Deux ans après un premier album éponyme remarqué, Sabrina Teitelbaum, alias Blondshell, revient avec un opus aussi intime que percutant. « If You Asked For A Picture » ne révolutionne pas la formule alt-rock qui a forgé son identité, mais l’approfondit avec une délicatesse et une lucidité plus tranchante. C’est une plongée dans les contradictions de la vie émotionnelle d’une jeune femme qui a décidé de ne rien édulcorer.
Sabrina Teitelbaum n’a rien perdu de sa franchise, mais elle adopte ici un ton plus intérieur, presque désabusé. Les chansons parlent de relations où l’on devient le soignant de l’autre « 23’s a Baby« , de la fatigue émotionnelle face aux schémas toxiques « T&A« , ou encore de la difficulté à reconnaître et à revendiquer sa propre douleur « What’s Fair« . Loin des slogans ou de l’autofiction clinquante, Blondshell choisit la subtilité émotionnelle, glissant des phrases banales en apparence qui explosent à la réécoute par leur justesse :
“You said I’m like your mother, and I don’t know what to do with that.”
Musicalement, l’album reste ancré dans le son alt-rock/grunge 90s, à mi-chemin entre Hole, PJ Harvey, et une certaine douceur mélodique façon Mazzy Star. Mais là où son premier album claquait avec des riffs bruts et des dynamiques marquées, « If You Asked For A Picture » joue davantage sur les textures, les superpositions de guitares, et les montées émotionnelles plus lentes. « Thumbtack« , qui ouvre l’album, est une excellente mise en bouche : une ballade faussement douce, qui se transforme en crescendo abrasif. Plus loin, “Docket” brouille les pistes avec un arrangement plus atmosphérique, presque dream pop, tandis que “It Wasn’t Love” revient à un dépouillement acoustique.
Certaines chansons fonctionnent comme une B.O. du film de sa vie. « Arms » est particulièrement marquante : une exploration lente de la violence affective, avec une tension sourde qui explose dans un refrain déchirant. « Model Rockets« , qui clôt l’album, est l’un des morceaux les plus réussis. C’est une chanson de départ, d’acceptation, d’adieu, le genre de titre qui boucle la boucle sans tomber dans le pathos. L’album tout entier fonctionne ainsi, non comme une série de singles, mais comme un parcours émotionnel cohérent, où chaque morceau amplifie ou nuance le précédent.
Le titre de l’album « If You Asked For A Picture » est aussi ironique que révélateur. Il n’y a rien de plus faux qu’une image figée, semble dire Blondshell, surtout quand on tente de survivre aux multiples distorsions des relations humaines. Ce que propose cet album, c’est plutôt une série de polaroïds flous, de clichés mal cadrés mais profondément sincères.
Blondshell signe ici un album plus dense, peut-être moins explosif mais admirable. Il creuse son sillon avec une honnêteté désarmante. À la fois vulnérable et solide, Sabrina Teitelbaum construit un espace où la fragilité devient une vraie force et où l’on se sent, paradoxalement, moins seul.
BLONDSHELL en concert :
L’Aéronef (Lille) le 14 septembre 2025
Trabendo (Paris) le 15 septembre 2025
