[Interview] Fosse – « Entre les roches »

Errances oniriques sous haute tension poétique. Bienvenue dans l’univers singulier du projet Fosse, mené par Christophe Blanchet, qui nous avait laissé sans nouvelles depuis son EP « De Vous Un Rêve » en 2022. Paysages sonores toujours aussi ciselés et textes taillés au cordeau, il revient avec un premier album « Entre les roches », dessinant autant de mouvements émouvants que de sillons tumultueux.
Dans ce premier opus grand format, le normand fait preuve d’un grand savoir-faire atmosphérique en clair-obscur, entre contemplation et rage intérieure. Mais ne vous y trompez pas, Christophe n’en est pas à son coup d’essai. Ancien membre du groupe La Blanche et 7Questions, il poursuit ici un cheminement artistique où chaque morceau nous raconte une histoire, fixée habilement au cœur de notre temps, à la façon d’un polaroid aux contours incertains, révélant, à qui veut bien prêter attention, une beauté tangible d’une rare ubiquité.
Musicalement, Fosse aime toujours autant brouiller les pistes, mêlant électro-ambient et post-rock, refusant les références trop évidentes au profit d’une subtilité plus hypnotique. La preuve par huit, en huit titres, équitablement partagé entre confidence intime, conscience humaniste et esprit caustique.
Quoi de mieux pour vous en dire plus qu’une interview avec Christophe …

 

Dans notre dernière conversation, vous exploriez l’idée de la fragilité et de la résilience. Vous venez de sortir votre nouvel album  « Entre les roches », quel en a été le fil conducteur créatif ?
Fuir la surveillance généralisée, arpenter les forêts, trouver le souffle nécessaire et atteindre les sommets pour un moment d’introspection, c’est ce que j’ai essayé de proposer en partie avec ce nouvel album. Je suis forcément sensible à la période que nous traversons sans pour autant pouvoir aborder les sujets trop frontalement. Pour cet album, la montagne était le décor idéal pour prendre un peu de hauteur. C’est le lieu de tous les refuges, de la résistance, de passages migratoires. Rude, parfois désertique, elle nous met à l’épreuve pour que l’on puisse (re)trouver une certaine liberté. Elle est aussi un espace d’observation, on peut admirer ses forêts, ses vallées, sa faune et sa flore et aussi se rendre compte de la pollution des villes. Aussi, elle nous permet d’observer plus précisément notre univers, notre galaxie, les étoiles et notre passé et ce, depuis ses observatoires perchés. Elle révèle en quelques sortes nos propres échos.

Vous avez toujours été un groupe très attaché à l’authenticité et à l’émotion brute. Comment cet album, « Entre les roches », reflète-t-il votre évolution personnelle et artistique ?
Contrairement à notre premier E.P qui a été co-composé,  la grande évolution pour moi a été l’écriture et la composition de la totalité des titres avec aussi une bonne partie des arrangements. J’affirme ici ma singularité et une certaine forme d’écriture mais je ne pourrai pas vraiment l’expliquer et j’avoue ne pas y avoir trop réfléchi. Pour la musique, c’est différent, avec mes projets passés, j’ai maintenant une manière de composer.

 

Comment avez-vous façonné les 8 titres et exploré de nouveaux espaces sonores ?
J’ai souvent des idées d’arrangements, des lignes de basse qui me viennent lorsque j’écris les textes et que je joue de la guitare. Nous retravaillons ensuite en groupe. Le fait d’avoir enregistré la basse et la batterie en même temps nous a permis de partir sur des bases plus naturelles, plus chaleureuses à mon sens. Il y a aussi eu un gros travail de chœurs, ils sont essentiels dans Fosse pour souligner les textes ou répondre à la narration principale comme dans « Versant est. C’est surtout avec Mickael Roth au Synthé et mes guitares que nous avons façonné l’espace sonore en doublant des sons de synthés, en jouant sur des effets de stéréo, en utilisant des pédales d’effets. 

Vous avez toujours accordé une grande importance aux textes, à la poésie et à l’introspection, peut-être encore plus cette fois. Comment cette écriture, sur des thèmes universels mais intimistes, se traduisent-ils en chanson ?
Les textes et les thèmes abordés renvoient à l’actualité. Nous vivons dans un monde frustrant et qui souffre, c’est donc avec une certaine mélancolie et avec une certaine ambivalence que j’écris ce que je ne peux pas exprimer dans la vie de tous les jours. Lorsque j’écris, pour lier le texte à la musique, j’ai besoin d’une ligne de crête avec  un point de bascule et c’est souvent avec les arrangements que je le trouve pour emmener le titre vers la lumière ou pour le rendre un peu plus sombre. La plupart des thèmes instrumentaux, comme sur « Avalanche », « To London », « Phoenix », « Blizzard » , sont salvateurs et sont le prolongement du chant. Ils nous libèrent du texte et ce sont eux qui nous ramènent la lumière, l’entrain, la rêverie…



L’atmosphère mondiale pesante, pourrait mettre dans un état de profonde mélancolie, la musique est pour certain un exutoire. Il y a cette mélancolie dans vos chansons et pour autant une forme d’optimisme aussi. Y a-t-il une chanson de cet album qui vous semblait particulièrement importante à chanter en 2025 et pourquoi ?
Il y en a plusieurs, notamment To London mais je crois que le texte qui résonne le plus est « De Nombreux voyageurs ». 

Pour ce titre, j’en appelle aux nombreux voyageurs que nous sommes, pour que l’on se réveille.

Le texte prend son temps, se répète, « il faudra bien attendre les spirales de pluie… »

 

Nous connaissons bien la complexité de faire vivre la musique indé sur scène, comment envisagez-vous la tournée de promotion de « Entre les roches » ? Quels sont vos espoirs et vos aspirations pour l’avenir ?
Nous avons la chance de jouer 4 concerts pour la sortie de notre album en Normandie mais il est de plus en plus dur pour les artistes d’arriver à se produire. Nous n’avons pas de dates pour le moment à Paris. A bon entendeur. 🙂

Je crois que c’est un retour du bouche à oreille, aux rencontres, aux réseau physiques, il faut ressortir de chez soi, allez à la rencontre des autres, être au bon endroit et ce n’est pas facile car malheureusement comme dans d’autres milieux artistiques, l’industrie de la musique reste un entre soi et il reste peu de places et peu de revenus pour les artistes indépendants.

 

 

Photo de couv. F. Vaury