[Interview] UNSPKBLE “RECONSTRUCTION”

UNSPKBLE, quatuor rock originaire de Montpellier, ramène de la fraîcheur à la scène coldwave/post-punk française, nous évoquant une réminiscence sonore 70’s / 80’s à mi-chemin entre Frustration et Killing Joke avec un soupçon de noise rock purement jouissif. Formé autour de Dion Lax (chant), Gom Pilote (guitare), Greg Reju (bassiste) et de Seb Dodus (batteur), après un remarquable EP “FRICTION”, ils nous revenaient fin septembre avec un premier album “RECONSTRUCTION”, qui ne faisait pas baisser la tension, ni même la qualité des compositions qu’ils nous avaient déjà proposées. 10 titres aux convictions rageuses et à l’énergie dense qui vous transperce et vous transcende comme une évidence. “RECONSTRUCTION” est un disque qui possède un son complètement dément, avec des synthés scintillants, des guitares explosives, des basses entêtantes et un chant toujours aussi habité. Un gros coup de cœur auquel on ne peut qu’adhérer.

Pouvez-vous nous parler brièvement de l’origine de UNSPKBLE ?

Unspkble s’est monté en 2019 par étapes, en conséquence de la rencontre entre Greg Reju et Dion Lax et de leur envie de faire une musique qui serait principalement influencée par le “son originel” post-punk / new wave (énormément d’artistes, notamment Killing Joke, et d’albums d’entre 1978 et 1983) tout en adoptant un point de vue et une énergie marqués par l’époque actuelle. L’arrivée de Gom Pilote et Seb Dodus permet au groupe de trouver sa forme finale, dont les inspirations s’étendent alors, sans perdre de vue cette aspiration musicale.


Après votre excellent EP “FRICTION”, vous revenez cette fois avec un premier album RECONSTRUCTION. Quel en a été le fil conducteur ?

“RECONSTRUCTION” tourne autour de problématiques assez généralistes, auxquelles chacun·e d’entre nous peut être confronté·e dans sa vie, ses relations, ses occupations, ses opinions. L’album dénonce avec plus ou moins d’urgence des conflits et sources de tension, qu’elles soient intérieures ou extérieures, comme pour y trouver une issue (à défaut de solutions) — accepter une forme de noirceur afin de mieux y faire face, et petit à petit, se reconstruire.


Comment avez-vous élaboré et écrit les 10 titres de cet album ?

“RECONSTRUCTION” a vu sa composition débuter juste après l’envoi en pressage de “FRICTION”, et le début des répétitions à quatre. C’est un album qui a “bénéficié” des longues périodes de confinement de 2020, qui ont permis de prendre le temps de faire évoluer les compos, du moins dans leur structure. Durant cette période, le groupe a communiqué essentiellement par internet (envoi de maquettes et discussions par écrans interposés) avant de pouvoir enfin se retrouver dans la même pièce (la plupart du temps en Lozère, terre d’origine du batteur Seb Dodus) et parfois remodeler certaines parties. Enfin, à partir de la toute-fin 2020, les concerts du groupe ont permis d’éprouver les titres, avant le début des enregistrements en décembre 2021. La phase de mixage courant 2022 a permis d’ajouter quelques petites couches d’arrangement supplémentaires, pour “parfaire” les sonorités new wave.


Sur cet album, vous naviguez dans des ambiances de post-punk hargneux et de cold wave intemporel, le tout dans un rythme qui donne le vertige ! Quelles sont les influences que vous mettez dans le moteur de UNSPKBLE ?

C’est assez varié ! On va dire que la base d’influence est clairement dans le post-punk “old school” au niveau des sonorités et de l’esthétique, sans pour autant que ça soit strictement une limite : Killing Joke, The Cure, Siouxsie And The Banshees, The Sound, Bauhaus, Magazine, Play Dead, Christian Death, The Smiths, The Stranglers, et même Depeche Mode…! Mais le groupe est aussi à l’écoute des incarnations plus récentes de ces styles musicaux, qui ont intégré avec le temps d’autres courants (Protomartyr, Shame, Dry Cleaning, Preoccupations, The Soft Moon) et bien entendu, c’est important de le dire : chacun des membres d’Unspkble apporte dans son jeu ses propres inspirations, de façon plus ou moins inconsciente, qui ne sont pas nécessairement du post-punk mais qui nourrissent considérablement la musique que l’on fait.


