“Decision to Leave” de Park Chan-wook. I love you but i’m lost.

J’avais un peu oublié Park Chan-wook. Dans ma bibliothèque mentale, ses derniers longs-métrages brillaient, toujours, par leurs constructions alambiquées et leur sens du détail mais son “Mademoiselle” ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable dans ma mémoire de cinéphile. Trop appliqué ? Trop maitrisé ? Ou simplement trop froid, en dépit d’un érotisme à faire rougir votre neveu boutonneux ?
Je ne saurai dire la teneur de ce voile d’ombre.
Mes synapses ? Lettres mortes.
En prélude à un “Elvis” flamboyant-dont j’ai déjà vanté les mérites dans ces pages numériques- une nouvelle bande -annonce de l’ami coréen promettait des vertiges ascensionnels et des amours contrariés. Un meurtre déguisé en suicide, un flic, une coupable idéale et un coup de foudre réciproque.
Park Chan-wook allait-il retrouver la maestria d'”Old Boy”, sommet de perversion et de manipulation ?
La réponse est positive.
Loin de se répéter ou de proposer une énième variation sur le même “t’aime” (le couple maudit qui se désire, se déchire et se cherche sur fond d’enquête sinueuse), notre cinéaste virtuose vise plus haut et enjolive sa dernière production de thèmes chers à Alfred Hitchcock. Sexe en sourdine, fétichisme fugitif et romantisme à tous les étages seront, ainsi, convoqués. Définitivement tourné vers l’Occident (de parcours), notre adepte du culte salue ses pairs. Hommage appuyé, l’insubmersible “Vertigo” transpire à chaque plan de ce Decision to leave”. Regards, respirations, frôlements. Autant de moments suspendus tendant vers une éruption- volcanique/thoracique- chez nos deux protagonistes. Et le film de progresser au gré des reflux internes de Hae-joon et Seo-rae. Dans cette course à la vérité, le chasseur aime sa proie et elle le lui rend bien. Seul hic, notre policier est marié et notre anti-héroïne (version drogue dure) veuve depuis peu. Dès lors, “Decision to leave” joue avec la morale pour mieux nous embobiner. Et quelles bobines ! A l’écran, du pur cinoche, alerte, intelligent, séduisant et sexy.
Dans la salle, sens en éveil et énumération des clichés recyclés. La Femme fatale adopte une position de force vis-à-vis de son “tortionnaire” amoureux sans arborer les tics usuels ou la panoplie.
Point de porte-cigarette, de robe fuseau ou d’alcool à gogo.
Tout se devine dans des sourires timides et un plat concocté en commun. Doutes et sentiments en déroute dans la cuisine.
Violence des échanges en milieu tempéré.
Tous deux (é)perdus.
Le piège est tendu.
Jambes dévoilées en salle d’interrogatoire.
Paume de la main sur une joue offerte.
Planque et fenêtre sur cœur.
Ça tangue, ça chavire, cela se perd dans des hésitations constantes mais, nous le savons dès le prélude, l’issue de cette valse s’avère peu engageante.
Chute.
Bordel.
Notre investigateur perd pied.
Jeux de l’amour et du bazar, “Decision to leave” décrit comme jamais la mécanique interne d’un détective tiraillé entre l’élan incontrôlable et le pragmatisme professionnel.
Et nous chavire par le biais d’une réalisation jouant sur le temps (ces raccords malins en guise de flashback !) et l’espace (les corps se téléportant par la simple volonté d’une pensée).
J’émettrai un léger bémol sur la deuxième partie de ce polar, au scénario un poil redondant mais au final bouleversant.
Ou comment enterrer des preuves compromettantes…
Quelle joie de retrouver un artiste rare en pleine possession de ses moyens !
Amateurs de casse-tête asiatique, de rythmes chaloupés et de mouvements de caméras ultra-classieux, voici l’une des plus belles surprises de cette année 2022 et un prix de la mise en scène, au dernier Festival de Cannes, amplement mérité !
Quelle fête (du cinéma)!
Sublime. Forcément sublime.

John Book.