Pourquoi la magie de Shifting Sands (Sables Mouvants en français dans le texte), originaires de Brisbane, capitale de l’Etat de Queensland en Australie, opère-t-elle à chacune de leurs représentations ? Voici quelques éléments de réponse…
Geoff Corbett, look de vieux loup de mer, la peau tannée par les affres de la vie et les vents de Macleay Island dans la baie de Moreton où il réside, est tout à la fois un condensé d’animalité intense et de fragilité.
Sa voix rocailleuse répond à celle d’Izzy Mellor, aérienne et cristalline, empreinte de pureté et de candeur.
Izzy et Geoff, c’est l’équilibre parfait entre le yin et le yang (l’écureuil et l’amande, le jour, la nuit… oups ! je m’égare !), the Beauty and the Beast, une complicité qui transpire par tous ses pores et sublime les instants.
Look de Jim Morrison s’il ne s’était pas attardé au « Club des 27 », poète gainsbourien, Geoff Corbett use de ses oscillations internes comme d’un terreau fertilisant les émotions, livrant des sets à vif. Il harangue le public en émoi et pâmoison, violente son tabouret sur la scène, régurgite ses tourments.
Lorsqu’il est sur scène, Geoff Corbett est un donneur universel qui engage son esprit et son corps de façon totale. Au milieu de la foule, l’église Notre-Dame-de-Bon-Voyage au loin, il est à la proue du navire amiral binicais.
Le regard bienveillant et doux d’Izzy assagit la mélancolie et les fissures du Captain en retour ; « Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière », disait Audiard.
Sans oublier Nick Naughton à la batterie et Pete Townson à la guitare acoustique, il est temps de rendre également hommage au jeu tout en retenue du fantastique guitariste qu’est Dan Baebler, injustement victime de l’adaptation hédoniste, cette propension naturelle de l’humain à s’habituer instinctivement à ce qui l’entoure et à faire en sorte que cela devienne sa normalité. Après tout, de bons guitaristes, il y en a partout n’est-ce pas ?
Sans doute oui, mais les très bons sont plus rares ! Dan Baebler, au même titre que Tim Duane (qui accompagna Rhyece O’Neill & The Narodniks l’an passé sur leur tournée européenne), font partie de cette catégorie-là. Ils sont les enfants du royaume du rock indé, dignes héritiers du légendaire Spencer P. Jones. Des joyaux du Commonwealth qu’il faut chérir.
L’Humanité si imparfaite est capable de tant de belles choses, Shifting Sands en est un de ses trésors.
A la fin du set, deux fillettes, dont la plus âgée doit avoir huit ans, récupèrent la set-list et s’approchent timidement des (en)chanteurs australiens pour leur demander une dédicace. Avec une bienveillance extrême, Geoff et Izzy s’adonnent avec plaisir à cette demande; les deux fillettes sont aux anges. Et nous aussi.
Des citoyens donneurs vous disait-on !
Alechinsky.
@Shifting Sands @Binic Folks Blues Festival 2019 – Crédit photos : © Claude Le Flohic