EXPOSITION VAMPIRES à la Cinémathèque/De DRACULA à BUFFY.

Les expositions présentées à la Cinémathèque sont méticuleusement travaillées, étudiées, singulières, recherchées, gracieuses, inventives, atypiques, et je pourrais rajouter une kyrielle de qualificatifs tant je suis enchantée et surprise à chaque fois, mais je vais laisser de côté ma verve dithyrambique pour te prendre par la main – pas par les crocs sois rassuré(e) -, et te raconter la genèse de l’histoire de cette exposition, encore une fois d’une manière tout à fait personnelle et subjective, laquelle je l’espère t’invitera à lire quelques papiers, voir quelques photos ou revoir Béla LUGOSI ou Gary OLDMAN endossant divinement le rôle du Comte Dracula, les excellents films Les Prédateurs, Le Bal des Vampires, The Addiction, A Girl Walks Home Alone at Night, Only Lovers Left Alive… puisque l’exposition s’est terminée le 19 janvier. Je te mets le sang à la bouche n’est-ce pas, alors viens donc ! « I am Dracula ». Ces trois mots ne sont-ils pas aussi glaçants que profondément envoûtants lorsque ce personnage mythique surgit des tréfonds du Moyen-Âge, de son château à Bran en Transylvanie et de son cercueil capitonné, nous les balance en pleine figure ? « Vampires ? Vous avez dit vampires ? Comme c’est étrange… » Attrape donc ta fiole de sang que je t’embarque en quelques phrases et en clichés tout au long de cette exposition horrifique, diabolique, fantasmagorique, irréaliste, succulente, abominablement démoniaque, politiquement incorrecte que j’ai pris un immense plaisir à déguster, me manquait juste un petit verre de Chianti, ça va de soi ! Dès l’entrée, des frissons me parcourent de la nuque à l’échine. J’emprunte un couloir plongé dans le noir, j’entends des hurlements que je ne peux distinguer, puis des lumières clignotent, s’éteignent, se rallument, ce ne sont pas de bons vieux candélabres comme l’on peut en voir dans les châteaux habités par des vampires, non, ce sont des lampes à led, notre ère puissamment dévorée par la technologie nous impose cela, mais croyez-moi, cela fait quand même son petit effet, le décor est planté, l’atmosphère est délétère. Le couvercle ouvert d’un cercueil gigantesque m’invite à entrer. J’erre entre les tombes aux thèmes spécifiques, je suis à l’affût des pieux et tente de retenir ma respiration pour ne pas me laisser surprendre par un de ces êtres captivants et repoussants, l’oxymore a ici toute son intention. Je suis immédiatement happée par le nombre d’œuvres à contempler : huiles sur toile, associations de matières, collages, affiches de cinéma, couvertures de magazines, dessins, estampes, croquis, costumes, extraits de films, la première édition française du Dracula de Bram Stoker, des planches originales de la bande dessinée Nosferatu, tout me captive et je ne sais plus où donner de la tête, j’ai donc opté pour faire et refaire l’exposition à l’endroit et à l’envers, et inversement. Je suis assoiffée, je veux m’empiffrer d’anecdotes croustillantes, je veux dévorer tout ce qui est écrit, goûter en détails le spectacle sanguinolent qui s’offre à moi, les effusions de sang qui jaillissent de partout m’enivrent, serais-je désormais sous l’emprise d’un vampire ? Peut-être… Mais d’où vient cette fascination ? Je m’interroge. Car, le vampire fait peur, il fait trembler, il effraie et paradoxalement il fait sourire, parce qu’il en fait trop, parce qu’il surjoue, parce qu’il se met en scène, il parle fort, s’exprime de façon théâtrale, magistrale, ses gestes sont amples mais précis, saccadés, son aura inonde l’assistance, son charisme déborde, et sa sensualité exaltée en fait un personnage sexuellement attirant. Un extrait de manga vampirique me sort de ma rêverie, je ris. Les détournements des magazines satiriques m’amusent beaucoup, les politiciens véreux s’affichent aux yeux de tous et deviennent le temps d’une couverture en papier glacé, des friandises à déguster sans modération. On le sait, les vampires adorent les vers comme tout ce qui est répugnant et dégoûtant. Tant de mystères siéent aux vampires. Cet être maléfique, insatiable, gourmand et gourmet puisqu’il ne boit que le sang des vivants, fantasque, élégant, bien souvent vêtu d’une cape, habillé de rouge et de noir, la couleur des ténèbres et la couleur du sang, drôle parce qu’il est souvent doté d’un humour implacable, charmant, charmeur, magnétique, irrésistible, ce qui fait que l’on ne s’en méfie pas, fort comme plusieurs hommes, l’esprit ouvert et curieux, le plus souvent très cultivé. Le vampire est décliné en version pop, en cinémascope, on le détourne en politique, on le sublime en poésie, on l’offre à la populace. On peut dire que le vampire a la côte. Pour illustrer cette visite, j’ai choisi des artistes aux horizons très différents, les œuvres de Jean-Michel Basquiat, Wes Lang, Francisco De Goya, Cindy Sherman, Urs Fischer, Ferran Garcia Sevilla, les costumes de Eiko Ishioka, des affiches de films, etc. J’ai ressenti une sorte de plénitude, comme si tout à coup j’avais oublié tout ce qui pouvait se passer à l’extérieur. Je me trouvais dans un huis clos face à tous ces vampires aristocrates séduisants, farceurs, buveurs de sang. J’espère que ce ravissement était communicatif et partagé par les visiteurs venus en masse ce jour-là. C’est donc avec un sourire effronté au coin des lèvres et des frissons de bonheur que ma promenade fut des plus agréables et bénéfiques puisque cela m’a permis de connaître un peu plus l’histoire de ces êtres si particuliers en m’accordant ce moment intime avec eux. Diablement sexy, outrageusement décadentVampire, you rock !

Lolo Patchouli