« Top Gun: Maverick » de Joseph Kosinski. The aeroplane flyes high.

Tom Cruise l’avait promis : une suite à « Top Gun » était dans les tuyaux. Initié par Paramount Pictures, ce second volet devait être, à nouveau dirigé par Tony Scott et se caler sur la mise à l’écart des pilotes au profit des drones. Hélas, le destin en décida autrement et le réalisateur de « True Romance », malade, tira sa révérence. Préproduction houleuse, revirements en tous genres, « Top Gun Maverick » balbutie ses premiers maux sans articuler un semblant de scénario. Mais c’est sans compter la persévérance de Tom Cruise et l’intérêt que portent Val Kilmer et Jerry Bruckheimer à ce projet. Dès 2014, le nabab d’Hollywood empoigne, de nouveau, la production, épaulé-cette fois-ci- par David Ellison, Christopher McQuarrie (papa des récents et futurs « Mission Impossible ») et Big Tom en personne. Le cargo s’envole. En 2017, le réalisateur Joseph Kosinski (ayant, auparavant, collaboré avec l’acteur casse-cou sur « Oblivion ») est nommé pour reprendre le manche et « Top Gun Maverick » envoie son clap de tournage dès 2018.
Attente fébrile. Spéculations. Hystérie des fans.
Puis pandémie. « Top Gun 2 » est reporté, comme tant d’autres longs-métrages…
Mai 2022.
Je (re)visionne dans mon salon, avec mon fiston de quinze ans, le premier volet, espérant un engouement de sa part, voire une motivation immédiate pour voir ces chevaliers du ciel.
Compte-rendu du rejeton :  » C’est un film machiste et la musique est trop redondante ! ».
J’ose un « Prêt pour « Maverick »? »
Why Not ?
Matinée et grande salle à moitié bondée. Le succès est au rendez-vous et le public adulte aussi, même si l’on décèle, ça et là, quelques adolescents…
Visionnage. Poils dressés dès l’introduction et l’émotion qui fait des circonvolutions.
Larguons un missile : « Top Gun Maverick » est le film à grand spectacle que l’on n’attendait plus.
C’est avec un respect infini pour son public et une intelligence surprenante que ce deuxième opus déploie ses ailes.
Scénario en raccord total avec son prédécesseur, distribution transgénérationnelle et réalisation racée, ce blockbuster nous étreint par l’émotion qu’il diffuse en pointillé.
Car cette histoire de deuil, de vieillesse et de transmission tend vers l’universel tout en s’adressant à chacun(e) d’entre nous.

Les scénaristes Ehren Kruger, Eric Warren Singer et Christopher McQuarrie ont l’excellente idée de convoquer une nouvelle génération de pilotes (Miles « Whiplash » Teller & Glen Powell sont parfaits en copies de Maverick et IceMan) face à un Pete Mitchell plus âgé mais toujours addict à l’adrénaline. Leurs échanges sont savoureux et leurs conflits teintés d’ironie des plus délectables. En revanche, j’émettrai un sacré doute sur l’originalité de leur mission, pompée allègrement sur « La Guerre des Etoiles. Un nouvel Espoir ».
Mais passons.
Bien entendu, cette suite comporte son lot de prouesses aériennes. Les morceaux de bravoure nous scotchent à nos fauteuils et le travail sur la matière sonore (déjà entrevue dans « Tron: Legacy ») rend encore plus palpable le vrombissement des réacteurs et le chaos en cockpit. Le choix de filmer « en live » et en décors naturels ces acteurs booste notre empathie et enjolive une réalisation des plus vertigineuses. Enfin, le jeu solide d’Ed Harris ou de John Hamm nous ramène à la terre ferme avec bonheur et sans aucun dérapage.
Mais la plus belle réussite de cette superproduction réside dans ses moments en creux. Mitchell vit dans les pas d’un fantôme. Il ne se résigne pas à lâcher prise, ne peut admettre l’absence douloureuse d’un Ami. Cette béance est d’autant plus palpable lorsque notre instructeur se retrouve face à un souvenir qui se matérialise sous les traits de Rooster, le fils de Goose. Poids de la culpabilité. Temps qui passe. Proches qui s’éclipsent. Flambeau tendu vers un héritier potentiel. Le doux sourire de Penny Benjamin (sublime Jennifer Connelly) et ses réparties cinglantes-pleines de sagesse- n’y font rien. Mitchell est écartelé entre son désir de protéger le jeune homme et la volonté de lui laisser prendre son envol.
Climax du film, ses retrouvailles avec Tom Kazansky finissent de nous anéantir dans un torrent de larmes, tant leur complicité à l’écran cache maladroitement l’ombre de la mort.
Horloge, dieu sinistre, effrayant, impassible…
Les figures héroïques sont figées dans notre inconscient collectif et Mister T. un éternel jeune homme qui se fait la Belle.
Conduire une moto à tout berzingue, passer en Mach 10 ou s’échapper, en douce, par la fenêtre ?
Corps en mouvement et autant de poings rageurs adressés à la grande Faucheuse.
Car sous cette apparente désinvolture pointe une mélancolie qui envahit tout.
Pete Mitchell vieillit et le sait.
Nos corps sont friables et nos gesticulations vouées à l’échec.
Certes. Mais ces signes sont des phares dans la Nuit, indiquant notre persévérance à rester vivants et à honorer les disparus.
Mieux qu’une suite parfaite, « Top Gun Maverick » est une quinte flush royale. Une fresque intimiste, généreuse et respectueuse du cadre imposé par le regretté Tony Scott. Populaire, audacieuse et supersonique, cette invitation au voyage est un saut dans les 80’s d’une modernité absolue.
Profitez de l’instant présent. Envoyez-vous en l’air!
Et que ne durent que les moments doux.

John Book.

Crédit photos : Paramount Pictures, Skydance et Jerry Bruckheimer Films