THE MIRRORS, DUO ROCK ANIMAL

Nous avions découvert le duo rock alternatif angevin The Mirrors – Sarah Nadifi (chant, guitare) et Corentin Bossard (batterie) – lors de leur tournée au printemps 2017. The Mirrors, c’est l’effet miroir de la guitare de Sarah et de la batterie de Corentin qui prend toute son ampleur sur scène, la dualité entre une énergie brute et des passages plus doux, l’alternance entre une rage positive et des tempos plus nuancés, pour des performances scéniques étincelantes.

Que s’est-il passé depuis la sortie de votre EP 4 titres ‘’Best Thunderstorms’’ en novembre 2015 ? 

Sarah : Nous avons beaucoup tourné : une dizaine de dates dans la région angevine, en Normandie et sur Paris fin 2015 et au printemps 2016, puis une tournée de trois semaines à travers la France à l’automne 2016. A l’issue de la tournée fin octobre, nous avons lancé une campagne de financement participatif en vue de sortir un EP 5 titres, ‘’What’s My Brain’s Brain’’. En novembre 2016, nous avons peaufiner l’EP, préparé le studio et fait marcher la campagne de financement. Début décembre 2016, l’objectif de la campagne a été atteint et nous sommes directement rentrés en studio, pour réaliser le mix et le mastering début 2017.

Comment avez-vous choisi les 5 titres de ‘’What’s My Brain’s Brain’’, sorti le 14 avril 2017 ? 
Sarah : Les morceaux ‘’White Land Wolves’’ et ‘’What’s My Brain’s Brain’’ avaient été composés en novembre 2016. ‘’Naive Ground’’ et ‘’Secrets Seeker’’ sont les seuls que nous avions joués en live. ‘’Blood’’ avait été composé quelques mois avant mais nous ne l’avions jamais joué sur scène.

Quelle évolution voyez-vous entre ‘’Best Thunderstorms’’ et ‘’What’s My Brain’s Brain’’ ?
Corentin : On a trouvé plus de subtilités dans les compositions mais toujours avec la même énergie. Et sur le plan technique, on a pu enregistrer dans un vrai studio.
Sarah : L’enregistrement, le mix et le mastering ont été réalisés dans le studio mobile d’Olivier Fournier à Angers. On a trouvé des subtilités dans l’atmosphère et le rendu de ce que l’on joue, plus que dans les notes en elles-mêmes. Par exemple, le morceau d’intro (‘’White Land Wolves’’) n’est pas fortuit ; on voulait que le public ne nous perçoive pas comme étant toujours brut-brut (sic) ; on voulait oser montrer des morceaux posés, notre côté doux. Nos morceaux alternent entre passages doux et bruts, avec plus de masse.

Frank Darcel, guitariste/chanteur de Republik, me disait récemment qu’il trouvait intéressant le fait de ressortir des disques dans le même rythme que celui des années 80’s, tous les 1 an/1 an ½, et parce qu’on progresse plus facilement que lorsqu’on se coupe du studio pendant 2 ans/2 ans ½. Partagez-vous ce sentiment ? Est-ce aussi le cas pour vous ? 
Corentin : C’est dans l’air du temps. Les gens consomment beaucoup plus vite la musique. Il y a tellement de propositions. C’est de plus en plus cohérent de sortir des titres plus régulièrement.
Sarah : Par rapport au phénomène de consommation intense et rapide, les groupes sortent des formats plus courts au lieu de sortir des albums entiers. Après, les groupes ‘’installés’’ sortent des albums tous les 2/3 ans.
Corentin : Regarde les Arctic Monkeys, ils sont tellement attendus que sortir un album tous les 4 ans, c’est cohérent. Pour les groupes émergents, c’est une autre histoire…
Sarah : Prends l’exemple de Last Train : ils ont sorti leur 1er EP après avoir tourné pendant très longtemps et fait des centaines de dates, à un moment où ils avaient déjà bien ‘’mordu dans le truc’’. Ça renverse un peu la tendance, le public a quand même suivi. C’est propre au rock : quand tu joues du rock, c’est peut-être un peu différent parce qu’il y a cet aspect de scène qui est important…
Corentin : Oui, si tu es présent sur scène, il n’est pas obligatoire d’avoir des trucs en studio à écouter.

