C’est sur les cendres de “Dream Factory” et “Camille“(albums gargantuesques refusés par son label WarnerMusic) que Prince s’attela à l’élaboration d’un nouvel opus pour l’année 1987. Echaudé par l’accueil mitigé de son nouveau film “Under the Cherry Moon“, son Altesse sérénissime décida de remettre les pendules à l’heure avec un “Sign O’ the Times” placé sous le signe de l’excellence. Un pari risqué tant les vingt millions de copies écoulées par le cultissime “Purple Rain” laissent peu de place pour l’approximation et les dérives funk expérimentales. La major veut du solide et du rentable. Qu’à cela ne tienne, Rogers Nelson (génie de seulement 28 ans) puisera dans ses innombrables sessions issues de Paisley Park et proposera un double album hétéroclite et néanmoins “compact“. Entre funk moite, pop hybride et slow vertigineux, Prince ne tranchera donc pas et cèdera une mine d’or en matière de singles immédiats et de compositions aventureuses et débridées.
La suite ? On la connait. Succès planétaire et multi platiné pour le kid de Minneapolis et reconnaissance totale des médias et de la profession. Il faudra attendre 1988 et l’arrivée de Michael Jackson pour qu’un “BAD” vole la vedette à notre multi-instrumentiste mégalomane et éclipse, un moment, son coup d’éclat.
Et pourtant. Lorsque l’on s’y penche d’un peu plus près et en dépit de bases communes (James Brown, la musique noire américaine dans son ensemble et le succès précoce) rien ne rapproche ces deux control-freaks. Pour l’un, les excentricités musicales et protéiformes se conjuguent avec l’hédonisme le plus fiévreux, pour l’autre le savoir-faire d’une composition plus classique le dispute à une pop-soul rythmée, standardisée et ultra-maitrisée. Comparer MJ & His Royal Badness se réduirait à opposer LSD et Whisky 30 ans d’âge.
Pas la même sensation ni la même dégustation.
Mais revenons à nos moutons, dixit le Petit Prince.
Ce qui nous anime actuellement est la ressortie DELUXE de ce chef-d’œuvre intemporel doté de nombreux remix et versions alternatives.
Je m’arrêterai plus particulièrement sur la version “3 CD” -budget du Père Noël oblige- dont le troisième volet déborde de délires insensés, de créativité et d’inventivité. Car bien avant l’utilisation de divers patronymes, the “LoveSymbol” aurait pu se nommer “Docteur Maboul“. A quoi bon se cantonner à un bon vieux “couplet-refrain-couplet” quand la guitare fait le grand écart ? Pourquoi s’évertuer à rendre une copie A4 (le fameux plan à quatre ?) quand on peut disgresser à satiété ? “The Artist” bâtit ses morceaux à sa façon : on expose la ligne mélodique puis casse tout, on malaxe, on décompose pour mieux rebondir sur la trame originale. Quand j’étais minot, mon frangin possédait un jouet fantastique. Une sorte de figurine bodybuildée dont les bras et les jambes s’étiraient à volonté mais reprenaient, comme par magie, leurs formes originelles.
La troisième galette de ce “Sign O’ The Times” revu et corrigé se résume aux métamorphoses de ce personnage. Cela se barre dans tous les sens et tous les genres mais la patte est reconnaissable entre mille et la matrice toujours détectable.
Pour preuve, cette version de “La la la He, He, Hee” (Highly Explosive) sous influence Snoop Dog (je ne suis pas chien) qui repousse les limites de la funk-pop de par sa durée et ses constructions audacieuses, ce “Shockadelica” hendrixien et vicieusement addictif et un “Hot Thing” (extended remix) à la basse entêtante et aux effets concentriques.
Et le reste est à l’avenant !Mais je vous laisse la surprise…
La légende laisserait croire que Sa Majesté Pourpre développa plus d’un millier de morceaux en studio.
En attendant leur commercialisation prochaine, laissez-vous tenter par cet amuse-gueule de choix.”Sign O’ The Times” est un parfait au chocolat. Parfait dans ses ingrédients et amer comme une histoire d’amour avortée.
Hautement aphrodisiaque et d’un érotisme torride.
Une gâterie inavouable.
Un Prince de Lu(xe).
John Book.