“Uncharted” de Ruben Fleischer. Egaré dans la vallée infernale…

Un pendentif balloté par les vents. Un corps inerte. Un regard ahuri. En un seul plan, le réalisateur de ce très attendu “Uncharted” donne insensiblement le ton : nous serons en chute libre durant près de deux heures.
Des proies captives face à une comédie involontaire.
Sidérés, nos fous rires convulsifs traversent la salle. Les moments gênants écrasant toutes les intentions scénaristiques attendues d’un divertissement de qualité.
Au départ, il y a une bonne idée marketing de la part de la firme Sony : reprendre à son compte une franchise d’un jeu vidéo populaire et faire, ainsi, la nique à Disney et Indiana Jones (Mickey ayant racheté le catalogue de George Lucas). Couvant sa poule aux œufs d’or avec attention, Sony lance Tom Holland (Mr Spider-Man aux 7 millions d’entrées sur notre hexagone) dans une toute nouvelle aventure, assurant la vente de tickets sans se forcer.
Il sera Nathan Drake, casse-cou et archéologue en herbe.
L’incarnation, plus jeune, d’une figure majeure de l’écurie Playstation.
Pour accompagner le majeur Tom dans ses pérégrinations, Mark Wahlberg est approché. Lifting étonnant tant son personnage arbore dans le Vidéo-Game la soixantaine rugissante…Erreur fatale de casting ? Non. Monk D est sur le coup depuis dix ans. Mais de tergiversations en abandon de poste de nombreux moviemaker, les années passent et Sony lui concède le rôle du mentor. Antonio Banderas arborera les atours du méchant de service. Art Marcum (“Bumblebee” et “Men in Black International”) et Matt Holloway (“Iron Man”) signeront l’histoire. Enfin, Ruben Fleischer, réalisateur de “Bienvenue à ZombieLand” et “Venom” empaquètera le tout avec panache et diligence.
Tels sont les souhaits de la major à succès, mais…
Mais l’ensemble ne tient pas, le film penchant plus du côté de l’adaptation de “Super Mario Bros” (avec Bob Hoskins) que de ” Tomb Raider” (avec Alicia Vikander).
Ici le tandem bat de l’aile et persiste dans l’inadéquation, Markie Mark se contentant de sortir quelques “punchline” poussives et de disparaitre de longues minutes de l’écran. Vous attendiez des bourre-pif et des échanges de coups de feu ? L’interprète de “22 Miles” opte pour le minimum syndical. Déception de ne pas être la star du film ?
Le héros de “Transformers : The last Knight” (certainement l’opus le plus jouissif et WTF de la saga) manque cruellement d’épaisseur et sa cool attitude proche du statisme ennuie.
Qu’importe ?
En face, Tom Holland joue pour deux et assure le show. Un peu trop ?
L’aventure, c’est l’aventure!
Tom escalade, Tom tombe les nanas (jeu de mot pourri), Tom tire et Tom pousse… vers la sortie un autre Tom, cocktails à l’appui.
Même omniprésence à l’écran, même notoriété foudroyante. Je lui prédis, d’ailleurs, une carrière similaire, alternant films d’auteur (son prochain projet est un biopic sur Fred Astaire) et blockbuster.
Mais, pour le cas présent et à trop vouloir exposer le nouveau sex-symbol des 12-18 ans, Sony nous épuise.
Tous égaux face à l’ego ?
Le casting mise sur le vide existentiel des acolytes pour mieux mettre en exergue les nombreux talents de notre Héros.
Sophia Taylor Ali campe une side-kick sans expression faciale, Tati Gabrielle se la joue mercenaire issue de “Scooby-Doo” et la muse d’Almodovar évite le cliché de l’ennemi diabolique made in OO7 (ou Dr Mad chez l’inspecteur gadget) .
Mais quelle débâcle.
Là où le jeu vidéo empilait les strates de gunfight, énigmes et cavalcades sur fond de stress, rien n’est à sauver dans cette entreprise de démolition.
Le scénario est un immense gruyère aux trous démesurés et ellipses surréalistes. Loin de la truculence d'”A la poursuite du Diamant Vert”, un certain mépris des adolescents semble même immerger de cette chasse au trésor digne de Fort Boyard. Il suffit de voir les incohérences incessantes ( Nathan Drake se fait dérober sa croix dans son sac à dos, pourtant bien calé sur son épaule. Derrière lui? Une corniche donnant sur le vide. A la découverte de ce larcin, il constate que la fermeture éclair est…fermée. C’est bien connu, les collègues cleptomanes referment toujours derrière elles…) et la façon dont l’intrigue est bâtie à la truelle pour s’en convaincre.
Toc toc badaboum. Enlever c’est peser.
Bien entendu, Maitre Miyagi créa un champion en deux temps trois mouvements. Option tatami, vitre brisée et “CarGlass” remplace.
Bien entendu, l’histoire de “Footloose” ne vaut pas tripette.
Mais l’on décelait, à l’époque, un véritable amour pour l’œuvre fun et grand public, loin de tout cynisme.
Rendre hommage aux “Goonies” dans une scène finale abracadabrantesque (… mais quel chemin a emprunté le navire pour s’échouer dans cette grotte ? Mystère et boule de gomme.) aurait été plus judicieux avec une pincée de malice.
Ici, la lourdeur emporte tout sur son passage, y compris notre patience de spectateur.
Car, il faut l’admettre, voir cette adaptation en salle, c’est comme danser sur le “Pre-Millennium Tension” de Tricky : c’est difficile.
Ruben Fleischer s’en moque comme de sa première conjonctivite et fonce dans le tas.
La réalisation se contentant, finalement, de faire dans l’efficace sans coup de génie ( help me, John Mc Tiernan) ou virtuosité (help me, Spielberg).
A croire que chez Sony Pictures, adolescence rime peu avec intelligence ?

Oublions au plus vite “Uncharted”, cette créature du marasme, et replongeons-nous dans les deux épisodes de “Benjamin Gates”.
Ou mieux !


James Mangold vient de boucler le cinquième opus d'”Indiana Jones” dont la sortie est prévue pour Juin 2023.
Parions sur le retour gagnant de l’homme au fouet.
Et si cette stagnation s’avère impossible pour vos rejetons adolescents, un conseil : jetez un coup d’œil à “GI JOE: Snake Eyes” en leur compagnie.
Vous avez bien lu!
Nerveuse, bien calibrée et honnête, cette adaptation d’un dessin-animé s’impose comme le film d’action le plus classe de 2021.
Parce qu'”Uncharted”, franchement, faut pas charrier.

John Book.

Crédits photos : Arad Productions / Atlas Entertainment / PlayStation Productions / Columbia Pictures
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