À travers son propre chemin chaotique aujourd’hui devenu plus fluide et heureux, Beth Hart nous entraîne dans un maelström intense de variations vocales et émotionnelles, entre joie et tristesse, ombres et lumières, en polarités inverses. Elle nous fait passer le message que la vie est juste parfaite, là, maintenant. Que la vie est une danse.
« War in my mind » est un titre qui colle bien à Beth Hart, elle qui a connu la mort (la perte de sa sœur morte du SIDA), les addictions à la drogue et à l’alcool (« Black in my soul / It’s all black in my soul / No diamond in the coal » chante-t-elle), avant que Scott Guetzkow, aujourd’hui devenu son mari, ne l’aide à s’extraire de l’enfer(mement).
Chaque album est bien entendu cathartique pour la californienne, lui permettant à chaque fois un peu plus d’écrouler ses charges émotionnelles pesantes. Si elle continue parfois à puiser la source de son inspiration de ses années d’errance, on la sent aujourd’hui plus apaisée, en total alignement avec ce pour quoi elle est faite : prendre un plaisir incommensurable à partager son Art devant des publics hétérogènes invariablement conquis par la « Beth de scène » qu’elle est devenue à la force de ses vocalises puissantes.
Une voix capable de varier entre rock (combien d’artistes sont-ils capables de soutenir le « Whole Lotta Love » de Led Zeppelin, qu’elle pousse à son paroxysme sur scène avec une hargne rare ?), gospel (« Let it grow ») ou jazz blues (« Without words in the way »).
« Try A Little Harder » fait montre de cette aisance vocale, céleste, fruit d’un fitness quotidien, comme un funambule suspendu sur un filin à cent mètres au-dessus du sol entre deux gratte-ciels. Elle est l’égale des Divas Aretha Franklin, Billy Holiday, Sarah Vaughn, Nina Simone, Ella Fitzgerald ou Etta James.
Cette fois, la production a été confiée à Rob Cavallo (Green Day, Alanis Morissette, Fleetwood Mac, My Chemical Romance, Avril Lavigne, …), accessoirement président de Warner Bros Records. « Un producteur qui se met au service de l’artiste et des chansons ». Elle qui a tant besoin d’avoir à ses côtés sa garde rapprochée pour présenter la meilleure version d’elle-même.
Comme à chaque fois qu’elle s’adresse à sa famille à travers ses morceaux, c’est là où Beth Hart est la plus vraie, à fleur de peau, livrant sa sensibilité, sans fard, les récepteurs cellulaires en éveil. « Sister Dear » est une composition au piano qui vous touche au plus profond et vous arrache les tripes et le cœur dans un même instant.
À l’instar de « Mama, this one’s for you » (sur l’album « Better Than Home »), « Sister Dear » résonne fortement en nous, allant puiser dans l’émotionnel. Joués sur scène, ces morceaux sont des moments magiques où Beth Hart transfuse son extrême sensibilité.
Écrite dans un élan de colère envers sa sœur aînée Susan, qu’elle rendait coupable de la mort de sa jeune soeur, « Sister Dear » est un effet miroir d’elle-même qui la renvoie à sa propre réalité : on co-crée les événements de notre vie, les plus douloureux comme les plus joyeux. Chaque mot et chaque note jaillissent à travers le corps, libérateurs et cathartiques au sens où ils conduisent au pardon et à l’amour inconditionnel (« I was wrong for so long / Could you ever forgive me »).
Beth Hart est dans la covalence, s’amuse de la vie et cela change évidemment tout.
Sur « Bad Woman Blues », elle chante l’acceptation de soi-même et s’amuse de chaque chose et situation. La vie n’est-elle pas une danse après tout ?
Sur « Let it Grow », elle invite à prendre les challenges de la vie comme des expériences à vivre et à les transcender pour évoluer soi-même.
« Thankful » et « Woman Down » sont des titres déchirants où elle est sans filtre, à fleur de peau. C’est évidemment ce que l’on aime chez elle et qu’elle maîtrise parfaitement aujourd’hui, le tout servi avec une voix hors normes.
Coloré musicalement, varié, beau, puissant et intense, l’album est de belle facture. Mis à part « Spanish Lullabies », dont les sonorités hispanisantes ne nous ont pas enthousiasmés, aucun titre n’a de réelle faiblesse, de « Sugar Shack » (disco beat tempétueux aux sonorités pop-rock 80s), (déchirant) à « Rub Me For Luck » et « I need a Hero » (de la pure émotion).
Être capable de projeter à la face du monde son intimité et ses états d’âme sans travestissement ni inhibition mais avec une profonde honnêteté est une vraie gageure qu’elle réussit à merveille.
« War in my mind » est un très bel album qui fera date dans la discographie de la californienne.
Alechinsky.