Sans se tromper, on peut dire que vous êtes dans le mood rock engagé. D’où vient cette rage révoltée qui transpire dans vos chansons ?

C’est une réaction au monde qui nous entoure, et aux expériences que nous avons vécues en tant qu’êtres humains. De manière générale, tous les membres du groupe partagent un forme de consternation et de rage à l’encontre du système dans lesquels nous sommes forcé·e·s d’évoluer (et des oppressions qui en résultent), mais certaines de nos chansons (notamment les titres “All Stories Told”, “Expectations” ou encore “Grief”) ont une couleur plus personnelle pour Dion, qui est le chanteur et le parolier principal et qui, depuis des années, évolue avec une tumeur cérébrale — un combat de tous les jours, bien que parfois aussi, une force.
Par rapport au système, rien qu’en France, par exemple, on assiste depuis des années à une lente agonie sociétale : destruction du service public (notamment les hopitaux et l’éducation), protection et privilèges renforcés des élites gouvernantes vis-à-vis du peuple (élites qui ne le sont que via leur argent ou leur origine sociale), annihilation du vivant par pure volonté de profit capitaliste (que ça soit en terme de considérations écologiques, mais aussi, simplement, en terme de rapport à l’humain – on pourrait citer par exemple le développement des IA et la volonté systématique de remplacer des emplois par des machines, sans pour autant redistribuer les richesses produites), montée de l’extrême-droite, du racisme, du sexisme, des discours anti-LGBT, du harcèlement scolaire, de la pauvreté (notamment des jeunes)…!!!
Honnêtement, dans ce contexte, une fois la mélancolie passée, comment ne pas ressentir aussi de la colère, ne pas avoir envie de se révolter ? En tant qu’artistes, on a envie d’utiliser les moyens dont on dispose pour dire/dénoncer ces problèmes, et cela s’est déversé de manière assez naturelle et logique dans notre musique.


Votre premier album est sorti le 22 septembre. Une étape forcément importante dans votre parcours musical. Cela représente-t-il une sorte de check point pour mieux vous propulser vers la suite ?

Oui, on aime à le penser ! C’est un premier album dont on est fier, déjà parce qu’on pense qu’il est fidèle à notre idée du groupe et du son qu’on recherchait en montant le projet, et affiche déjà une identité, que nous n’avions pas encore assez creusée sur l’EP “FRICTION” (malgré ses qualités).
De plus, ça a été une aventure de le produire nous-même, de le presser grâce à une collaboration avec plusieurs petits labels dont on apprécie les catalogues et l’état d’esprit, et de s’ouvrir à d’autres choses pour défendre la sortie du disque (travailler avec des réalisateur·ice·s pour les clips, et avec une structure comme NRV Promotion pour les relations presse), choses que nous n’avions jamais explorées avec nos groupes précédents. Il en ressort énormément de retours positifs sur le groupe et notre musique ; c’est à la fois un immense soulagement par rapport au travail qu’on a fait pour y arriver, et un immense coup de boost pour continuer sur cette voie !


Et la suite justement, qu’y a-t-il dans votre agenda ?

Maintenant que l’album est sorti, notre but est de jouer, jouer, jouer – partout et le plus possible ! Du coup, on est en phase de booking pour 2024 et 2025 ; pour l’instant, nous pouvons annoncer une date à Paris le 4 Février à l’International, et à Perpignan le 15 Mars au Médiator, avec Venin Carmin (un duo cold wave féminin qu’on adore), mais le but va être de monter plusieurs petites tournées (parfois en tandem avec d’autres groupes), et de réussir à se produire sur des festivals. On va aussi travailler sur quelques nouvelles vidéos pour 2024 — mais aussi, commencer à poser de nouveaux morceaux, car même si cette expression est clichée : “il faut battre le fer tant qu’il est chaud” !

 


Photo de Couv. (c) MissBuffetFroid