Huit ans après sa formation, Grand Hall franchit une nouvelle étape décisive avec la sortie de « Les yeux au ciel », un premier album intensément personnel, façonné dans la solitude créative de son auteur, Pascal Béasse. Nourri d’influences allant de la cold wave fondatrice à une pop française élégante et assumée, ce disque marque autant une renaissance qu’un aboutissement pour le musicien parisien, qui s’est recentré sur lui-même pour donner vie à ces nouvelles chansons. Réalisé en toute intimité, l’album déploie une atmosphère à la fois introspective, mélancolique et lumineuse qui trouve un écho singulier dans le grand bain de la pop française contemporaine quelque part entre Bertrand Belin et Daho. Influences revendiquées, titres au refrain accrocheur, collaborations précieuses et quête sincère d’émotion, « Les yeux au ciel » se présente comme une belle œuvre artisanale, façonnée avec passion, patience et exigence.
Pour en comprendre les dessous, nous avons échangé avec Pascal Béasse, voix et cœur de Grand Hall.
Vous venez de sortir votre 1er album « Les yeux aux ciel » huit ans après la formation du groupe. Quel a été le déclic qui vous a fait dire que c’est le bon moment ?
Ce n’est pas anodin de sortir un album. C’est presque insensé aujourd’hui pour un groupe peu connu. Au-delà du désir intense qui m’animait, sans lequel rien n’est possible, il y a une certaine maturité j’imagine qui le permet. J’ai aussi été poussé par les critiques du permier EP et surtout par mon entourage qui m’a beaucoup encouragé à sortir toutes ces chansons. Et comme je me suis retrouvé seul, car les musiciens avaient quitté le navire pour d’autres aventures personnelles, c’était devenu plus simple de le faire. C’était donc le moment idéal.
Pouvez-vous nous parler du fil conducteur qui vous a guidé lors de son écriture ?
Le fil conducteur est la sincérité de mes émotions. Je voulais raconter les choses de ma vie avec le moins de pudeur possible. Comme j’étais seul, c’était plus facile à faire, sans compromis. Le déclencheur a été la perte de personnes chères à mon cœur. Et je ressentais le besoin d’en parler. Cet album parle d’amour, du temps qui passe, du deuil dans un monde qui autour de nous ne tourne pas bien rond.
Est-ce que cette réalisation en solitaire a apporté une dimension plus profonde à l’identité sonore et émotionnelle au disque ?
Oui, je crois. Cette réalisation en solitaire m’a permis de lâcher prise. Cet album je l’ai voulu à la fois introspectif par moment et léger à d’autres moments.
On retrouve dans vos morceaux des influences très variées, de Autour de Lucie à Bertrand Belin en passant la pop de Daho. Quelles sont les références qui incarnent le mieux les compositions de cet album ?
Les noms cités me vont parfaitement. Autour de Lucie, Bertrand Belin et Etienne Daho sont des artistes que j’adore. J’ai d’ailleurs écrit à Bertrand Belin pour lui dire tout le bien que je pensais de son dernier album Watt (je ne sais pas si il a pu lire mon message). Je suis donc ravi que l’on puisse entendre ces influences dans cet album. J’aimerais aussi qu’on me dise que ‘Mon oubli’ c’est un peu du Nick Cave, que ‘Du haut de tes épaules’ pourrait être du Gainsbourg ou du Jacno et que ‘Un cœur à la mer’ c’est un peu The Smiths… mais là je rêve un peu.
Quelle place occupe la dimension atmosphérique, mêlant cold wave, pop élégante et rock hypnotique, dans votre rapport aux textes et aux émotions que vous souhaitez transmettre avec Les yeux aux ciel ?
Je viens de la cold wave pour ainsi dire. Joy Division est ma madeleine de Proust ! Et d’une manière générale la musique anglaise me touche par la mélancolie qu’elle véhicule et la simplicité des arrangements ; une simplicité qui n’a rien de simpliste. J’essaye toujours de m’en inspirer et de faire en sorte que les paroles en Français puissent sonner dans un écrin sonore à la production la plus simple possible. Que cela puisse être cinématographique ou visuel. La production de l’album Faith de The Cure est un exemple à suivre pour moi. Enivrant avec si peu de choses.
Votre duo avec Françoiz Breut a marqué un tournant dans votre visibilité. Sur le titre « Du haut de tes épaules » ce nouveau duo, avec la comédienne MODE, en porte un arrière goût savoureux. Comment est né ce titre et cette collaboration ?
Françoiz Breut est notre ange sur terre ! J’adore les duos, ceux des Tindersticks (Sometimes It Hurts) ou de The Walkabouts (The Light Will Stay On). J’ai l’impression que cela fonctionne pas trop mal avec ma voix. Pour ‘Du haut de tes épaules’, je voulais écrire un duo léger. C’est parti du jeu de mots entre ‘duo’ et ‘du haut’. Je l’ai proposé à MODE que j’ai rencontré au festival d’Avignon où elle campait merveilleusement une chanteuse de Jazz dans la pièce « Caravan ». Elle a dit oui. Je crois qu’elle peut tout chanter. Et on voulait que cette chanson soit la dernière de l’album comme une petite gourmandise de fin de repas.
Vous avez travaillé avec Paul-Édouard Laurendeau et Chab, deux ingénieurs du son très reconnus. Quels ont été leurs apports respectifs dans le mixage et le mastering du disque ?
L’apport de Paul-Edouard a été déterminant. Sans lui le disque n’existerait pas. J’ai quasiment tout enregistré seul dans un appartement avec peu de moyens, une Telecaster, un synthétiseur, Logic et un micro à 49 balles. J’ai demandé à Paul-Edouard, avec qui on a enregistré le duo avec Françoiz Breut à Bruxelles, s’il pouvait faire quelque chose des pistes enregistrées chez moi. Il a fait des miracles avec les trois bouts de chandelles que je lui ai envoyés !
Chab a accepté de faire le master et a parfaitement respecté le travail réalisé par Paul-Edouard.
Si j’ai bien compris, ce nouvel album marque aussi l’arrivée d’un nouveau line-up pour la scène avec ,Victor Meyer et Charles Morel. Leur arrivée a-t-elle influencé l’adaptation live des morceaux ?
Oui c’est exact. Leur apport m’a d’abord donné l’envie de finir l’album en ajoutant ‘Du haut de tes épaules’. Elle n’était pas encore aboutie. Victor a joué une guitare électrique et Charles la batterie. Ils ont un niveau assez fou, cela promet des concerts vraiment chouettes. Ils apportent chacun leur pierre à l’édifice. Charles est un métronome et Victor apporte beaucoup de couleurs harmoniques. On a hâte d’y être. C’est prévu pour le 16 janvier au Supersonic Records à Paris.
L’EP précédent avait été très bien accueilli par la presse et diffusé sur FIP et la RTBF. En quoi cette reconnaissance a-t-elle influencé vos attentes ou vos ambitions pour ce premier album ?
Cela a été déterminant pour poursuivre et tenter d’aller plus loin et de faire du mieux possible, de remettre le travail sur l’ouvrage, comme un ébéniste. Je me vois un peu comme un artisan de la musique.



