« Samaritan » de Julius Avery. Comme un géant.

Fin de la Seconde Guerre Mondiale et prémices de la libération. Une escouade de soldats américains est envoyée dans un village français afin de libérer des prisonniers. Arrivés sur place, nos héros découvrent, avec effroi, que les sous-sols cachent un laboratoire secret où des savants fous et des soldats nazis expérimentent la vie après la mort. Non, vous n’êtes pas revenu en 1992 après avoir chargé  » Wolfenstein » sur votre bon vieux PC mais confronté à un choc cinématographique datant de 2018. Julius Avery déboule-alors- avec « Overlord », un deuxième long-métrage ébouriffant, et s’adjoint les services de J.J. Abrams à la production. Réalisation vertigineuse (cette scène de parachutisme insensée n’est pas sans rappeler celle de « Mission impossible Fallout »), direction d’acteurs parfaite et montage impeccable. Après « Son of a Gun », notre cinéaste australien prouve que le cinéma de genre peut se renouveler sans oublier de nous angoisser et marque un tournant dans l’épopée fantastique et gore. Inutile de vous signaler qu’à l’annonce d’un nouvel opus du Monsieur autour d’un super-héros vieillissant incarné par Sylvester Stallone et produit par ce dernier, mes cinq sens ne firent qu’un tour. Attente. Promesse d’une diffusion sur grand écran pour l’été 2022 pour, au final, se doter d’une diffusion sur une plateforme.
Indiscutablement, le père Avery n’a rien perdu de sa superbe en matière de mouvements de caméras et de choix photographiques. Son parti pris est simple : rendre hommage à l’Age d’or des comics (John Byrne et Chris Claremont, pour ma part) avec une énième confrontation entre le Bien et le Mal au beau milieu des bas-fonds (Daredevil n’est pas loin) …
Sly semble avoir pris beaucoup de plaisir à jouer dans cet ersatz d' »Incassable » et opte pour un jeu beaucoup plus cool que d’ordinaire vis-à-vis de son jeune partenaire ( Javon « Wanna » Walton, très décontracté face à un Dieu vivant). Les dialogues assaisonnent, cela vanne sec, cela prend l’altercation inévitable face à des voyous avec sagesse « Si on t’agresse, donne un grand coup pour seule réponse puis enfuie-toi, ils sont trop nombreux de toute façon ») et Stallone nous rejoue la paternité de substitution façon « Over the Top » avec beaucoup de malice.
Mais, contrairement à son prédécesseur,  » Samaritan » peine à s’extirper d’un amas de clichés digne d’une Série B. Le scénario est le véritable point faible de cette entreprise maladroite où les allers-retours constants entre les appartements délabrés et les usines désaffectées nous fâchent. Le nœud dramatique tarde à se défaire, les explications quant à la césure qui frappe les deux frères ennemis demeurent des zones d’ombre et l’on appréhende l’immobilisme de ce Samaritain durant la première heure avec stupeur. 
Joe Smith, après un règlement de comptes fulgurant contre un gang qui menaçait son jeune admirateur, se calfeutre chez lui. Inexplicablement. Il est, pourtant, démasqué par sa groupie et le chaos qui menace la ville sous les traits d’un nouveau Némésis le somme à reprendre du service. Mais non. 
Notre impérial septuagénaire fait dans la retraite volontaire. Et les scènes brinquebalantes de s’enchainer sans vraie raison ou motivation…
 De surcroit, les interactions entre les personnages manquent d’épaisseur ou de jus (ce rendez-vous manqué entre la mère de l’adolescent et Joe Smith dans l’embrasure de la porte est incompréhensible) et les bad-guys semblent sortis d’un épisode des « Tortues Ninja », la torture en plus, le ninja en moins.
Non, ce long-métrage, pourtant streamé à bloc par les fans hardcore, ne convainc pas.
Le pack de bières et la pizza king-size, en guise d’offrandes pour le pote abonné, ne suffiront pas.
Le bonheur total devant le petit écran passera son chemin.
Je vais trop loin ? Je suis blasé ?
Ok, l’ensemble de cette œuvre reste très correct, avouons-le.
Mais doit-on revoir notre plaisir à la baisse ? Doit-on compter sur le décalque fun d’un film déjà-vu chez M. Night Shyamalan et pardonner ?
Je le répète.
L’idée d’un fan absolu pour un héros perdu volontairement dans les limbes de l’oubli paraissait alléchante. La volonté de situer l’action au centre de la cité et non sur une autre planète séduisait. Elle recadrait le rôle d’un sauveur de l’humanité proche du peuple et non d’un ego surdimensionné. Enfin, après une incursion chez « Les Gardiens de la Galaxie », offrir à l’étalon italien l’occasion de vieillir avec panache (ses cheveux blancs, enfin !) sans lui faire porter un costume en latex mais le poids d’une culpabilité insurmontable nous faisait dresser les poils.
Mais non. C’est la crise, mec.
Déception. Capitulation.
Ne survivront dans mon esprit que certaines scènes d’actions mordantes (ces galipettes à chaque patate assénée !), des joutes verbales bien envoyées sur le conflit des générations et une ambiance « old-school », urbaine et so 70’s. Eléments mineurs, certes, mais qui flattent le quinquagénaire cinéphile derrière ces quelques lignes. 
Julius Avery concocte une nouvelle adaptation de « Flash Gordon ».
Autre Héros, autres mœurs.
Prions pour qu’au sein de cette relecture casse-gueule, il pousse du coude ses compatriotes (George Miller en tête) et retrouve la hargne qui l’animait jadis ! 
 

John Book.