“The Lost King” de Stephen Frears. King for a Day, Fool for a Lifetime.

Stephen Frears is back et je n’en savais rien! J’étais resté sur son émouvant “Philomena”, ayant occulté volontairement ” The Program”, “Florence Foster Jenkins et ” Confident Royal”. Pourquoi ce désamour? Pourquoi jeter dans les oubliettes de sa propre cinémathèque intime le réalisateur talentueux de ” My beautiful Laundrette”, des “Liaisons dangereuses” et des “Arnaqueurs”? Certainement par paresse ou par goût prononcé pour un autre type de cinéma dans un autre temps. Et pourtant. Quel bonheur de voir notre frétillant octogénaire britannique toujours à l’œuvre dans le paysage cinématographique mondial! Ce fut, donc, d’un pas assuré que je m’engouffrai dans une salle obscure afin de prendre la température de ce “Lost King” inopiné. Inspiré d’une histoire incroyable mais vraie (oui, je sais…), ce long-métrage retrace la quête de vérité d’une femme autour de Richard III, de la prétendue folie meurtrière de ce dernier et de sa dépouille inexistante.
Nous connaissons, toutes et tous, la pièce monstrueuse de Shakespeare, ses nombreuses incarnations et ses adaptations plurielles.
Nous connaissons aussi le superbe cri d’amour lancé par Al Pacino dans son “Looking for Richard” (1996).
Mais là où l’interprète inoubliable de Michael Corleone tentait une réhabilitation populaire du Big Will dans les rues new-yorkaises, Stephen Frears opte pour une reconnaissance autrement plus singulière puisqu’historique. Richard III, ce soi-disant démon difforme à la dague facile, fut-il réellement un usurpateur? Son corps fût-il jeté dans un fleuve ou retrouvé sur un champ de bataille? Son infanticide fut-il l’affabulation d’un écrivain inspiré ou une intrigue fomentée par la famille Tudor? C’est tout l’enjeu de ce “Lost King”. A l’origine, rien ne laisse présager l’obsession subite d’une amatrice éclairée pour ce fascinant monarque. Philippa Langley partage sa vie entre un ex-mari (épatant Steve Coogan, producteur exécutif du film, qui a l’élégance so british de ne pas mettre son rôle trop en avant), deux ados affectueux, un travail peu exaltant et une maladie chronique. Mais au cours d’une représentation théâtrale magistrale, notre héroïne en herbe se prend soudain de passion pour notre despote (remarquablement incarné par Harry Lloyd, une révélation!) jusqu’à ce que son fantôme vienne la hanter afin que justice soit faite. Un canevas des plus savoureux pour un résultat…en deçà de mes (grandes) espérances.
C’est triste à dire mais rien ne nous transperce dans cette fiction. Sally Hawkins ( pourtant pétillante dans ” Be Happy” de Mike Leigh ou terriblement séduisante dans “La Forme de l’Eau” de Guillermo del Toro) dévoile, ici, un jeu “sur le fil” où le moindre de ses sentiments affleure à la surface de son visage. Un peu trop? Attention! Sa performance d’actrice n’est pas remise en cause. Seulement son personnage se voit doté d’une pathologie-gadget qui l’handicape plus qu’elle ne la nourrit. Et nous laisse circonspect sur l’intérêt de cette “tare”.
Un effet-miroir avec les défauts de Sir Richard? Ou un attribut bien maladroit?
Qu’on se rassure, Miss Hawkins est bien entourée.
Ses partenaires ( toutes et tous excellents) portent haut le flambeau de l’acting nuancé et cette distribution quatre étoiles nous ravit autant qu’elle nous éblouit durant 1h48. Mais c’est tout.
Car là où le long-métrage aurait dû déployer des trésors d’ingéniosité pour rendre cette chasse hypnotique, Stephen Frears semble s’éprendre des téléfilms luxueux “tendance pantoufle” tant ses mouvements de caméra peinent à subjuguer l’audience. Le déroulé narratif suit son petit bonhomme de chemin, noyé dans un formol technique, et seule la somptueuse musique d’Alexandre Desplat nous extirpe de notre douce léthargie.
Académisme frileux.
C’est rageant lorsque l’on connait la maitrise visuelle du Maitre et son appétence pour les biopics qui piquent (“The Queen”) et autres adaptations acidulées ( “High Fidelity”). Est-ce lié à une histoire trop “limitée” dans son développement attendu? A une lassitude artistique?
Nul ne saurait dire.
Restent la qualité made in BBC sur grand écran, les paysages mélancoliques d’Edimbourg et quelques dialogues bien sentis.
Prions pour que le réalisateur retrouve, auprès de Jonathan Coe, toute sa verve pour son “Billy Wilder & Me”.
” Mon royaume pour un cheval!”, certes,…et pour un chef-d’œuvre, aussi?

John Book.