CBGB a servi de quartier général et d’incubateur pour les groupes les plus vénérés de New York – The Ramones, Blondie, Talking Heads, Television, Sonic Youth…-, qui ont fait du CBGB l’un des rares clubs rock connus dans le monde entier. Plus que cela, le CBGB aura été ‘’un état d’esprit‘’ (Patti Smith).
CBGB. Quatre lettres qui résonnent aussi fort à l’esprit d’un new-yorkais dans les 70s et au début des 80s que SNCF à celui d’un cheminot de Sud Rail, CCCP à celui d’un Soviet à l’époque de la guerre froide ou encore IKEA à celui d’un habitant de Stockhölm.
Le club, dont le nom complet est CBGB & OMFUG (‘’Country, Bluegrass, Blues and Other Music For Uplifting Gormandizers = Country, Bluegrass, Blues et autres musiques pour gourmandiseurs raffinés’’), est situé au 315 Bowery, dans le quartier pauvre et crasseux du Lower East Side, au sein d’une Amérique des 70s où morosité économique et décomposition urbaine sont de mise.
Hilly Kristal a 42 ans lorsqu’il l’ouvre en décembre 1973, pensant y accueillir des groupes de country, de bluegrass et de blues. Mais l’histoire en décidera autrement. Le manager du groupe de punk-rock Television, Terry Ork, sollicite Kristal pour que le groupe puisse jouer. D’abord réticent, mais confronté à des difficultés financières, Kristal finit par accepter
Lorsque Television prend place sur la scène le dimanche 31 mars 1974 à 21 heures, il ne se doute pas encore que la réputation de son club est en marche.
Peu convaincu par la prestation du groupe dont les co-fondateurs sont Tom Verlaine et Richard Hell, il faudra tout le pouvoir de persuasion de Terry Ork pour que Television se produise à nouveau le 16 août 1974, avec les Ramones en première partie.
Kristal définit une seule règle : que les groupes jouent leurs propres compositions. CBGBdevient ainsi un lieu de création extraordinaire.
Tom Erdelyi, mieux connu sous le nom de Tommy Ramone, premier batteur du groupe The Ramones, résume parfaitement le contexte de l’époque : ‘’Quand nous avons commencé, il n’y avait pas d’endroits où nous pouvions jouer, donc nous nous sommes retrouvés sur le Bowery ».
Entre fin 1973 et 1976, CBGB devient le temple du rock underground – punk (plutôt que cette dénomination, Kristal préférait le terme de ‘’street-rock’’) et new-wave – à NYC, voyant défiler des légendes… Suicide, Blondie, Talking Heads, The Police, The Cramps, The Fleshtones…
En 1975, Patti Smith y sera en résidence pendant 7 semaines. Une période toujours considérée par les connaisseurs comme étant la plus marquante de l’histoire du club.
Dans les années 80, le punk hardcore se développe dans le milieu underground (Dead Kennedys, Bad Brains). Le club accueille des concerts dschaque dimanche après-midi (‘’Hardcore matinees’’). Au fil du temps, devenant des lieux d’affrontements de plus en plus violents sur scène et dans la salle et à l’extérieur avec les forces de l’ordre, Kristal décide de les refuser. Le dernier concert hardcore aura lieu le 3 juillet 2005.
En août de cette même année, le bail de 12 ans arrive à expiration et n’est pas renouvelé par Bowery Residents’ Committee, une organisation à but non lucratif qui aide les sans-abris, propriétaire des murs.
En décembre, le juge Carol R. Edmead, de la Cour suprême d’État de Manhattan, proclame la fermeture définitive du club, victime de la gentrification de ce coin du Lower Manhattan (‘’Un symptôme de la nouvelle prospérité vide de notre ville’’ dira Patti Smith).
Un accord est trouvé pour que l’exploitation se poursuive encore malgré tout pendant quelques mois.
Un photographe de Staten Island aura cette phrase : « C’est le viol culturel de New York City que cet endroit soit poussé dehors ».
L’Histoire retiendra que Patti Smith y donnera le dernier concert le 15 octobre 2006.
‘’Je suis sentimentale’’ dira-t-elle au moment de prendre en photo le célèbre auvent déguenillé et sale du 315 Bowery, devant un parterre de photographes et de journalistes rassemblés autour d’elle. Et, comme pour tourner définitivement une page de l’histoire du rock : « Il y a de nouveaux groupes avec de nouvelles idées partout dans le monde. Ils feront leur propre place – peu importe que ce soit ici ou ailleurs. »
Alechinsky.
Epilogue 1
L’intérieur du club – un couloir étroit avec un bar à droite, la scène à l’arrière, des stalactites de crasse pendantes au plafond et des kilomètres d’affiches anciennes et de graffitis tout autour – est presque aussi connu que sa musique.
Kristal avait envisagé de déménager le club à Las Vegas pour le reconstruire à l’identique, jusqu’à y réinstaller les urinoirs ‘’où Joey Ramone avait pissé’’. Il n’aura pas le temps de le faire, décédant le 28 août 2007.
Epilogue 2
Le Lower East Side est aujourd’hui un quartier en pleine évolution, devenu très tendance où se sont installés créateurs de mode et boutiques de vêtements dans des bâtiments neufs et luxueux. Le 315 Bowery est l’adresse de la boutique de vêtements du créateur de mode John Varvatos.