4000 personnes ont salué la performance de Damien Saez et de ses musiciens mercredi 2 avril dernier au Zénith de Caen. Le chanteur a, comme à son habitude, délivré un show sur la longueur entre poésie et rébellion, mais aussi chansons à boire.
Seul avec sa guitare acoustique après une longue ouverture au piano, Damien Saez égrène les nouveaux titres de l’album Apocalypse à peine sorti avec toujours Ana Moreau comme choriste. La jeune femme est cachée derrière un rideau laissant entrevoir son ombre. Lui est assis, comme à son habitude, dans un vieux canapé marron en cuir en passe de devenir fétiche. Les nouveaux titres Venise, Féministe, Mon influenceuse, Fleur iranienne sont magnifiques et font mouche. Le chanteur a visiblement toujours une fanbase importante qui le suit sur les nombreuses pages qui lui sont dédiées sur les réseaux sociaux ou sur son site https://www.culturecontreculture.fr/. Le public présent entre rapidement dans le jeu, même si Saez doit s’y reprendre à deux fois pour lui faire reprendre en chœur le slogan « Je suis féministe ». Il obtient un petit gain de cause.
Une saine vision patriarcale ?
« La prochaine c’est la plus difficile, c’est celle où je bafouille comme une poivrote… » Il enchaîne finalement avec Le bal des lycées (au lieu de Putains vous m’aurez plus), une chanson nostalgique et explicite : « Quand on lui mettait le doigt profond » chante ainsi Damien Saez mais ne vous y trompez pas, l’homme sait parler des femmes comme nul autre, malgré sa vision patriarcale de mâle blanc.
Il décrit des filles de rien, et blasphème avec un réel talent, quasiment a capella juste soutenu par un piano venu d’on ne sait où. Une caméra légère projette en live ce qui se passe derrière le voile déployé sur scène et filme toute la douceur d’Ana Moreau, présente aux côtés de Damien Saez depuis la dernière tournée. Notons qu’elle était déjà dans l’ombre de l’artiste depuis Miami (en photo sur la couv de l’album).
Avec sa sensibilité à fleur de peau, le chanteur, désormais bien rondouillard, n’a pas son pareil pour raconter des histoires humaines, souvent tragiques, souvent de femmes. Clairement, la poésie de Damien Saez surplombe tout ce qui se fait de mieux en ce début du XXIe siècle. Il parle cash, ses chansons, toutes dramatiques, sont toujours très belles à entendre lorsqu’elles sont portées par ses notes et sa voix.
Très lucide, il projette maintenant les images d’une explosion nucléaire en soulignant combien on est toujours tout seul sur terre … mais rien à voir avec le Starmania de Michel Berger !
« Mort aux cons, mort à Dieu … »
Au bout d’une heure trente de musique, le voile s’ouvre enfin sous des lumières rouges et laisse apparaître ses musiciens dont un accordéoniste.
De nouveau seul à la guitare, Damien Saez aborde la question des violences faites aux femmes vues de l’intérieur. « La reine des écorchés » chante Damien Saez. Elle, c’est Germaine un drôle de destin…
« Ça ne chante pas des masses, on doit être à Etretat. Non, on est à Amiens… Vous allez donner un peu d’amour ? » lance le chanteur à destination du public.
« Mort aux cons, mort à Dieu et mort à ceux qui voudraient la violer » vocifère Damien Saez. Il est toujours question de Germaine, sacrée gonzesse sous une lumière rouge de feu… Ça tangue fort dans le Zénith pour la fin de ce premier acte.
Des accents des Bérus
La seconde partie du concert s’ouvre sur Barbie, encore un nouveau titre, tout comme Le requin puis Anticommunautaire, aux accents de Salut à toi des Bérurier Noir déclenche les passions. Tout ce que l’on aime de Saez se retrouve dans ce titre également anticonformiste et véritablement révolutionnaire, ici ponctué par un obsédant « Antifa » scandé avec passion.
Dans le même genre, P’tite pute emballe le public. Le discours se fait clairement politique en musique. Dans la même veine toujours, Miami sous des lumières rouges est joué en compagnie du rappeur Théo Cholbi (son demi-frère connu sous le pseudo de Süeür) , la tête sous une capuche.
« On est où ? On est à l’Ehpad ? interpelle Saez, visiblement soucieux d’entraîner les spectateurs dans sa danse. Et ça veut faire la révolution ! Y a trop de hip hop dans votre ville ? ». Il poursuit avec virulence en ordonnant au public de se taire avant de dénoncer une nouvelle loi en gestation concernant la durée des concerts. Voici logiquement Manu dans l’cul, une ode à Macron et il lui conseille « d’aller baiser sa vieille » (lol) ! L’avantage avec ce chanteur, c’est aussi des punchlines sans cesse renouvelées. Celle-là fait mal et à l’avantage d’être très explicite. La chanson enflamme gentiment le public, poing levé face au chanteur stoïque et lui aussi poing levé en a visiblement politiquement lourd sur la patate. La suite confortera cette analyse.
Un chanteur toujours accusateur
Damien Saez s’allonge sur le canapé quelques secondes et les guitares envoient du lourd. C’est le moment le plus rock de la soirée. J’accuse enfonce le clou avec fureur. Et vient Pilule, toujours aussi réaliste qu’efficace.
Ma tournée pour les gueux portée par un accordéon transforme le Zénith en taverne comme l’avait fait Germaine à la fin de la première partie, les plus assoiffés lèvent leur pinte tout juste achetée, les autres dansent gentiment le pogo. Cela chaloupe grave. Saez peut aussi se complaire en faisant des chansons à boire. Sa voix sonne parfois comme celle de Renaud. Pas sûr que ce soit ce qu’on ait envie d’entendre mais le public, forcément éméché à cette heure tardive, se délecte.
Il est 23 h 30 déjà, Damien est sur scène depuis trois heures et n’a finalement, a priori, que peu consommé d’alcool. Juste quelques bières et peut-être un whisky-coca et pas des bouteilles de Jack Daniel’s comme auparavant.
Il revient seul avec sa guitare acoustique pour jouer Marguerite, puis Nos amours avec le clavier, un accordéon et deux guitares.
Moment solennel avec Les enfants du Bataclan « qui sont morts au combat ».
Touchant … ou définitivement déprimant.
Un long instrumental semble clore le concert mais très vite Damien Saez en remet une dernière couche.
Précisons-le quand même, le nouvel album, un quintuple album, s’appelle donc Apocalypse. Écrit et composé avec Ana Moreau, il est sorti le 1er mars en accès privé (pour les contributeurs) et, en pleine tournée, le 28 mars sur les plateformes de Streaming. Celui-ci se compose de 28 titres, dont certains de plus de 10 minutes. Beaucoup ont été joués ce mercredi soir et de nombreux standards du chanteur ont également comme à l’habitude été intégrés à la setlist.
Reste au final près de 4 heures de déconnexion engagée, un excellent concert pour un chanteur qui ne l’est pas moins. On n’est finalement jamais déçu après un concert de Damien Saez.
Textes et photos : Patrick Auffret






