Comment travaillez-vous, comment se créent les morceaux ?
Sarah : On compose tous les deux sur le moment, c’est très rare que l’un ou l’autre arrive avec un pilote. On est en répétition, on commence à improviser et il y a tout le temps quelque chose qui revient, un riff… On construit la base du morceau en guitare/batterie et dès qu’on a trouvé un truc cool, on le laisse en base et on développe. Dès qu’on a le couplet/refrain, je commence à écrire les paroles, la mélodie, le morceau se construit comme ça.

Sur le précédent EP, certains morceaux se sont créés ‘’au dernier moment’’, pendant les sessions d’enregistrement (je pense à ‘’Satan is a beer’’). Est-ce que ça aussi été le cas sur le nouvel EP ?
Corentin : On enregistrait les deux titres de ‘’Best Thunderstorms’’ et pendant que notre pote installait les micros, on a trouvé la mélodie de ‘’Satan is a beer’’ en speed. On l’a fait sur le moment, c’était recherché.
Sarah : On aime bien des morceaux très courts, spontanés, très efficaces et c’est sorti. Sur le dernier EP, les chansons sont plus longues.

Comment définiriez-vous la musique de ‘’The Mirrors’’ ?
Corentin : Une programmatrice a trouvé cette définition : ‘’duo rock animal’’. C’est cohérent, ça nous ressemble.
Sarah : Si tu veux un terme commun qui nous définit, ce serait ‘’rock alternatif’’.

Quelles sont vos influences ?
Corentin : On est tous les deux très fans des Arctic Monkeys. On a aussi beaucoup d’affinités avec d’autres duos, comme Blood Red Shoes (de Brighton) ou les australiens de DZ Deathrays, qui étaient en tournée avec Blood Red Shoes. Lors de leur premier concert en France, nous étions spectateurs, et la seconde fois, on a assuré leur première partie à la Station Gare à Aubervilliers.

Pourquoi choisir l’auto-production ? Est-ce un choix délibéré, pour garder votre indépendance ? 
Corentin : Il n’y a pas vraiment de raison. On voulait absolument sortir ‘’What’s My Brain’s Brain’’ mais malheureusement, on n’était pas entourés de gens prêts à diffuser notre musique comme ça.
Sarah : On souhaitait que le public entende l’EP à ce moment-là, on n’avait pas envie d’attendre. On avait envie qu’il sorte pour la tournée.

Vous avez créé votre propre agence de booking et de RP, Twin Vertigo Management, pour votre propre besoin mais aussi pour développer d’autres projets et groupes… 
Corentin : On a préféré se booker sur un autre nom que ‘’The Mirrors’’. On ne voulait pas envoyer de mails du genre ‘’Salut, c’est The Mirrors, on voudrait jouer…’’ mais plutôt ‘’Je m’occupe de The Mirrors…’’, c’est plus accrocheur.
Sarah : Depuis, comme une agence ancrée, c’est la carte de visite du projet. On gère aussi deux autres groupes : Duck Tape (duo d’Aix-en-Provence) et Dirty White Fever de Brighton, qui seront en tournée en France fin 2017.

La scène est l’endroit où votre musique se sublime, où votre énergie se déploie intensément. On a le sentiment d’un défouloir, d’un côté ‘’bestial’’, quelque chose de l’ordre du physique et de l’instinctif, comme un combat de boxe.
Corentin : On veut mettre notre dualité et notre énergie en avant sur scène.
Sarah : C’est devenu automatique de jouer comme ça maintenant en live. Mais on n’est pas que dans l’énergie, on essaie d’appuyer les nuances, les émotions originelles des morceaux qui ressortent. On n’est ni furieux, ni énervés. L’énergie est furieuse mais ce n’est pas de la colère, c’est de la rage positive. On ne revendique rien du tout, sinon nos émotions.

