[Chronique] Queens of the Stone Age – « Alive in the Catacombs »

C’est dans les entrailles de la capitale française, au cœur même des catacombes de Paris, que Queens of the Stone Age a décidé d’inscrire son dernier témoignage musical. Intitulé « Alive in the Catacombs« , ce concert-film, capté en juillet 2024 et révélé au public en juin 2025, transcende ainsi le simple exercice de style : Une œuvre intense, funèbre et captivante.

Dans cette scénographie, au milieu de l’ossuaire de pierre, d’une austérité sublime, les riffs massifs font place à des arrangements d’une grande sobriété. Exit la saturation et la fureur. Ce que propose ici Josh Homme et ses compagnons – Michael Shuman (basse), Troy Van Leeuwen (guitare), Dean Fertita (piano), Jon Theodore (percussions) – est une version plus intime, un dépouillement sonore au service d’une émotion nue.

L’album, volontairement bref, cinq morceaux pour vingt-huit minutes, condense toute la tension d’une carrière au un charisme grandissant. Chaque titre est déconstruit, réorchestré avec des percussions de fortune, des cordes élégiaques, des guitares murmurantes, parfois même un clavecin. L’acoustique naturelle du lieu devient instrument à part entière, amplifiant le moindre souffle, le moindre frémissement de corde.

L’ouverture sur le diptyque “Running Joke / Paper Machete” saisit par son dépouillement : une voix seule, puis une montée orchestrale douloureuse, presque suppliciée. Suivent “Kalopsia” et “Villains of Circumstance”, dans des versions qui n’ont plus rien des arrangements d’origine, le rock devient procession, quasi liturgique.

Le sommet de cette tension narrative réside peut-être dans l’interprétation bouleversante de “I Never Came”, où la voix de Josh Homme, frêle et vacillante, et semble surgir du silence des tombes, à peine soutenue par des nappes de cordes et le martèlement d’un tambour. Une tension maîtrisée, dans un minimalisme assumé, parfait pour clôturer la montée haletante de cet album.

Si cette captation revêt une telle intensité, c’est aussi en raison de son contexte. Josh Homme, récemment confronté à une grave maladie, apparaît ici comme un revenant, un survivant revenu jouer parmi les morts. Ce n’est plus le frontman arrogant et solaire, mais un homme dépouillé, humble, au bord du gouffre, qui s’exprime avec une ferveur quasi mystique.

Le choix du lieu n’est pas anodin. Les catacombes, sanctuaire païen et ossuaire séculaire, offrent une acoustique naturellement sacrée. Le son y résonne comme dans une nef gothique, chaque note semble convoquer l’ombre de ceux qui reposent là. On ne joue pas dans les catacombes : on y prie, on y invoque. Et Queens of the Stone Age y célèbre un office laïque, une cérémonie de retour à l’essence même de la musique : la fragilité du vivant.

« Alive in the Catacombs » ressemble à une expérience sensorielle et spirituelle. En écartant toute surenchère sonore, le groupe s’expose, explore ses limites, et parvient à transcender ses propres codes. Il en résulte un album aussi déroutant qu’émouvant, à la croisée du rock, du théâtre liturgique et du manifeste autobiographique.

Avec ce projet, Queens of the Stone Age signe peut-être l’une de ses œuvres les plus radicales. Josh Homme, quant à lui en retournant dans le ventre de la terre, semble y avoir déposé un fragment de lui-même, une offrande, une part de douleur pour mieux renaître…