Quel besoin y avait-il de déterrer aussi vite le fantôme de Steve Albini ? Peut-être celui de redonner du nerf à une scène française trop sage, ou simplement de convoquer l’esprit du bruit comme exorcisme collectif. Avec Witch Level 1, premier single de Secret Girls, tout devient clair : on n’est pas là pour lisser les angles mais pour transformer l’électricité en rituel.
Secret Girls, c’est la collision accidentelle mais hautement inflammable entre trois trajectoires rouennaises : MNNQNS, Kebabozor et 39th & Norton. Un croisement où l’approximation volontaire des guitares fait office de manifeste – quelque part entre Sonic Youth et un rayon quincaillerie de Brico Dépôt. Ici, les cordes grincent, se désaccordent, se mordent presque, comme si chaque riff cherchait à repousser les reptiliens tapis dans les recoins.
La basse, elle, emprunte ses pas robotiques au Krautrock, battant le fer comme un métronome de ferraille. Par-dessus, la voix trace ses incantations – pas de sermon, plutôt une litanie nocturne qui oscille entre la confession adolescente (le mullet bouclé, les premiers crocs) et la rage contenue héritée de The Jesus Lizard. On entend la pleine lune de Bad Moon Rising en arrière-plan, on devine Nick Cave en veilleur, et Lucie Castets comme contrepoint terrestre à cette messe rampante.
Witch Level 1 n’est pas qu’un titre : c’est une initiation. Une transformation qui se rejoue chaque mois, une mue qui laisse des souvenirs brouillés au petit matin. On ne sait plus très bien si l’on a dansé, hurlé ou creusé un terrier pour se cacher de la lumière. Mais on sait que Secret Girls ont lancé leur sort : bruyant, acéré, fièrement dissonant.
Un premier niveau, donc, qui sonne déjà comme une belle promesse.
Photo de couv. Hugo Zangl