Quand j’étais jeune, frêle avec une crinière léonine, un de mes amis (François pour ne pas le citer) est arrivé chez moi avec un CD dans la poche. Dès son arrivée, il me dit : « Tu dois écouter ça ! ». Il me présente un album (avec une pochette qui sent bon les « covers » créées avec les premières versions de Photoshop), le nom du groupe en capitales jaunes : « Dream Theater » et un titre « Images and Words ».
Le temps d’ouvrir une bière, de se poser à table, je mets le CD dans la platine de la chaine audio de mes parents (souvenez-vous, jeune et frêle…). Et là, c’est le choc. Le premier titre, « Pull Me Under », résonne dans l’appartement. C’est comme si Metallica, Rush, Steve Vai et Marillion avaient fusionné en un seul et même groupe. Des musiciens qui possèdent une réelle maîtrise de leurs instruments, sans être des champions de la démonstration et surtout sans être chiants. Ce qui peut vite arriver avec le sous-genre qu’est le rock-métal progressif.
Depuis ce jour béni, j’attends avec impatience la sortie de chaque album du groupe et c’est le cas encore aujourd’hui avec Parasomnia, 16ᵉ opus depuis 1989. Marqué par le retour de Mike Portnoy à la batterie, ayant quitté le navire il y a 10 ans pour se consacrer à d’autres projets. Un retour aux sources pour certains, pour d’autres, simplement une continuité.
Alors, après plus de 30 ans de carrière, Dream Theater, ça progresse ?
Parasomnia
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Une chose est sûre, à l’écoute de ce nouvel album, les gars sont heureux de se retrouver ensemble pour jouer ce qu’ils aiment faire : du métal progressif.
Parasomnia est constitué de 8 titres (seulement ?). Pas de grande surprise dans la composition ni de prise de risque, mais de bons moments. Night Terror, Midnight Messiah et la sacro-sainte ballade (assumée) Bend the Clock offrent dans leur ensemble un album qui tient la route.
John Petrucci prouve encore une fois que c’est l’un des meilleurs guitaristes et compositeurs dans le genre. James LaBrie dispose encore d’une très belle voix. John Myung et Jordan Rudess sont présents sans être envahissants. De nouveau, un juste équilibre est respecté.
C’est peut-être là le problème pour moi. Ils font du Dream Theater comme les fans ou le public les attendaient. Ils rassurent les auditeurs, Parasomnia s’inscrit comme une transition. La réalisation d’un EP pour la réintégration de Mike Portnoy aurait été plus judicieuse que de se consacrer à la création d’un album.
J’ose espérer mieux pour la suite, comme cela a été le cas pour Falling into Infinity (1997), Six Degrees of Inner Turbulence (2002), le fabuleux Train of Thought (2003) et Octavium (2005) avec le même line-up.
Même graphiquement, la pochette est un rappel à Images and Words, album qui a fait le succès du groupe dans le monde, et le bien évidemment le dernier avec Portnoy en 2009 : Black Clouds & Silver Linings. À chaque fois, nous retrouvons la présence de la jeunesse, incarnée par une fille ou un garçon, dans une pièce éclairée, et là, pardonnez-moi, mais je pèse mes mots. Visuellement, c’est du grand n’importe quoi… les jeux de lumières version platiste, je te place des ombres partout, du collage Photoshop 1. Pour obtenir au final un effet surréaliste de bas étage. Vraiment, je ne comprends pas l’acharnement à utiliser et produire des visuels moches.
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Retour du messie ?
Ce nouvel album méritait une autre approche graphique. Un groupe comme Dream Theater, signé chez Sony disposent de moyens financiers pour faire des artworks de qualité. La preuve avec les précédentes œuvres musicales comme Distance over Time (2019), ou A View from the Top of the World (2021). C’est propre, lisible et, visuellement, cela a du sens. Comme le jeu du précédent batteur Mike Mangini ? Qui a eu le plaisir d’être informé du retour de Mike Portnoy dans le groupe en février 2024 et donc de son éviction.
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Plus haut, je mentionnais la prise de risque. Celle-ci est nécessaire dans le processus de création. D’après moi, en ce qui concerne le théâtre du rêve, ce fut le besoin de trouver un nouveau batteur après le départ de Mike Portnoy. C’est Mike Mangini qui a été choisi pour ses qualités et la maitrise de l’instrument. J’ai toujours trouvé que son jeu correspondait à l’ambiance de Dream Theater, sa première participation sur le magnifique A Dramatic Turn Of Events (2011) est une preuve de ses avantages : une frappe retenue, pleine de sensibilité, limite jazz, mais aussi rock (d’où ses collaborations avec des groupes comme Extreme ou Annihilator). Oui, son jeu servait d’abord l’œuvre et c’était l’essentiel.
Puis, hélas, sur les autres opus, le mixage de la batterie étaient plus ou moins respecté comme si ses collègues ne savaient pas où le placer. Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ?
« Mike où est-tu ? »
« Ici ! »
« Ah c’est pas le bon Mike.. enfin si ! Oh je ne sais plus… »
La présence de Mike Mangini reste encore une fois, à ce jour, la seule prise de risque pour Dream Theater.
Le retour du messie (ici Mike Portnoy, décidément ça fait beaucoup de Mike dans cet article…) s’apparente plus à celui d’un ami dans une famille (et c’est important), qu’au come-back d’un mec qui marche sur l’eau et bouleverse le monde par son message. Rien de nouveau donc sous le soleil, Parasomnia en est la preuve. On prend les mêmes et on recommence ? Bouder son plaisir, oui un peu je dois franchement l’avouer.
Néanmoins, il serait dommage d’oublier ou effacer d’un trait la présence de Mangini dans une discographie importante pour le groupe et le genre qu’ils défendent.
Bref, Dream Theater, cela ne progresse pas trop, mais c’est bien quand même. Peu mieux faire ? Oui !
Cet article est dédié à François, à nos jeunes années, à la deux-chevaux et à nos cheveux.
Ekimr
Liens
Site Offciel : Dream Theater
Illustration : Mike Rouault