De quoi parlez-vous dans vos chansons ?
Sarah : Elles parlent toutes d’émotions, de sentiments dans les relations humaines.
Corentin : Majoritairement de relations intenses.
Sarah : On aborde les rapports humains, les frustrations. Il n’y a pas de morceaux où tout va bien. Ça ne veut pas dire que tout va mal non plus ! Nos chansons parlent de la vie des gens.

On parle souvent dans le Grand Ouest des scènes actives de Brest, Rennes et Nantes. Qu’en est-il de la scène rock angevine ? Y-a-t-il beaucoup d’associations, de studios de répétitions, de scènes pour jouer, de labels/maisons de disques, de groupes ?
Corentin : Avant 2000, la ville avait de bons groupes de rock, comme Hint et les Thugs, puis le soufflet est un peu retombé. Mais les choses changent depuis peu. Le label Wild Valley produit plusieurs groupes garage/surf-music/psyché-rock/pop indie (The Blind SunsEagles Gift), le label Yotanka est lui plus spécialisé dans la pop. Radical Productions est une grosse agence de booking, qui détient une bonne partie de Rock en Seine. Le festival Levitation, collaboration entre la SMAC Le Chabada et le festival Levitation à Austin, Texas, se tient en septembre sur 2 jours. Le Chabada intègre aussi des studios de répétition. Il y a néanmoins peu de lieux qui font jouer du rock. Le Joker’s Pub a une belle programmation très éclectique (rock, dream pop, hip-hop électro). Il y a aussi quelques petites salles avec une actu musicale grâce aux associations.
Sarah : Il existe des lieux faits pour les concerts mais peu d’entre eux ont une programmation active qui fait un vrai travail de promotion.

Quel type de musique écoutez-vous ?
Sarah : Notre base commune est le rock.
Corentin : J’écoute aussi du hip-hop, de la techno et de l’électro, qui peuvent être une influence probable mais pas directe.
Sarah : J’écoute aussi de la pop française : Fishbach, The Pirouettes, Christine And The Queens. Je préfère parler de pop française plutôt que de chanson française ; je n’écoute pas Julien Doré ou Vianney. En revanche, je n’écoute pas de métal ni de hardcore.
Corentin : Beaucoup de rockers écoutent du rap et inversement. Au cours des tournées, tu n’écoutes pas forcément le style de musique que tu joues.
Sarah : On ne te dira pas ce qu’on écoute dans le camion ! (rires)

Parlez-moi de votre collaboration avec Daniel Rumsey (aka. Oh So Grim), bassiste du groupe The Wytches, pour la pochette de ‘’What’s My Brain’s Brain’’.
Sarah : On a rencontré Daniel au moment de ‘’Best Thunderstorms’’. On voulait une pochette avec un dessin ou une peinture mais pas de photos. On l’a contacté et il a accepté de faire l’affiche de tournée. A partir d’une ligne directrice, il fait des trucs incroyables. C’est génial de travailler avec lui pour ça. Pour ‘’What’s My Brain’s Brain’’, on lui a donné les paroles, et on lui a juste dit qu’on voulait une ambiance un peu chaude et il nous a proposé ça :

