Avec « On se retrouve à l’intérieur », Martin Lardé aka Blond BéLier signe un premier album qui frappe par une belle sincérité, une vigueur efficace, une poésie sensible et sa façon d’explorer l’intime comme un territoire à reconquérir, éperdument, passionnément. Entre chanson, pop pastel et éclats électroniques, le chanteur nancéien dévoile une musique en clair-obscur, traversée par le doute lucide, l’élan d’aimer plus fort, la douceur abyssal et une énergie admirable. Celui qui revendique le besoin d’oser et de muscler ses intérieurs propose un disque qui oscille entre contemplation infini et envie de danser follement, entre fragilité assumée et puissance inattendue. Un album pensé comme un baume, un espace où l’on se retrouve avec soi et, peut-être, avec les autres.
Blond BéLier nous a parlé de ce cheminement personnel, de ses paradoxes, de ses inspirations venues du théâtre, et de cette générosité qu’il porte sur scène comme une seconde peau. Rencontre avec un artiste qui avance dans l’ombre, avec la volonté farouche de rester vrai.
Le titre de votre album est à la fois poétique et un peu ironique. Que signifie pour vous cette invitation à “se retrouver à l’intérieur” ?
Et bien c’est une invitation à se retrouver à l’intérieur de soi, à faire souvent cet aller-retour entre ce que l’on vit et ce que le monde, les autres, attendent de nous. Une invitation à ne pas oublier l’importance des choix que l’on fait au fur et à mesure de la vie qui passe.
C’est un pied de nez à l’effritement, au doute, aux peurs, qui disparaissent dès lors que l’on muscle nos intérieurs. Cet album, c’est un soin, un baume pour certains aspects de ma personne.
Est-ce une métaphore intime, ou une manière de parler du monde d’aujourd’hui ?
Je ne sais pas ce que vous dites quand vous dites « intime », en tout cas, rien de sensuel ou de sexuel dans ce titre. C’est reconsidérer la totalité de l’iceberg. Le beau, le visible, le présentable mais aussi les parts plus sombres, plus cachées, plus honteuses. Parler du monde, en général, je n’ai jamais su trop faire à vrai dire. Le monde d’aujourd’hui, je l’aime autant que je le déteste et je vois bien que, nous, êtres humains, on est capables du pire comme du meilleur, et que c’est valable pour chacun chacune. Alors pour moi, l’intérêt de vivre est de chercher (et surtout de trouver) comment faire au mieux avec soi-même et de le partager.
D’ailleurs, petit message aux cueilleurs de champignons : PARTAGEZ VOS COINS !!
Votre musique mêle chanson, pop et électronique avec beaucoup de naturel. Comment avez-vous trouvé cet équilibre entre la chaleur de la voix et la précision des machines ?
Avec du temps de recherche autour de la voix et puis ensuite on a cherché pour que chaque musicien puisse « greffer » son univers à partir du texte et de son interprétation. On a mis du temps avant de trouver notre façon de faire et maintenant que nous avons posé le cadre, alors on peut s’amuser à créer encore plus facilement qu’au début de notre rencontre.
On ressent une alternance entre mélancolie et énergie dans ce disque. Comment naît cette tension entre douceur contemplative et envie de danser ?
Vous mettez, par cette question, les 2 pieds dans mes paradoxes !! et je vous remercie !!
Je suis très timide au départ, très en retrait. Parfois, ouvrir la porte d’un restaurant et dire : « On voudrait manger, c’est possible ? » m’est encore difficile. Cependant, j’exprime, dans d’autres projets (Tonton Suzanne/fanfare punk), une autre facette de moi tout à fait explosive. Parfois même, je ne me reconnais pas. Je crois que Blondbélier est l’alliance de ces deux aspects. Si cela transparaît dans l’album, alors j’en suis ravi car pour tout dire, je n’ai pas vraiment le contrôle là-dessus.
En titre d’album, j’avais aussi : « Danser sur nos failles ».
