésie pure. En l’espace de 12 titres, cette énergie que je qualifierais d’inouïe nous guide aux frontières de l’intime conviction d’être, en lien avec ce qui nous nourrit. Ce nouvel album est le psyché de cet acte simple et pourtant essentiel et existentiel qui nous permet d’aimer vivre la vie. “Sommes-nous le pollen ou le fruit”… Afin d’approfondir notre écoute de l’album, Jean-Louis nous a fait le plaisir de répondre à nos questions !

Jean Louis, tu nous présentes ton nouvel album « Ce qui demeure ». Comment a-t-il été conçu ? D’où est venue l’idée de départ ?

Après l’album « Demain de nuits de jours » qui était écrit autour du thème de l’apparition/disparition, et comme une suite logique à cet album, je me suis naturellement intéressé à cet autre état des choses,  qui en miroir de l’éphémère était alors la permanence. « Ce qui demeure » interroge les territoires de cette permanence. Celle du monde qui nous entoure, de notre monde intérieur, du temps indéfini et de notre présence au milieu, vivante et passagère.  

Ton portrait du photographe Jérôme Sevrette qui illustre ton album est un magnifique préambule. Tu y es pensif, regardant par la fenêtre. Tu sembles vouloir nous dire « Je voulais tant dire et j’ai dit si peu » comme Joseph Kessel dans L’armée des ombres. Qu’en est-il ?

Oui, c’est bien cela. Mais avec plus d’humilité que de prétention à dire. Et c’est bien cette sensation de présence simple et de silence aussi, que j’ai retrouvé dans cette photo quand Jérôme Sevrette me l’a présentée. C’est la première fois que j’accepte de figurer ainsi, en portrait, sur la pochette d’un album. Jusque-là, je souhaitais plutôt m’effacer physiquement pour laisser place aux paysages et images métaphoriques. Mais, dans la sobriété de ce portrait, il m’a semblé que la représentation était juste et paradoxalement impersonnelle…et la photo, en toute objectivité, était vraiment magnifique. Avec le regard enthousiaste et avisé de quelques amis, j’ai alors accepté d’être ce représentant.

Je retrouve dans ton album des sonorités à la Dominique A, Ferré ou encore Bashung. Qui sont ceux qui guident ton inspiration ?

Ces trois-là font bien partie de mon panthéon musical et de ceux qui m’ont durablement traversé et influencé…des ouvreurs de voie (et voix). J’ai été bercé par la pop/folk des seventies, dans cette période novatrice, si riche musicalement. Des grands groupes et songwriters anglais et américains comme Léonard Cohen, Pink Floyd, Neil Young, Bob Dylan, aux précurseurs français comme Gérard  Manset, Ange, Yves Simon, Charlélie Couture et Léo Ferré bien entendu, visionnaire et moderne avant l’heure. J’ai toujours écouté et j’écoute toujours beaucoup de choses différentes, avec peut-être une préférence actuellement pour cette mouvance pop/folk actuelle, minimaliste, dépouillée et pourtant extrêmement travaillée musicalement. Des lignes mélodiques riches harmoniquement avec des tempos assez lents et des voix timbrées et posées, susurrées parfois, mais toujours très musicales. J’aime ces atmosphères et ambiances entre l’électrique et l’acoustique. Et cette recherche également, qui est aussi la mienne : comment  élargir le spectre sonore avec une économie de moyens. Je pense à des groupes comme Syd Matters, Bon Iver, Mister and Mississippi, Villagers, Sol Seppy, Noah and the Whale, etc… et aussi des artistes français comme Lou, Pascal Bouaziz, Julien Orso Jesenska, Fred Signac, Filip Chrétien etc…

Il y a quelque chose d’incroyablement mélancolique, romantique et rêveur dans ta musique, dans ton univers. Es-tu quelqu’un de songeur voire nostalgique ?

La mélancolie est un état familier chez moi. Même si aujourd’hui elle est moins « maladive » que lorsque j’étais plus jeune. La nostalgie est là aussi parfois, comme pour nous tous avec les années qui avancent, mais je pense être quelqu’un de relativement présent dans l’instant, avec ce sentiment de mieux vivre au jour le jour. Contemplatif serait peut-être le terme le plus proche de moi, pour parler de ce que je ressens au quotidien dans mon lien émotionnel au monde. Ce besoin de silence, de lumière, de nature, d’espace et cette recherche d’harmonie avec ce (et ceux) qui m’entoure.  

JEAN-LOUIS BERGERE – “CE QUI DEMEURE” – (Catapulte / Pour Ma Pomme) Portrait : © Jérôme Sevrette

« Inouïe » est pour moi sans aucun doute ta chanson la plus captivante. Comme l’aboutissement d’une quête de plénitude du moi profond. Qu’évoque-t-elle exactement?

C’est une chanson qui parle de la sensation. De nos sensations, avec les signes perçus à travers. En particulier sur cette sensation que nous avons tous un jour éprouvée. Celle de revivre un moment déjà vécu, et de le reconnaître alors là dans l’instant présent… avec cette interrogation persistante, mais qu’en est-il exactement ? Comment cela est-il possible ? J’ai toujours trouvé cette sensation prodigieuse et vertigineuse…

Comment qualifierais-tu ton univers ?

