Nés dans l’effervescence de la scène punk de Philadelphie, Wax Jaw débarquent avec un premier album qui porte bien son nom : It Takes Guts! “il faut du cran!”. Sorti sur Born Loser Records, le disque respire autant la rage que la renaissance, la douleur que la fête. Entre punk tranchant et explosions new wave, le quintette canalise l’énergie de la sueur et le goût des émotions vives. Derrière ce déferlement sonore se cache une quête d’authenticité, portée par la voix singulière de Shane Morgan, chanteur transmasculin dont l’histoire imprègne chaque ligne. Addiction, libération, estime de soi : autant de thèmes explorés sans détour, avec une sincérité bouleversante. Chez Wax Jaw, la provocation est une forme de guérison, et la joie devient un acte de résistance. It Takes Guts! c’est un exutoire collectif, un cri de vie qui transforme la douleur en danse.
Entretien avec Wax Jaw qui nous parle de courage, de chaos, et du rythme qui anime le groupe.
It Takes Guts! est votre tout premier album. Qu’est-ce qui vous a donné le courage de franchir cette étape maintenant ?
Sean : Quand on a commencé le groupe, même avant notre tout premier concert, à l’été 2022, quand on faisait juste des jams ensemble, on parlait déjà d’un album. C’était le rêve de tout le monde dans le groupe de sortir un disque complet. Je pense que ce qui nous a donné le courage de franchir le pas, c’est d’avoir une base de morceaux dont nous étions fiers, qui résonnaient bien avec le public en concert, et d’avoir trouvé un studio et un producteur (Mark Watter, c’est le meilleur) avec qui nous étions impatients de travailler.
Vous parlez d’une fusion entre la joie et la souffrance sur ce disque. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre ces deux émotions ambivalentes ?
Shane : Eh bien, je peux dire que ce n’est certainement pas un équilibre constant — c’est un flux et reflux permanents pour quelqu’un comme moi. La musique a toujours été un exutoire immense tout au long de ma vie, et les difficultés que j’ai traversées se retrouvent dans les paroles de cet album. J’ai trouvé beaucoup de force et de puissance dans mon rôle de chanteur, et la catharsis que j’ai ressentie m’a clairement aidé à forger cette fusion entre la joie et la souffrance. L’expression émotionnelle à travers l’écriture et la performance des morceaux de Wax Jaw a été pour moi une véritable force de guérison.
L’album aborde des thèmes intenses comme l’addiction, la libération sexuelle ou l’estime de soi. Y a-t-il une forme de quête d’identité dans vos chansons ?
Shane : Absolument. Il y a un fort sentiment de recherche, de volonté d’atteindre une clarté dans l’identité. Quand j’ai ouvert la porte et affronté ma propre queerité, je me suis senti puissant, mais aussi incroyablement confus et dépassé. Certaines de mes réponses à cette douleur ont été des mécanismes d’adaptation malsains, et je suis immensément reconnaissant d’être encore en vie aujourd’hui pour raconter cette histoire.
L’expérience en tant que personne transmasculine traverse les textes de cet album. Comment cette expérience personnelle a-t-elle nourri et influencé la création collective de Wax Jaw ?
Shane : J’ai toujours ressenti en moi une forte conscience de ma transidentité et de ma masculinité. Je savais dès mon plus jeune âge que j’étais queer d’une certaine manière, et il m’a fallu des années pour déconstruire et comprendre ce que cela signifiait vraiment. J’ai 30 ans maintenant, et quand Wax Jaw s’est formé, j’en avais 27 — cela faisait quelques années que j’étais “out”, et je commençais à ressentir un nouveau niveau de puissance personnelle dans mon identité. Quand j’ai rencontré Sean et Greg, ils ont tout de suite complété mon énergie sur le plan musical — ils ont fait ressortir le meilleur de moi. Et c’est aussi vrai pour George et Ben. Rejoindre et diriger Wax Jaw a été une expérience profondément valorisante, car cela m’a offert une plateforme pour raconter ma véritable histoire en tant que personne queer transmasculine.
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, avez-vous ressenti un impact sur votre évolution dans la scène musicale américaine ?
George : Je ne sais pas si cela a eu un impact direct sur ce que nous faisons pour l’instant, mais vu la direction que prennent les choses, on peut avoir le sentiment qu’il devient plus dangereux d’être un groupe mené par une personne queer aux États-Unis. Au-delà de ça, je dirais que la prolifération de contenus d’extrême droite sur les réseaux sociaux, et le fait que des entreprises comme Meta s’y engouffrent, rendent les choses compliquées pour faire de la promotion musicale. Comme pratiquement tout dans le milieu de la musique passe aujourd’hui par Instagram, il est impossible d’y échapper et la situation ne fait qu’empirer.