Avez-vous une anecdote à nous raconter au cours de votre tournée de printemps ?
Sarah : On a beaucoup aimé le concert à Nantes sur la scène Michelet, où on a joué en première partie des Psychotic Monks. . Ce jour-là, je suis sorti du taf, j’étais ‘’au bout de ma vie’’, je suis parti directement sur Nantes. La salle était cool et le public réceptif.
Corentin : Tous les concerts étaient cools. On a rencontré beaucoup de personnes qui aiment le projet, qui nous suivent sur les réseaux sociaux, sur notre page Facebook et Instagram.
Sarah : Un soir en Allemagne, on a joué devant deux personnes et le gérant de la salle. Elles sont restées discuter avec nous vingt minutes et sont repartis avec nos deux EPs. Dans cette situation, tu sens que les gens sont avec toi, tu ne peux pas faire un set de frustré, au rabais. Tu ne vas pas jouer mal à cause des gens qui ne sont pas là ! Ces deux personnes étaient connectées à nous et c’était cool. C’est mieux que certaines dates avec une centaine de personnes où on ne sent pas l’attention du public. On a aussi joué aux Passagers du Zinc à Besançon où la gérante du bar et programmatrice nous a formidablement bien accueilli.
Corentin : De plus en plus, les gens viennent nous voir en nous disant ‘’Je vous ai vu sur internet, je voulais absolument voir le live !’’. Auparavant, on se pointait et c’était les habitués du lieu qui étaient là, pour découvrir. Aujourd’hui, c’est plus ‘’Je suis venu pour vous’’ et ça fait très plaisir à entendre.
Sarah : On est très sensibles et à l’écoute du ressenti du public. On aime discuter avec les gens à la fin des concerts. Partir en tournée, c’est aussi parce que tu aimes bien le rapport humain.

Votre démarche est très construite et réfléchie…
Corentin
 : Ça nous ressemble !
Sarah : La promotion et la fidélisation font partie du jeu. Des groupes balancent des posts à l’arrache sur des sites erronés… Nous on prend du temps pour faire ce genre de choses, avec de belles photos, du texte…
Corentin : On regarde ce qui se fait ailleurs, les pages d’autres groupes, ça ouvre l’esprit…
Sarah : Regarde Last Train, ils ont toujours de superbes photos qui correspondent à leur univers et à l’endroit où ils se trouvent. Notre démarche est très axée sur le live. Tu joues devant un public que tu essayes de ramener dans la communauté. C’est très porté vers le public. Jouer, ce n’est pas uniquement ‘’écouter ce qu’on fait’’, c’est aussi aller à la rencontre des gens, les garder avec nous, leur faire plaisir en communiquant des photos de qualité par exemple.

Quel est votre coup de cœur musical du moment ?
Ensemble : Le nouvel album de Psychotic Monks (‘’Silence Slowly and Madly Shines’’), que l’on écoute en boucle.
Corentin : Le nouveau single de Blood Red Shoes. On se réécoute aussi de vieux trucs comme les anciens albums d’Arctic Monkeys ou Blood Red Shoes.
Sarah : En ce moment, on se fait des sessions de groupes US dans le camion (Sum 41, Billy Talent). C’est très teenage mais c’est pas mal.

Y-a-t-il une scène ou un festival qui vous fassent rêver ?
Sarah :
 (la réponse fuse) Glastonbury ! C’est un peu la référence en Angleterre ! C’est une blague récurrente entre nous deux : ‘’tu te rends compte, quand on y sera !’’… On s’en amuse… Il y a pleins de groupes qu’on aime qui y ont joué, comme les Arctic Monkeys dont j’ai regardé le live de 2013 un nombre incalculable de fois. Glastonbury, c’est mythique.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter à tous les deux ?
Sarah
 : Un bon gros split ! A quoi bon ? On se déteste ! Les tournées ne marchent pas! (rires). Plus sérieusement, écoutez ‘’What’s My Brain’s Brain’’ dans votre voiture, venez nous voir en live.

L’occasion vous en sera donnée très bientôt puisque le duo jouera @Le Ferrailleur à Nantes (44) le vendredi 1er septembre 2017, @Circus à Capbreton (40) le samedi 14 octobre 2017, @La Java à Paris (75) le samedi 11 novembre 2017 et @Bar’Hic à Rennes (35) le samedi 18 novembre 2017.
Ne les manquez pas !

Alechinsky.