Je ne saurais pas vraiment le qualifier moi-même. D’autres ont pu le qualifier d’impressionniste et ça me convient assez bien. Comme j’ai déjà pu le dire ailleurs, je pense être plus un traducteur d’émotions qu’un raconteur d’histoires. Ce qui guide mon inspiration reste toujours pour moi énigmatique et mystérieux. Il s’agit de mon ressenti avant tout. Je laisse toujours les choses venir à moi et me pénétrer. A aucun moment je n’interroge l’événement extérieur en dehors de ma perception.  Et je mesure à chaque chanson écrite, le privilège, la faculté de pouvoir ainsi mettre en forme ce qui me traverse.

Tu intitules une de tes chansons du nom de celui qui a réalisé quelques-uns des plus grands chefs-d’œuvres du cinéma muet « Murnau » (Tabou, L’Aurore ou encore Nosferatu). La force poétique et symbolique qui l’animait te ressemble un peu ?

En fait « Murnau » n’est pas une chanson sur ce réalisateur allemand, mais sur ce village de Bavière du sud qui se nomme Murnau, où vécurent les peintres Vassily Kandinsky et Gabriele Münter au début du XXe siècle. Pour la force poétique et symbolique de mon travail (merci, je prends le compliment au passage) c’est à ceux qui me lisent et m’écoutent d’en juger. L’écriture est un long processus de maturation, le travail d’une vie sans doute. Elle demande beaucoup d’humilité et d’exigence aussi. Je pense parfois atteindre aujourd’hui ce que j’envisageais hier. C’est déjà en soi une belle satisfaction. Celle renouvelée du débutant… J’avance ainsi.   

Dans « l’homme qui chante », parles-tu de toi ?

J’ai écrit cette chanson en hommage à Leonard Cohen. Son œuvre poétique et musicale est vraiment primordiale et d’une beauté fascinante. C’est un artiste majeur pour moi et d’une grande intégrité en tant qu’homme. J’ai toujours été touché chez lui par cet entremêlement de l’homme ordinaire et de l’œuvre. Par sa simplicité et son humilité, sur scène comme dans le cours de ses entretiens et interviews. Par cet homme qui chante, comme l’oiseau sur son fil (Bird on the wire) loin de la posture de l’artiste élevé et vénéré sur son piédestal. D’où le titre donné à cette chanson. Et bien sûr je pense que je parle aussi un peu de moi dans cette vision partagée des choses, je l’espère.

La plus longue de tes chansons (presque 7mn) se nomme « Hawelka Café ». Qui est cette Madame Hawelka ?

Joséfine Hawelka est cette vieille dame de 90 ans rencontrée à Vienne en Autriche, il y a quelques années déjà (décédée en 2005) et qui était la propriétaire du café qui porte son nom, non loin de la cathédrale St Etienne. Elle faisait toujours le service à l’époque et m’avait alors impressionné par sa stature et son histoire (propriétaire des lieux depuis 1938, année de l’annexion de l’Autriche par Hitler). Le Café Hawelka est un café réputé à Vienne et dans la plus pure tradition des cafés viennois. Il était par le passé, le point de rendez-vous des artistes et intellectuels de la ville. Vienne restera pour toujours dans l’histoire contemporaine de l’Art, comme la ville de la modernité. C’est là à la fin du XIXe et début XXe que des artistes, peintres, musiciens, architectes, médecins se sont opposés à l’ordre établi en ouvrant de nouvelles voies, en créant de nouvelles formes. Avec des figures comme Klimt, Schiele, Kokoschka pour le courant de la Sécession, Freud pour la psychanalyse. Madame Hawelka est ainsi devenue le personnage central et refrain de cette chanson qui célèbre Vienne et les modernes… une façon comme une autre aussi de saluer (et de sauver peut-être) son destin hors du commun.

Josefine et Leopold Hawelka – (c) Café Hawelka

Quels sont tes futurs projets ? As-tu des dates à venir ?

Continuer à répandre la rumeur et le plus largement possible sur ce nouvel album, presse, radios, médias etc…  Et bien entendu le faire vivre sur scène. Après deux résidences de création croisées sur le Théâtre de l’Hôtel de Ville de St Barthélémy d’Anjou (49) et La Bouche d’Air à Nantes (44), le nouveau spectacle a pris la route et la tournée s’organise. Nous étions dernièrement au Festival de Barjac (30) en juillet, et pour une Carte Blanche à Agend’Arts sur Lyon (69) en septembre. Une dizaine de dates sont déjà programmées sur 2020, et j’espère que cela va s’amplifier dans les mois à venir. Avec les superbes retours des critiques dans la presse spécialisée, et du public en salle, je suis confiant pour la vie de ce nouvel album. Côté édition, je pense finaliser prochainement un manuscrit en cours.

Écouter > https://jeanlouisbergere.bandcamp.com/album/ce-qui-demeure
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Stef’Arzak