Le titre It Takes Guts! suggère que l’authenticité a un prix. Quelles ont été les plus grandes difficultés (ou sacrifices) dans ce processus ?
Shane : Depuis que j’ai fait mon coming out en tant que personne transmasculine, j’ai dû poser des limites et couper les ponts avec des gens très proches qui refusaient de me soutenir ou d’accepter qui je suis. C’est un processus difficile, un vrai bouleversement de devoir rompre avec des membres de sa famille ou des amis qui ne reconnaissent pas ton moi authentique. Mais je n’ai jamais eu le sentiment d’être aussi pleinement moi-même que lorsque je raconte mon histoire avec Wax Jaw.
Vous avez aussi un côté provocateur, une vraie attitude punk. Où situez-vous la plus grande part de votre énergie punk ?
George : Personnellement, je pense qu’une grande partie de notre énergie punk vient du fait d’être un groupe à Philadelphie. Ce n’est pas seulement une ville remplie de groupes punk, c’est aussi un endroit où les gens mènent des vies assez dures, presque sauvages, et cette énergie se diffuse dans toute la ville. C’est parfois impitoyable, mais ça nous a aidés à ne pas nous soucier du regard des autres et à foncer tête baissée dans ce qu’on fait. Même si tu ne joues pas de musique, c’est presque impossible de vivre ici sans développer un peu de cette attitude punk.
Vous venez de la scène de Philadelphie, réputée pour son énergie brute. En quoi cette ville a-t-elle façonné votre son et votre identité ?
Sean : Philadelphie et sa scène ont clairement façonné notre son. Il y a ici beaucoup de gens qui ont simplement envie de bouger pendant un concert — de danser, de pogoter, de se défouler et de passer un bon moment. On voulait faire une musique qui leur donne exactement ça, et nous jouons nous-mêmes avec beaucoup d’énergie brute. Il y a tellement de groupes de Philly qui nous inspirent et qui ont influencé cet album — Mannequin Pussy, Sheer Mag, Grace Vonderkuhn, Friend, et bien d’autres.
Vous dites que vous ne voulez que personne ne reste immobile pendant vos concerts. Avez-vous un rituel avant de monter sur scène pour capter l’attention du public ?
Sean : Oh oui. On se met en cercle et on se concentre à fond, comme une équipe de football. C’est compétitif — on veut conquérir le public et être le meilleur groupe qu’ils verront cette année. En général, quelqu’un fait un petit discours avant le concert, et Shane conclut toujours avec sa phrase culte : “go for throats” (“foncez à la gorge”).
Sur votre album, vous mélangez riffs punk et énergie dansante proche de la new wave. Quelles sont vos principales influences pour parvenir à ce mélange ?
George : Sans aucun doute, le dernier album de Mannequin Pussy, I Got Heaven, a été une influence majeure pour ce disque — pas seulement pour leur capacité à mêler des morceaux punk qui te frappent en pleine face à des titres plus doux comme I Don’t Know You, mais aussi pour la production. On s’en est servi constamment comme référence en studio.
Qu’aimeriez-vous que le public retienne de cet album : un message, une émotion, une énergie particulière ?
Shane : Je veux que le public comprenne qu’on peut grandir à travers la douleur, apprendre à s’aimer soi-même et trouver de la puissance dans l’authenticité. Je célèbre le simple fait d’être encore là pour raconter ces histoires, et j’aimerais que chacun ressente cette joie et cette résilience.
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Photo de couv. D.R.
Born in the effervescence of the Philadelphia punk scene, Wax Jaw arrive with a debut album that lives up to its name: It Takes Guts! « It takes guts! » Released on Born Loser Records, the album exudes as much rage as rebirth, pain as celebration. Between sharp punk and new wave explosions, the quintet channels the energy of sweat and the taste for raw emotions. Behind this sonic surge lies a quest for authenticity, carried by the singular voice of Shane Morgan, a transmasculine singer whose story permeates every line. Addiction, liberation, self-esteem: so many themes explored straightforwardly, with a moving sincerity. For Wax Jaw, provocation is a form of healing, and joy becomes an act of resistance. It Takes Guts! is a collective outlet, a cry for life that transforms pain into dance. An interview with Wax Jaw about courage, chaos, and the rhythm that drives the group.
It Takes Guts! is your very first album. What gave you the courage to take this step now?
Sean: When we first started the band, even before our first show when we were just jamming together in Summer of 2022, we were talking about a record. It was a dream of everyone in the band to release a full-length album. I think what gave us the courage to take the step was having a foundation of songs we were proud of and resonated with live audiences, and having a studio/producer (Mark Watter, he’s the best) that we were excited to work with.
