[Chronique] Bar Italia – « Some Like It Hot »

On a souvent reproché à Bar Italia d’avancer trop vite, comme s’il fallait les rattraper en courant. En cinq ans d’existence, le trio londonien a publié cinq albums, une cadence à la fois vertigineuse et révélatrice d’une urgence créative rare. Some Like It Hot, leur dernier en date, confirme ce paradoxe : un groupe en mouvement permanent, mais qui semble, pour la première fois, chercher à stabiliser sa trajectoire.

Formé presque par hasard à Londres en 2019, autour de l’Italienne Nina Cristante et des Britanniques Sam Fenton et Jezmi Tarik Fehmi, Bar Italia s’est imposé comme un ovni lo-fi de l’ère post-pandémie. Le confinement a forgé leur esthétique : bricolée, brumeuse, traversée de riffs flous et de voix nonchalantes. Mais si Quarrel et The Twits témoignaient d’un goût pour la dissonance poétique, Some Like It Hot marque un virage vers quelque chose de plus structuré, presque radiophonique.

Dès “Fundraiser”, l’ouverture, la surprise est de taille. Le morceau décolle sur une rythmique sèche, des guitares tranchantes et un refrain qui flirte sans complexe avec le dancefloor indie des années 2000. Les fantômes de Bloc Party ou The Rakes rôdent dans les angles, mais l’énergie demeure typiquement baritalienne – une tension entre désinvolture et urgence. “Cowabella”, plus tard, renforce cette impression : trois voix qui se répondent, se défient, s’enlacent, tandis que la guitare construit un mur sonore que n’auraient pas renié les clubs de Camden circa 2005.

Pourtant, Bar Italia ne se résume pas à cette effervescence. Leur force réside aussi dans les respirations : des morceaux plus lents, presque contemplatifs, où l’on retrouve cette étrangeté élégante qui les distingue. “Plastered” en est l’exemple parfait, porté par un riff évoquant Chris Isaak et une atmosphère de polar crépusculaire. Plus loin, “The Lady Vanishes” baigne dans une dream-pop lynchienne – si Twin Peaks devait rouvrir son Roadhouse, Bar Italia en serait le groupe résident.

À son meilleur, Some Like It Hot capture une intensité brute, presque cinétique. Des éclairs comme “Omnishambles”, deux minutes de fièvre guitaristique, ou “Rooster”, montée en puissance garage-rock, rappellent combien le trio peut être viscéral quand il lâche les rênes. Mais cette frénésie a un revers : à force de butiner d’un genre à l’autre, l’album frôle parfois la dispersion. Là où The Twits fascinait par son étrangeté, Some Like It Hot cherche davantage à plaire – et y parvient, souvent, sans totalement convaincre de sa cohérence.

Il y a dans ce disque le charme des brouillons inspirés : imparfait, mais incandescent. On y sent un groupe en plein devenir, encore hésitant entre son identité d’origine – ce goût pour l’ombre et la distorsion – et la tentation d’une lumière plus franche. Si Some Like It Hot n’est pas leur chef-d’œuvre, il en est peut-être le prélude : la promesse d’un feu qui, sous ses couches de fuzz et de désordre, brûle toujours plus fort.


Un album plus accessible, moins mystérieux, mais toujours vibrant – preuve que Bar Italia, même dans ses contradictions, reste l’un des groupes les plus fascinants du moment.

Bar Italia sera en tournée en France pour quelques dates, à ne pas manquer forcément.  


28/10/2025 – La Maroquinerie – Paris
24/02/2026 – L’Aéronef – Lille
26/02/2026 – Elysée Montmartre – Paris
28/02/2026 – Rock School Barbey – Bordeaux
01/03/2026 – Stereolux – Nantes
 

Photo de couv. (Bar Italia) Rankin