Le combo rennais « Fauna Nova » vient de sortir fin septembre son premier album, « FURZ / BOTCH », et franchement, il devrait tourner en boucle dans la tête de tout mélomane exigeant qui se respecte. À la croisée du krautrock, du cold wave et du noise, le trio, composé de Max, Péah et Nico, développe un univers abrasif et hypnotique, façonné dans l’urgence et la sincérité, où les textures électroniques et les guitares saturées s’entrechoquent. Rencontre avec un groupe qui fait du “do it yourself” une véritable esthétique et de la cohérence instinctive sa signature.
On se connaît déjà un peu, mais comment est né Fauna Nova ?
Max : Au départ, ce n’était même pas encore Fauna Nova. C’était juste Péah et moi avec l’envie de faire de la musique ensemble. On savait qu’on avait des goûts assez proches, entre le krautrock, le noise et le rock psych. On a commencé à composer, puis à répéter avec un batteur et un bassiste pas encore Nico à l’époque.
Les univers étaient différents, les emplois du temps compliqués, alors on a pris une boîte à rythmes et on s’est lancé à deux sur un premier EP. Peu après, par hasard, on a rencontré Nico. Grosse connexion directe, humaine et musicale. Et il a rejoint le projet naturellement.
Nico : Oui, en fait, on s’était croisés quelques années avant sur une date commune, lui avec We Are One People, moi avec un autre groupe. On s’est recroisés par hasard au Bistro de la Cité à Rennes. Il m’a parlé du projet, et un mois plus tard, il m’a appelé pour rejoindre le groupe. C’était évident.
Votre manière de travailler semble assez fluide. Comment s’est déroulée la création du premier EP, puis de l’album ?
Max : Sur le premier EP, j’ai beaucoup composé de mon côté, puis on retravaillait les morceaux ensemble. C’est resté notre fonctionnement : j’apporte une base, une maquette, et on affine collectivement. Les gars valident, modifient, ou mettent de côté si ça ne colle pas. C’est simple, mais efficace.
Péah : Tout se construit déjà sur les maquettes. Max bosse beaucoup en amont, donc quand on arrive en répète, les morceaux sont déjà solides. En studio, on ajuste le son, les textures. Pour l’album, on voulait aller plus droit au but : moins de pistes, moins de surproduction. L’EP avait parfois 50 pistes, là on tourne autour de 25. On a cherché la clarté, la force du son dès la prise.
Max : On a aussi pris le parti de ne pas trop “re-re”. La plupart des guitares ont été enregistrées en stéréo d’un seul trait. On voulait quelque chose d’abrasif, sans se brider. Si ça devait faire un peu “saigner les oreilles”, tant pis ou tant mieux (rire).
Votre musique puise dans le cold wave, le noise, le psyché… Comment définissez-vous votre couleur sonore ?
Nico : C’est assez instinctif. On ne cherche pas à coller à un style précis. On écoute tous les trois à peu près les mêmes choses : du psyché, du shoegaze, du cold wave, du noise. Forcément, nos influences se croisent naturellement. On aime les sons rêches, un peu froids, pleins de reverb.
Max :
Je crois que la cohérence vient surtout du choix des compos qu’on garde. Si un morceau ne colle pas à l’univers Fauna Nova, on le laisse de côté. Et puis, la boîte à rythmes et la basse sont des repères forts : ça donne le cœur rythmique, presque 80’s, sur lequel tout s’articule.
Péah :
Oui, il y a aussi les synthés et le mélotron qui reviennent souvent. On a nos instruments fétiches, nos textures, et ça crée une continuité sans qu’on la cherche vraiment. Et puis l’urgence de monter le projet, d’enregistrer vite, ça a donné une veine très cohérente à l’ensemble.
Justement, tu parles d’urgence. D’où vient ce besoin d’aller vite ?
Max : Je sortais d’un autre groupe, We Are One People, où je n’étais pas compositeur. J’avais envie de reprendre les rênes, d’aller au bout d’un projet. Et je sais qu’un groupe, si tu n’y vas pas à fond, ça peut vite retomber. On voulait que Fauna Nova existe vraiment, pas que ce soit un énième projet avorté.
Aujourd’hui, il faut s’accrocher encore plus. Alors oui, il y a une forme d’urgence, mais c’est surtout une envie de donner toutes ses chances à ce qu’on fait.
Vos clips dégagent une esthétique forte, très marquée. C’est une démarche volontaire ?
Max : Volontaire, oui… mais surtout contrainte ! On n’a pas d’argent, alors on fait tout nous-mêmes. Et finalement, on aime ça. Le premier clip, “Deutsch”, on l’a tourné dans mon garage, avec des bâches partout pour ne pas repeindre les murs. C’était complètement DIY, avec l’aide d’un ami vidéaste.
Péah :
Pour les suivants, c’est la même logique. Au début, je voulais juste faire un visualizer, dix secondes d’images animées… et puis c’est devenu un vrai clip. On bricole, on expérimente, mais ça crée une cohérence visuelle qui nous ressemble : brute, artisanale, spontanée.
Sur scène, vous dégagez une belle complicité. Comment ça se traduit pour vous ?
Max : En répète, on bosse vraiment en condition live. Quand vient le concert, tout est en place, donc on peut juste se lâcher. C’est là qu’on s’amuse le plus.
Et puis, ce n’est pas notre premier groupe : on sait où chacun se place, sans surjouer. On reste naturels.
Nico : Rien n’est calculé. On ne se dit jamais “tiens, tu bouges comme ça”. C’est instinctif. Parfois, on peut paraître un peu froid, mais ça colle à notre musique. Et puis les petits lieux, comme les bars, amplifient l’énergie collective avec le public. Ça marche toujours bien.
Votre album vient enfin de sortir, avec des concerts prévus en octobre. Comment vivez-vous cette période ?
Max : On est surtout débordés ! On a fait tout ce qu’on pouvait en amont, maintenant on fonce. L’un prend le relais quand l’autre est sous l’eau, c’est aussi ça l’esprit du groupe.
On ne se projette pas trop loin : on veut juste défendre le disque sur scène, aller le vendre sur la route. C’est déjà énorme.
Nico : Et puis les releases, ça va être des moments forts. On va sûrement être stressés, mais c’est normal.
Vous êtes accompagnés par la ferarock. Qu’est-ce que cela change pour vous ?
Max : C’est un vrai coup de pouce. Ils ont sélectionné notre album dans leur comité national, donc pendant une semaine, il sera mis en avant sur toutes les radios FeraRock en France.
C’est un relais de diffusion précieux, surtout pour un groupe indépendant comme nous.
Justement, comment vivez-vous votre indépendance ?
Max : C’est beaucoup de boulot. Depuis six mois, j’ai passé 70 % de mon temps sur la promo : mails, labels, tourneurs, presse… On n’a pas composé un seul nouveau morceau, faute de temps.
On a cinq labels partenaires, mais ça reste à petite échelle. Le pressage est à moitié financé, tout le reste sort de nos poches. Studio, mix, mastering, graphisme… tout est fait maison.
L’indépendance, c’est beau, mais ça coûte cher. C’est une question de passion avant tout.
Et en 2025, comment voyez-vous votre place dans le monde de la musique ?
Max : Deux d’entre nous sont intermittents, Nico a un autre boulot. On ne vit pas de Fauna Nova, mais ce n’est pas le but. Péah fait beaucoup de technique sur des festivals, moi je compose pour le théâtre.
La situation culturelle est tendue, mais ça ne change pas notre envie de jouer. On continuera, quoi qu’il arrive.
Photo de couv. ©Anne MARZELIERE