You talk about a fusion of joy and suffering on this record. How did you find the balance between these two ambivalent feelings?
Shane: Well, I can say it’s definitely not a constant balance, and is consistently an ebb and flow for someone like me. Music has been a huge outlet throughout my entire life, and the struggles I’ve faced were poured into the lyrical content of this album. I’ve found a lot of strength and power through acting as frontman, and the catharsis I’ve felt has definitely helped forge a fusion between that joy and suffering. The emotional release of writing and performing Wax Jaw’s music has been a healing force for me.
The album addresses intense themes such as addiction, sexual liberation, and self-esteem. Is there a form of quest for identity in your songs?
Shane: Absolutely, there is a strong sense of searching and reaching for that clarity of identity. When I opened the door and confronted my own queerness, I felt powerful but also incredibly confused and overwhelmed. Some of my responses to that pain were unhealthy coping mechanisms, and I’m incredibly grateful to be alive today to tell the story.
Your singer Shane Morgans experience as a transmasculine person runs through the lyrics. How did this personal experience inform and impact the collective creation of Wax Jaw?
Shane: I have had a strong sense of trans-ness and masculinity within myself my entire life. I knew at a young age that I was queer in some way, and that concept required years of unraveling. I’m 30 now, and when Wax Jaw formed I was 27 – a few years “out,” and feeling a new level of personal power in my identity. When I met Sean and Greg, they complimented my energy musically – and brought out the best in me. This can certainly be said of George and Ben as well. Joining and fronting Wax Jaw has been an incredibly affirming experience throughout, as I’ve been given a platform to tell the my real story as a transmasculine queer individual.
Since Donald Trump’s return to the White House, have you been impacted in your development on the American music scene?
George: I’m not sure if it’s directly impacted anything we’ve done yet, but with the way things are going it can feel like a more dangerous thing to be a queer fronted band in the US. Beyond that, I’d say the flourishing of right wing content on social media, and companies like Meta leaning into this, has made it difficult to do any advertising for musicians. Since pretty much every aspect of the music world operates on Instagram, it’s impossible to avoid and it’s only getting worse.
The title “It Takes Guts!” suggests that authenticity comes at a price. What were the greatest difficulties (or sacrifices) encountered in this process?
Shane: Since coming out as a transmasculine person, I’ve had to set boundaries and cut ties with people very close to me that refused to support and ultimately accept who I am. It’s a difficult process, and an upheaval to cut off family and friends that don’t recognize your authentic self. However, I’ve never felt more truly me than when I’m telling my story with Wax Jaw.
You also have a provocative side, a very punk attitude. Where do you locate the greatest part of your punk side?
George: Personally, I think a lot of our punk energy comes from getting to be a band in Philadelphia. It’s not only a city overflowing with punk bands, but in general it’s a place where people are living pretty hard, feral lives and that energy really bleeds into the whole city. It can be unforgiving at times, but ultimately has helped us not give a fuck about what anyone thinks of us and to just throw our chest into what we do. Even if you don’t play music, it’s feels almost impossible to live here and not develop some punk tendencies.
You come from the Philadelphia scene, renowned for its raw energy. How hasthis city shaped your sound and identity?
Sean: Philadelphia’s and the city itself have definitely shaped our sound. I think there are a lot of people here who are just hungry for movement at a live show – they want to dance, mosh, move their body, and have a good time. We wanted to play music that gave those people what they are looking for, and we play with a lot of raw energy ourselves. There are so many Philly bands who inspire us and have influenced this record – Mannequin Pussy, Sheer Mag, Grace Vonderkuhn, Friend, and many others.
You say you want no one to remain motionless during your live performance. Do you have a ritual before going on stage to captivate the audience?
Sean: Oh yeah. We get in a huddle and lock the fuck in, it’s like a football team. It’s competitive – we want to win the audience and be the best band they’ve seen this year. Usually someone gives a pre-show speech and Shane leaves us with his classic line – “go for throats.”
On your album, you blend punk riffs with a dance energy similar to new wave. What are your main musical influences in achieving this blend?
George: No doubt about it the last Manniquen Pussy record “I Got Heaven” was a massive influence on this record, no just because of their ability to blend punk songs that punch you in the teeth with softer tracks like “I Don’t Know You,” but also production wise we used it as a reference constantly in the studio.
What would you like the audience to take away from this album: a message, an emotion, a particular energy?
Shane: I want the audience to know that you can grow from pain, learn to love who you are, and find power in the authenticity of yourself. I am celebrating still being here to tell these stories, and I want everyone to feel that joy and resilience.