Révélé l’an dernier avec le déjà excellent EP « Natural Resources » (2020), SQUID fait son retour avec l’album « Bright Green Field« , sur le classieux label Warp Records (Stereolab, Brian Eno,..). Le groupe britannique surprend avec une insolente maîtrise qui n’est pas sans rappeler Black Country New Road, Black Midi, The Guru Guru, You Said Strange ou encore le best of the best des années 90 : Sonic Youth. Ce n’est pas pour autant qu’il est besoin de rechercher la concordance chez d’autres pour en apprécier cette identité sonore qui reste bien à part.
SQUID se réapproprie l’essence d’un punk rock intelligent et intelligible en y injectant une dose de dinguerie, une approche dans des lignes jazzy plutôt fines et un power vocal volubile qu’il faut savoir savourer avec un volume important, même très important (pas grave pour les voisins).
L’effet superpuissant qu’ils livrent sur plus de 8mn avec « Narrator » accompagné de Martha Skye Murphy est certes maniéré esthétiquement, mais le côté un peu crade lui donne un cachet savoureux irrésistible. Tel un spasme envahissant, il parvient paradoxalement à capter l’attention instantanément et en devient presque jouissif.
« Boy Racers » sort du lot, presque hors cadre, divisé en une entame rock bien pêchue des plus captivantes qui, vers le milieu du morceau, se barre dans un trip électro-psychotique complètement procédé…
« Paddling« , proche des sonorités empruntes à Stu Mackenzie (KGLW), a exactement la démesure que nous attendions et que nous aimons, avec ses guitares vrombissantes, sonnantes et trébuchantes telles des lames de rasoir. Vient alors un étonnant break d’apparence, « 2010« , avec arpèges et chœur mais cela est fait pour mieux là encore vous dérouter vers de nouvelles variations rythmiques, à nouveau plus puissantes et pesantes, avec une saturation de clavier au maximum et voix parlée, presque chuchotée.
En guise de prélude à l’aurore, « The Flyover » s’impose là, électro/jazz spatial qui sonne plus direct, plus percutant avec un riff soutenu d’une voix gutturale de bout en bout, qui trouve quand même le moyen de caler entre deux riffs punk (ultra efficaces) un break ravageur relançant un torrent de rage avec quelques pauses bien placées.
Le final « Pamphlets » est sans contestation possible le plus intéressant morceau de l’album, mélange de fragilité et de puissance épidermique. Avec plus de 8 minutes particulièrement épiques sur lesquelles on notera un groove imparable ainsi qu’une utilisation du chant tantôt calme à la Thom Yorke (Radiohead 90′), tantôt surpuissant à la Alex Evans (Lumer), l’ensemble apporte une touche sensible optimale à ce titre très dense qui représente la quintessence de l’incandescence tentaculaire de SQUID.
Avec ce premier album, SQUID développe une identité sonore au contour parfois flou, mais qui possède, dans son ensemble, des traits de caractère terriblement antagoniques, sophistiqués et intuitifs, qui ressemblent à un être organique avec ses différentes faces, ou phases, exigeant et sans compromis.
Écouter SQUID: https://squiduk.bandcamp.com/album/bright-green-field
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Stef’Arzak