Sismique

Deux mots Napalm Death qui annoncent une déflagration auditive pour tous ceux qui ont prêté une oreille à la musique du groupe britannique. Ils font figure de pionner depuis 1981 en distillant un “grindcore” qui culminera à son paroxysme en 1987 avec l’historique album “SCUM” ( 28 titres pour une durée de 33 minutes et 4 secondes ) ! Mélangeant des éléments punk, hardcore et dans les années 1990 du death metal. Le groupe bénéficiant d’un line-up presque régulier depuis 1990- néanmoins il ne reste plus aucun membre fondateur du groupe de nos jours. Nous retrouvons donc au commande depuis plusieurs décennies : Shane Embury (basse), Mark Greenway (vocals) et Danny Herrera (batterie) et les guitaristes Mitch Harris (qui est crédité sur cet EP) et plus récemment John Cooke. Une pensé pour le regretté Jesse Pintado, qui avec Mitch représentaient une période importante du groupe comme que dans mon cœur de fan boy.  Une discographie exemplaire, 96 réalisations selon Discogs  mélangeant albums, EP, Live et pirates. Bref un bel exemple à la hauteur de leurs implications dans l’évolution du genre musicale, emprunt d’une remise en question artistique permanente et assumé.

Ainsi février 2022 “Resentment is Always Seismic – a final throw of Throes” distribué par Century Media Records est dans les bacs et ne contredit pas leurs statut de taulier du genre.

Nouvel EP – 2022 – Century Media Records –

Donc un nouvel EP de 8 titres, bastonnant les tympans et la cage thoracique. Les paroles de Mark Greenway sont encore une fois sans concession sur notre environnement et notre société. Le titre ” Man Bites Dogged ” est d’une folie furieuse qui  renvoi le groupe à une période très 90′ comme sur l’album   “Inside the torn Apart” (1997). La ligne de basse de Shane est puissante comme à son habitude. A noter, deux reprises sont présentes sur l’offrande qu’est  Resentments is always seismic. Un premier titre du groupe Bad Brains – ont se refait pas – Don’t Need It ! Mais quelle claque ! Déjà que la version originale déboite mais nous avons à faire ici à un véritable hommage. Danny Herrera  derrière ses fûts mets encore une fois en avant son talent, le résultat est bien sûr sans concession sur cette cover d’une minute.  La seconde beaucoup plus surprenante : People Pie single de 1988 du duo industriel / alternatif SLAB! Groupe que mes chères collègues du webzine connaissent sûrement mieux que moi. Pour ma part c’est une excellente surprise et que vous pouvez découvrir en fin d’article. Les autres morceaux affirment encore une fois que Napalm Death est un grand groupe  que ce soit sur scène ou dans leurs discographie.  Un bel EP qui fait la transition avec l’album précédent ” Throes of Joy in the Jaws of Defeatism ” (2020) et qui entrevoit les prochaines années de manière originale et sincère.

 

De gauche à droite : Danny, Mark, Shane et John (crédit Image : Napalm Death website)

Prise de position

Grindcore, growl, look et autres stéréotypes contribuent à l’ignorance des gens vis à vis de ce style musicale. Nous pouvons le résumer ainsi : des bourrins qui hurlent dans les micros. Opinion très réductrice et caricaturale. Surtout qui minimise l’impact du genre et plus particulièrement du groupe au sein notre société. Les membres du groupe, Mark Greenway en tête, assument leurs positions sociétales, la défense des droits aux animaux (Peta) ainsi que sur le shop store en travaillant avec Fair Wear. L’anarchie, l’humanisme et socialisme sont présent dans les lyrics des titres et plus généralement dans les causes qu’ils défendent. En 2015, notamment avec l’affaire Lindsay Sandiford, Mark (encore une fois) à écrit une lettre ouverte au président indonésien, l’appelant à épargner la vie d’une Britannique passible de la peine de mort pour trafic de drogue. La lettre appelle le président Joko Widodo, fan du groupe et du groupe, à faire preuve de miséricorde et de retenue. Lindsay Sandiford, qui a été condamnée à mort par peloton d’exécution à la suite de sa condamnation, affirme avoir été forcée de transporter la cargaison illégale par des trafiquants qui menaçaient la vie de ses enfants. Source: BBC

