Chasseur “Crimson King” explore le terrain mémoriel

Secoué par une dépendance mélodieuse propre à déclencher des boucles vocationnelles, Chasseur nous engouffre dans des paysages limpides sans camouflages, le regard rêveur souligné d’un son eye-liner de noctambule. Batteur, compositeur et producteur rennais, Gaël Desbois est le concepteur de ce nouveau projet solo. Électron libre musical, après ses récents travaux au sein de Tchewsky & Wood et diverses compagnies de théâtre et de danse, il poursuit ses aventures avec ce premier album intitulé “Crimson King“, à paraître en octobre 2020.

Les mots ouverts à l’alchimie poétique de Gaël sont autant de couronnes aux joyaux précieux. Il a été épaulé pour certains textes par l’écrivaine Nathalie Burel, qui chavire toutes les oreilles curieuses et sensibles. Dans un rapport quasi minéral et à la complexité certaine qui donne une assurance au décor remuant de fraîcheur. Ici, les compositions nous bercent d’effluves poétiques et là, nous marquent au silex tranchant comme autant de marasme chaotique fondateur.

Sur Comme il vient, le souffle est là, dans cet espace foisonnant où les textures s’animent comme dans le gosier d’un animal affable. La digestion s’organise à l’ombre des arbres millénaires; c’est Bashung qui s’encanaille avec Alan Vega dans la tempête d’accords où les infusions sonores se mêlent pour s’étirer et se bousculer. La voix hypnotique et légère percute en vous dans une séquence rythmique imperturbable aux prises avec le réel, à en rouler les assonances, en amont, en aval.

“Que cessent les saisons délavées / Sous la terre nouvelle bat le coeur / D’un érable rouge couleur sang”


Il sait poser son tempo plein de douceur et saisir l’occasion d’une ellipse, histoire d’ajouter du cœur au feuilletage et rappeler que son potentiel de contemplation a un côté suffisamment riche pour varier son plaisir.

Sur “Ailleurs”, les claviers aux sons familiers s’unissent à la pertinence de ce détournement ravissant. Un univers à part, une porte vers d’autres temps impressionnistes. Le brassage frappe par vagues comme des intempéries fugaces, rappelant le pays d’un “Jacno” ou d’un “Fad Gadget” qui se seraient posés pour rédiger leurs mémoires.
Le vortex déroule son tapis de filaments avec son tissage captivant d’érosion abrasive. Une armature aux mailles bien établies et aux motifs à géométries variables, suffisamment puissantes pour rester dans le trip hypnotique, puis tournée vers les nappes virant au bleu pétrole.

“S’en aller chercher au fond / L’accalmie de mes sangs / Et le repos des sens / S’en aller chercher au fond / Je suis là mieux qu’ailleurs…”


Annie Ernaux écrivait : “Ce qui compte, ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on fait de ce qui arrive”. Le résultat est une réussite d’aujourd’hui et déjà de demain.

“Je me souviens de tout” est un titre bien aiguisé qui invite à la fête et rappelle par moments la gouaille d’un Gérard Manset. Il a ici ouvert un passage introspectif, un cheminement bien dosé qui ne manque pas de poigne. Voix calme, textes forts, ce qui n’empêche pas un son assez dansant.

“Je me souviens de tout / Et sans même que je le veuille / Je peux faire bruisser dans mes feuilles / La mélodie du vent”


Avec un soupçon d’atmosphère mystérieuse qui souffle comme une brise chaude, légère et réconfortante, qui vous fait claquer des doigts et taper du pied. Et laisse l’étrange sensation d’avoir déjà parfaitement la mélodie en tête.

Héritage de la chanson électro française, bien sûr et quelles belles références … Un air de Daniel Darc pour le titre Du bleu. Comme si Bashung avait collaboré avec notre Darc, quelle affiche n’est-ce pas ?
Des souvenirs, des bribes d’images, une introspection mémorielle… Un tempo comme une machine lancée sur une ligne droite vers la renaissance ou la folie ? Comme chaque titre, nous découvrons un petit peu plus le futur bébé de Chasseur

Crédit photos : Anne Gontier

La musique de Chasseur est intemporelle car elle a su garder des traces du temps et de ses musiques emblématiques qui ont forgé nos cultures auditives.
L’esprit comblé d’images sonores sombres, cette œuvre charme par ce brin d’ambiance cold-wave et électro-pop.

Partager un tel bonheur musical est annonciateur d’un album qui devrait marquer les esprits et la musique actuelle !

On reste à l’écoute pour la suite…

Chasseur – 1er album « Crimson King » – sortie le 23 oct 2020 sur le label Reptile Music.

Les 5 premiers singles sont en écoute sur toutes les plateformes audio, alors allez les découvrir !!

Crédit photos : Anne Gontier

Suivre : https://www.facebook.com/ChasseurMusic/

Guillaume d’Arsène / Stef’Arzak