« Ce coup fut le dernier. Une fois sur la route, Chien noir, malgré sa blessure, montra la merveilleuse légèreté de ses talons et disparut derrière la crête de la colline en moins d’une minute. » L’île au trésor de Stevenson
Rester chez soi. Pas facile surtout quand on voudrait voler. Trouver un échappatoire. Du 1erau 7 avril se tenait sur l’espace numérique le festival Je reste à la maison. Ultra confortable les fesses posées sur un canapé moelleux une bière à porté de main, et pour le ravitaillement le frigo est à bout de bras, pas besoin de cashless, d’attente aux toilettes, de subir le vent, la pluie, le poids du soleil.
Pour un artiste aussi c’est assez confortable au final. Un bon exercice, comme si c’était un « vrai live », mais sans applaudissement. Une vitre nous sépare. D’un monde à un autre. On observe un peu voyeur, le mouvement du chanteur, en l’occurrence Chien noir devant une salle bien remplie, virtuelle, de plus de 1000 personnes derrière l’écran.
Chien noir, c’est l’histoire d’un petit garçon de six ans. Assis à côté de sa mère qu’il observe au piano. Inscription ensuite dans une école de musique. Sa première chanson à 12-13 ans, avec seulement un mois de guitare dans les pattes…parce que à travers la télé, lors des live de l’émission mythique Nul par ailleurs sur Canal +, il découvre Sebadoh, Calexico, Jeff buckley…tout le monde était sur des guitares alors je m’y suis mis.
Plus tard le conservatoire et la rigueur. En 2013, il monte un groupe avec des musiciens classique, A call at nausicaa, deux Ep : My home a forest en 2014 et Grand feu en 2016.
La mue s’effectue et il devient Chien noir, et désormais il éprouve le besoin d’être compris alors il écrit en français.
Une certaine littérature l’attire. Il trouvera même son nom de scène dans L’île au trésorde Stevenson. Elle m’a toujours parlé. Cette notion d’instinct de survie, de se retrouver face à des éléments très difficile. Je parle de ça dans mes chansons, dernièrement j’ai relu L’appel de la forêt, de Jack London. J’écris la nuit seul face à soi même.
Démarche très underground, il sort deux titres sur une cassette de 5mn. La souterraine, label musique Indé, aime et sort sur une compilation le titre Cache-cache.
Grace à cette chanson, il va être mis en contact avec un certain Mark. Mark Daumail, le chanteur de Cocoon, il aime accompagner un jeune artiste et le suivre dans son évolution, le guider. Je produis mes propres chansons, mais Mark est d’une certaine manière le deuxième membre de Chien noir, c’est la première personne à qui j’envoie mes productions. Il a une analyse pertinente. Très vite on est devenu très complémentaire, lui c’est un magicien, moi j’ai la technique. J’arrive à formuler des choses pour lui et inversement et j’adore ça, c’est devenu un véritable ami et c’est précieux…
Pour l’album Wood fire de Cocoon il participera à deux chansons : I got you et Sun et ensemble ils écriront pour Vanessa Paradis, HollySiz…
En live, il est accompagné par le batteur Nicolas Girardi, batteur de jazz, qui fait vivre les morceaux différemment.
« L’attente se fait universelle… Je sentais dans mon corps et dans tout ce que j’étais une sorte de décollement, d’envol vide et sans but… » Naissance des fantômes de Marie Darrieussecq
Il a grandit dans une maison hantée, et quand il les a quitté, ces fantômes, et bien ils sont encore là… Il vit avec des traces du passé dans la tête, et ça inspiré Qu’est ce que tu fais dans le noir ?
La particularité de Chien noir c’est la douceur, dans la voix, la mélancolie, les textes. Se confronter avec le monde extérieur, c’est dur, le combat ordinaire et parfois c’est effrayant, alors j’ai besoin de douceur et de l’exprimer doucement. J’ai la prétention de dire que ça peut aider les autres.
On évoque la danse contemporaine, l’un des seuls arts qui parle aussi bien de l’intime. Il repense à un autre fantôme Pina Baush, c’était à l’opéra de Bordeaux, avec sa création Café Muller, il est resté chamboulé par le souvenir des bruits, des sons, des peaux qui claquent, des respirations…
Le souvenir de l’intime… « ça fait trop longtemps que tu restes avec moi, je crois qu’il est temps de se dire au revoir, demain je regarderais juste à côté d’à côté, faisant semblant de pas espérer que t’es toujours là, t’es toujours là…» dans Je regarde à côté.
Il est sur le point de signer dans un label avec un album à paraître avant la fin de l’année, à suivre donc… et comme Christophe vient de nous quitter et qu’il nous a légué la douceur et les sentiments à la dérive, que les enfants sauvages de Chien noir vous accompagnent dans l’absence et la peine.
SZAMANKA