Votre écriture a quelque chose de très brut et sensible à la fois. Comment se construit un texte chez Blondbélier ? Vous partez d’une image, d’un mot, d’un rythme ?
Pour répondre à cette question, je dois déjà remercier mon équipe de musiciens Polo Leblanc, Romain Aweduti et Benjamin Chapelier.
J’ai souvent des chansons qui viennent le matin, au réveil, dans un semi-rêve, je ne sais pas trop comment décrire ce moment. Il y a des mots qui s’enchainent, souvent une image parcourue par un homme qui chante, c’est toujours, dans ce « rêve » un moment important en tout cas.
Et puis je me lève et soit je m’en souviens, soit je laisse passer.
Aussi il y a ce que j’entends dans les conversations avec mes proches. La dernière fois, ma compagne a dit : « Et puis les enfants nous oublient » et je suis allé écrire à partir de ce bout de discussion. J’envoie en amont une idée de texte et de mélodie et, avec l’équipe, on organise le tout pour en faire une chanson.
L’album semble inviter à une forme de reconnexion, avec soi et avec les autres. Est-ce une thématique centrale que vous aviez en tête dès le départ ?
Je n’ai pas réfléchi à ça, il a surtout été question d’oser écrire sans jeter le résultat dès la seconde ligne. Il a été question d’y croire sans être balayée par la récurrence de mes doutes. Je me suis retrouvé seul dans un appartement, j’ai arrêté d’écouter la musique des autres pour ne me concentrer que sur ce « Oser » qui me faisait défaut jusque-là. Je peux dire aujourd’hui, comme je suis heureux d’être allé au bout du processus. Le retour aux doutes, dans les périodes de creux, n’est plus aussi puissant qu’avant. Alléluia !!
Les arrangements électro et rock donnent parfois un côté presque cinématographique à vos chansons. Quelles ont été vos principales inspirations sonores pour cet album ?
Je viens du théâtre, là où les temps de silence ont autant de valeur que les mots, là où juste quelques notes de musique tenue donnent toute l’épaisseur au personnage et font passer l’émotion voulue.
Je pense que ma principale inspiration vient plus des films et des pièces de théâtre que d’autres artistes musiciens.
Cet album m’a demandé beaucoup de concentration et écouter d’autres musiques n’était pas très opportun à ce moment. Je savais juste que je voulais chanter en français et chercher une forme d’authenticité dans la façon de chanter. Maintenant que l’album est fait, j’écoute Terre Noire, Odezenne, Bertrand Belin, Baxter Dury et je me surprends à rêver que je fais partie de l’équipe à présent, même si, pour Blondbélier, tout reste à faire.
Vous parlez souvent de générosité dans votre rapport à la scène et au public. Comment imaginez-vous la transposition de cet album en live ?
J’ai commencé par le live avant d’imaginer l’album. Il y a eu un besoin fort d’être devant, avec les gens, surement un besoin de vérifier si j’étais sur la bonne voie et de réussir à prendre la place. Au tout début, je disais à mon créateur lumière (Julien Denis) : « Fais-moi disparaître » et, évidemment, il a fait l’inverse. J’ai eu envie du live, aussi pour qu’avec l’équipe, on vive tout de suite le feu de la rencontre, donc on a travaillé ça et fait une bonne vingtaine de concerts avant de commencer les enregistrements. Aujourd’hui je souhaite que le public se sente « comme à la maison » et c’est ce que je dis en concert. Je veux tenter de donner un moment simple et sans artifice, ne pas me prendre pour, ne pas mettre de mur entre le public et nous, je n’ai plus envie de perdre mon temps avec ça.
Le disque sort le 14 novembre. Qu’aimeriez-vous que les auditeurs retiennent après leur première écoute ?
L’envie d’y revenir, de le partager avec leurs proches, qu’ils attendent la suite en brûlant d’impatience comme je brûle de livrer le second album.



