[Chronique Ciné] Sinners, film musical et créatif !

Sinners

Ecrit et réalisé par Rayan Coogler

Genre épouvante musicale

Avec Michael B Jordan, Hailee Steinfeld, Li Jun Li, Wunmi Mosaku, Omar Benson Miller, Jayme Lawson, Miles Caton, Jack O’Connell

Le pitch: Dans les années 30, Mississippi durant la prohibition, les jumeaux Smoke et Stacks, vétérans de la Première Guerre et accessoirement à la solde de Capone, reviennent dans leur village natal pour y ouvrir un juke joint  et pouvoir y jouer du blues. Ils rachètent une scierie à un homme pas franchement sympathique et durant toute la journée, ils vont recruter des musiciens pour animer la soirée dont leur jeune cousin prodige, Sammie Moore.

Mon avis : un scénario original que certains vont rapprocher d’Une Nuit en Enfer alors qu’il n’est rien, la comparaison s’achevant aux monstres invoqués, les vampires  ! Mais encore qu’ici, ils sont bien différents, tendant plus vers une conscience collective que vers des monstres assoiffés de sang.

On passe vite sur le côté horrifique du film, on comprend qu’ici les grands méchants ne sont pas les vampires mais bien les oppresseurs de toutes sortes, ceux qui doivent empêcher l’amour, l’amitié et l’art de se répandre.

À l’époque de la prohibition, on fait mention d’un chargement volé à Capone et d’un local vendu par le KKK  ; on comprend vite que les deux frères n’iront pas loin dans leur entreprise. D’ailleurs, ils ne sont pas vraiment les personnages centraux de l’histoire, mais bien Sammie, porteur d’un pouvoir que veut s’attribuer le vampire Remmik, en chasse de nourriture certes, mais surtout de musique et de liens familiaux.

Remmik, un Fili (un membre de la classe d’élite des poètes irlandais), est un antagoniste des plus intéressants. Il est victime de sa nature, mais souhaite un rassemblement autour de l’art et de l’amour. Il répète d’ailleurs plusieurs fois son dégoût des membres du KKK, qu’il s’est empressé de « contaminer ».

De la musique tout le temps, de la musique novatrice, un mélange des genres qui explose lors de la séquence de concert de Sammie, jeune homme à la voix envoûtante et sublime.

Miles Caton détonne avec son air de brave gamin qui, dès qu’il chante, devient un Dieu du blues à la voix chaude et sensuelle. Il est joué par l’excellent Buddy Guy dans la scène post-générique  ! 
Dans cette séquence sublime, le mélange des genres musicaux allant du plus pur style tribal en explorant le hip-hop, le néo-classique ou le rock, Coogler nous démontre, s’il y avait besoin, que les meilleures musiques sont noires. Autre moment très fort, Remmik se montre sincère sur son objectif de rassembler autour de la musique (un grand moment de musique afro-celtique), rappelant comment les catholiques ont évangélisé de force ce pays aussi traumatisé par une diaspora représentant la moitié de sa population et sa mise en esclavage par les Anglais. J’ai beaucoup aimé que le scénariste/réalisateur mette ses deux populations en résonance.

Il est d’ailleurs intéressant de noter le rapprochement entre la population afro-américaine et la population irlandaise, sans oublier la population chinoise qui, à eux trois, représentent les fondements des États-Unis fondés sur les métissages et l’immigration, n’en déplaise à certains  !

De magnifiques moments portés par un casting que j’ai trouvé parfait avec une double dose de Michael B. Jordan, qui sait faire la part belle aux autres comédien-nes, surtout à Wunmi Mosaku (Ruby dans Lovecraft Country que je vous recommande très chaudement tant cette série est novatrice), à Delroy Lindo (que j’avais découvert dans le badass 60 secondes chrono) ou encore à Omar Benson Miller au look dégingandé qu’on n’oublie pas. 

Pour résumer, une histoire originale mélange des genres comme on aimerait en voir plus souvent! Une réal magnifique, une photo qui l’est tout autant et une BO qui vous fera vibrer! J’espère que le génial Ludwig Görasson (déjà aux commandes de la BO d’Oppenheimer) reviendra vite !