Single Nazi Punks Fuck Off – MOSH –

Vous l’avez compris, Naplam Death, ne fait pas dans la demi-mesure, graphiquement aussi.  Les pochettes sont importante et se doivent d’être le reflet de la musique. Différentes techniques sont utilisées : dessin, peinture, patchwork et collage, qui prennent visuellement aussi leurs origines dans le mouvement punk. Pour rappel le single “Nazi Punks Fuck OFF” (1993), est une reprise des DEAD KENNEDYS réalisée pour une organisation caritative antifasciste. Cette pochette contribue encore à une reconnaissance du groupe dans les milieux antifa’ par la diffusion d’un visuel  directement explicite et  reconnaissable par tous.

Depuis 2015 et l’incroyable “Apex Predator – Easy Meat ” le groupe privilégie la photographie. Ce médium est  plus facilement identifiable par nous tous, car il correspond aussi à notre temps et nos usages (démocratisation et accès aux outils numérique via le smartphone et les logiciels de retouche d’image). Cela permet un recul dans le processus de créativité de la pochette. Analysons cet exemple : un fond noir, qui permet le focus sur une barquette de viande. La même que nous pouvons trouver dans tous les supermarchés du monde entier, contenant des abats. Jusque là rien de plus normal, mais la présence d’un doigt humain et une étiquette avec la mention Apex (le sommet) Predator, souligne l’origine des produits. L’horreur au quotidien dans notre assiette et entérine la considération de l’être humain dans nos sociétés. Vous pouvez admirer le travail de recherche iconographique par le studio Friktion (aka Frode Sylthe) sur ce lien :  https://friktion.com/work/napalm-death/

Donc ici plus besoin de crâne, de sang ou de l’imagerie issue de la scène métal extrême pour magnifier le titre de l’album. Sobriété = efficacité.

 

APEX PREDATOR – EASY MEAT – 2015 – Century Media Records

Plus haut j’utilisais le terme sincérité pour décrire le groupe. C’est une évidence, que ce soit avec le cœur ou avec les tripes. Globalement les groupes affirment de plus en plus une position éthique / opinion politique à travers leurs productions hors chant musicale. Amer constat aussi, en ce qui concerne les idées nauséabondes qui lorgnent vers l’extrême droite avec le National Socialist Black Metal  (NSBM). Mouvement qui stigmatise encore fois le métal dans l’inconscient des gens.

Beaucoup d’artistes plasticiens, certains issu du théâtre ou d’associations se reconnaissent dans l’œuvre musicale du groupe et les thèmes qu’ils abordent. Un dernier exemple, inspiré par la position politique du groupe, le professeur Simon Springer a écrit la conclusion de son livre de 2016, The Discourse of Neoliberalism : An Anatomy of a Powerful Idea,  en incorporant autant de titres de chansons et d’albums de Napalm Death que possible dans son texte.

Pour finir, je ne peux que vous conseiller le visionnage du plurimédia ( image, vidéo et musique)  extrait du John Peel Archives. Shane Embury le bassiste et tête pensante du groupeexplique l’origine du genre à travers la collection du journaliste et disc jokey John Peel. Visionnage ABSOLUMENT nécessaire pour tous les fans de rock et d’histoire de la musique : https://www.johnpeelarchive.com/shane-embury/

Le ressentiment est toujours sismique. Le quatuor à encore beaucoup de choses à nous présenter dans les prochaines années et c’est tant mieux pour nous. Pas besoin d’attendre longtemps. Ils seront en concert en France, en Bretagne à Quéven le 25 et à Paris le 26 février, pour une déflagration digne de ce nom.
 
Le maître mot du groupe est aussi celui de la fin de cette chronique : Intégrité.
 

Ekimr

Cet article est dédié à Yann et Diane.

Site Officiel : https://www.napalmdeath.org/

Lire Napalm Death : https://shanenapalmdeathbook.com/

Illustration / aquarelle et collage : Mike Rouault