Tame Impala – « Deadbeat »

Le retour d’un artisan du psychédélisme, toujours en quête de lui-même.
Tame Impala a toujours occupé une place à part dans le paysage musical contemporain. À la croisée entre l’introspection d’un projet solo et l’énergie collective de performances live spectaculaires, Kevin Parker s’est bâti une réputation hors-norme : celle d’un créateur total capable de faire danser des foules immenses grâce à des compositions profondément personnelles.
Et c’est justement cette tension entre solitude en studio et extase sur scène qui rend l’arrivée de « Deadbeat » si intéressante.

Après un parcours discographique presque mythique, de l’organique « Innerspeaker » au séisme synth-pop de « Currents », en passant par le très discuté The Slow Rush, le nouvel album arrive avec son lot d’attentes et d’inquiétudes. Beaucoup espéraient un retour aux racines, d’autres une nouvelle réinvention spectaculaire. Comme souvent, Parker choisit un chemin de traverse – et ce choix, même imparfait, reste profondément humain.

Une ouverture pleine de promesses

Le disque débute avec My Old Ways, l’un des plus beaux instants de l’album. Parker y mêle un piano vif à un rythme enlevé, tout en laissant filtrer une nostalgie sincère. Sa voix, plus chaude qu’à l’accoutumée, semble reconnaître les cycles qui reviennent, les habitudes d’hier qui nous rattrapent. C’est un titre touchant, presque confessionnel, qui rappelle combien la sensibilité de Parker reste unique.

Un milieu d’album en montagnes russes

No Reply étire cette émotion sur un mode plus atmosphérique : la tension grimpe, jamais résolue, comme un battement retenu. On aurait peut-être aimé qu’elle se déploie davantage, mais cette frustration participe étrangement à son charme.

Heureusement, Dracula arrive pour réveiller les sens. C’est l’un des morceaux les plus irrésistibles de Deadbeat, mené par un groove d’une précision admirable. Certes, les paroles prêtent parfois à sourire tant elles semblent éloignées de la vie très rangée de Parker aujourd’hui… mais le morceau fonctionne, incontestablement.

Loser, de son côté, parvient presque à renouer avec la flamboyance psychédélique des débuts. Il ne manque qu’un riff ou une étincelle supplémentaire pour toucher les sommets d’antan, mais l’intention y est, palpable et généreuse.

Des creux, mais aussi quelques éclats

Il serait malhonnête de nier les faiblesses du projet. Oblivion déroute, tant elle semble diluer l’inspiration de Parker dans un mélange un peu tiède. Not My World explore des textures « bush doof » intéressantes, mais peine à dépasser l’esquisse.

Pourtant, Deadbeat sait encore surprendre. Piece of Heaven possède une sincérité désarmante : lumineuse, presque festive, comme un instantané de la vie familiale que Parker assume désormais avec douceur. Ethereal Connection, plus sombre et club, démontre que l’artiste n’a rien perdu de sa fascination pour la techno vaporeuse. Afterthought et End of Summer, malgré leurs emprunts assumés, redonnent de l’élan au dernier tiers de l’album.

Un album de transition, plus humain qu’il n’y paraît

Il est tentant de juger Deadbeat à l’aune des chefs-d’œuvre qui l’ont précédé, mais ce serait oublier une évidence : la carrière de Tame Impala a toujours été un jeu d’équilibriste, mouvant, profondément sincère. Et s’il est peut-être le disque le moins marquant du projet, Deadbeat n’en demeure pas moins un témoignage honnête de la période que traverse Kevin Parker.

On y entend parfois l’artiste qui cherche, doute, tâtonne – et c’est aussi cela, la musique. Tout ne peut pas être « Elephant » ou « The Less I Know the Better », et ce n’est pas grave. Il y a quelque chose de presque touchant dans ces imperfections.

Un pas un peu hésitant, mais un pas en avant

Non, Deadbeat n’est pas le nouveau Currents. Il ne prétend même pas l’être. Mais il montre un artiste toujours en mouvement, toujours curieux, parfois maladroit mais jamais cynique.
Pour certains, le chemin sera frustrant ; pour d’autres, il sera l’occasion de découvrir un Kevin Parker plus vulnérable, moins flamboyant, mais toujours animé par le désir de créer.

Et si vous restez sur votre faim, rien ne vous empêche de plonger à nouveau dans 41 Mojitos Poolside Dub ou dans les sommets du passé. Chaque album de Tame Impala éclaire un pan différent de son univers ; Deadbeat, malgré ses limites, ne fait pas exception.