Rencontre de 75% des 4 du Craftmen Club*, groupe made in Bretagne qui vaut le détour. Frais et dispos, Steeve Lannuzel (Chant Lead + Guitare), Marc Corlett (Basse + Chœurs) et Yann Ollivier (Batterie + Chœurs) sont parés à causer ! Sincères et motivés, ils se prêtent au jeu de la discussion avec le premier journaliste du matin (moi) avant d’en enchaîner une demi-douzaine d’autres, avec le sourire.
Ils sortent un tout nouvel album, intitulé ‘’Colores’’, et c’est le 10 novembre (voir chronique dense mais sincère plus bas !). Un groupe de rock, oui Monsieur, oui Madame, qui enregistre des chansons, fait un paquet de concerts chaque année et se décarcasse pour vous !
Implantés à Guingamp et à Brest, ils ont une fan base d’irréductibles armoricains mais pas que … et leurs 3000 suiveurs sur Facebook ne sont pas des clics virtuels.
Prendre des risques et essayer de nouvelles choses semblent des partis-pris choisis par le groupe, qui vend au moins 5000 copies (en digital + physique) de ses albums. Preuve que leur musique mérite de rayonner dans tout l’hexagone.
Ils joueront très bientôt à Paris, au Petit Bain le 21 novembre et dans un lieu ‘’secret’’ le 22 (genre un club select fondé par un réalisateur américain qui fait des films bizarres et où le demi coûte un bras…).
3 mai 2014. Stade de France. Remise de la Coupe de France de football à l’En Avant de Guingamp (EAG), qui vient de fouetter le voisin rennais par 2 buts à 0 en l’espace de 10 minutes*.
Ce moment historique pour le club breton, en présence des 80.000 spectateurs présents ce soir-là, est accompagné en fond par ‘’Animals’’, un titre figurant sur le troisième LP de The Craftmen Club, l’excellent ‘’Eternal Life’’ (2013). Devenu depuis l’hymne du Kop rouge, il embrase chaque avant-match au stade du Roudourou.
Du club, le groupe a adopté les deux couleurs emblématiques – rouge et noir -. Le rouge pour les prestations scéniques incandescentes qui embrasent le public. Le noir pour le ton de la pochette et l’aspect ‘’dark’’ des compositions du nouvel album ‘’Colores’’.
Le premier titre chanté en français, ‘’La route’’, installe d’emblée le climat tendu de l’opus ; une route dont on ne sent pas la trajectoire tranquille et rectiligne, à l’image des titres à venir (‘’La route est encore longue / Eblouie par les faisceaux lumineux / L’espoir s’enlise au fond des veines / Entre nous s’installe la distance / Devant nous commence l’errance / Promesses de ténèbres fleurissantes’’).
‘’La jetée’’, légère, mélodieuse et rock, voit la guitare et la batterie s’agiter après deux minutes pour ne plus jamais nous lâcher pendant la dernière minute trente.
‘’Expect to crash’’ est un morceau aux accents stoniens, où la voix de Steeve se fait plus aigüe, dont on sent qu’il déclenchera l’agitation au devant de la scène lorsqu’il sera joué live.
‘’Love’’ vient ensuite, guitares à la proue et refrain catchy. Un titre rock qui tient la baraque.
Tout en retenue, ‘’Colores’’ est un titre trompeur. Ne vous attendez pas ici à un patchwork fauviste, tout ici suggère un climat tendu, pesant et contracté, souligné par la ligne de basse (‘’Tu colores ton cœur, c’est tout ce qu’il te reste / Et le parfum passé qui jaillit de l’oubli / Et tu fais le silence et le venin qui progresse / Et qui ronge le jour qui appelle à la nuit’’), dont l’issue est incertaine et menaçante (‘’L’un de nous va payer de n’avoir pas su / Regarder les couleurs juste un instant offert’’).
‘’Nos enfants rois’’ est magnifique, profond et ombrageux. La voix contenue de Steeve, comme muselée, dégage de la force et de la noirceur. Il est ici question de mort, de bûcher (‘’Aucune forêt n’est assez grande pour le bûcher qu’ils nous tendent’’), de crimes et de calibres. L’ennemi est invisible et violent (une évocation de la menace terroriste ?). ‘’Mon Amour, mon âme / Regarde nos enfants sourire une dernière fois’’. Tout simplement le summum de l’opus.
Le Bowiesque ‘’Last trip’’ nous harangue et nous invite à bouger et danser. Venant à point nommé pour alléger l’ambiance quelque peu plombée depuis le début, il est une récréation rock, comme un trou normand au milieu du repas pour digérer la lourdeur des mets engorgeant l’estomac et mieux appréhender la suite du menu.
Car bientôt, l’aérien ‘’Elevator’’ distille ses riffs de guitare entêtants et s’élève encore un peu plus au-dessus de la mêlée (‘’I take the elevator / I feel the space around me / I see the world under my feet’’).
Les deux derniers titres de l’album présentent la particularité d’avoir été enregistrés live et ‘’au naturel’’ au studio Kerwax à Loguivy-Plougras.
‘’Le lac’’ est notre second coup de cœur, un morceau ample, puissant, lyrique, épique, empreint de religiosité, au climat ‘’ambient western’’ qui nous emporte sans coup férir. Un titre parfait pour un rappel, qui laissera l’audience scotchée et plantée au milieu de la salle avant que les lumières ne se rallument.
Closant l’album, ‘’Le lustre’’ impose un climat inquiétant et tendu. La voix sombre, grave et murmurante de Steeve concoure au lugubre. Ça fait froid dans le dos.
The Craftmen Club nous livre un quatrième album superbe, tourmenté, anxiogène, à la fois sombre et lumineux, dans la lignée de son prédécesseur ‘’Eternal Life’’.
Avec ce surcroît de relief porté par le choix de chanter en français (six titres sur dix). Un virage que beaucoup de groupes n’osent franchir, pleinement réussi ici.
Cela doit permettre au groupe d’exp(l)oser enfin au grand jour et au plus grand nombre toute sa qualité. C’est tout ce qu’on leur souhaite en tout cas.
Si l’on devait miser sur un podium en 2018, de la Ligue 1 pour l’EAG ou des groupes de rock français pour The Craftmen Club, le choix serait vite fait, ne soulevant pas même l’esquisse d’un doute…
Enfin, nous ne saurons trop vous conseiller d’aller les voir jouer live dès le 21 novembre, car leurs prestations scéniques sont incroyables !
Jérôme ‘’En Avant’’ V. + Alechinsky.
*Robin Millasseau (Guitare + Chœurs) est le quatrième membre du groupe. **Buts de Jonathan Martins Pereira de l’extérieur du pied droit dans la lucarne (37e) et de Mustapha Yatabaré, seul à l’entrée de la surface de but, tête piquée (46e).
Concerts à venir : 21/11 Paris @Petit Bain. 22/11 Paris @Lieu Secret. 24/11 Laval @salle polyvalente (+ Matmatah). 25/11 Rennes @Liberté (+ Matmatah). 2/12 Hendaye @Festival Olentzero Rock #7. 7/12 Rennes Bars en Trans @Mondo Bizarro (+ Alice Botté). 8/12 Saint-Herblain @Zénith Nantes (+ Matmatah). 9/12 Plougastel-Daoulas @Espace Avel Vor (+ Matmatah). 16/12 Saint-Brieuc @SMAC La Citrouille (+ Lysistrata). Et en tournée dans toute la France en 2018.