“Shang-Chi et la légende des dix anneaux” de Destin Daniel Cretton. Kung Fu Fighting

Ho, le joli piège à souris ! Qu’ils sont malins, chez Disney ! Non contents de truster l’ensemble des grosses productions familiales sur nos écrans cet été ( “Black Widow” et un “Jungle Cruise” précédemment chroniqué par votre serviteur), ils décident d’envahir-dès le 1er Septembre- la Rentrée avec “Shang-Chi”, futur gros carton annoncé. Ainsi, peu de temps avant les retrouvailles avec les copines z’et les copains devant le portillon de l’établissement maudit, le nouveau super-héros asiatique remontera le moral de milliers de collégien(e)s et lycéen(e)s, laissant peu de place pour la concurrence.
Inutile de lutter. Inutile de faire semblant ou d’ignorer. Que vous soyez cinéphile, adepte de Spécial Strange…ou les deux (je l’avoue, c’est mon cas !), il est impossible d’échapper au bulldozer. Shang-Chi est partout et marque un point de plus pour Hollywood et un marché chinois omniprésent. Rose en était l’incarnation maladroite dans l’écurie Star Wars ? Mickey-Marvel flatte un peu plus les coproducteurs et -à l’instar de “Black Panther”- tutoie les minorités ou autres partenaires économiques dans un élan de fraternité mal contrôlé.
Vous devez me trouver un brin cynique… Mais, en dépit d’actrices et d’acteurs prestigieux (inoubliable Chadwick Boseman) , il faut bien se l’avouer : Disney ne fait rien gratuitement. Proposer un casting majoritairement noir américain ou asiatique fait, certes, avancer la société (et ses préjugés) mais aussi la machine à billets.
Je tenterai, donc, de juger ce dernier blockbuster fantastique sans marteler l’aspect démagogique du propos. Et sans fan-attitude.


Alors ? Shang-Chi ? Il dépote ou bien ?
Et bien, oui, il te met une grosse race durant la première demi-heure sans que tu puisses émettre un seul soupir de lassitude. Destin Daniel Cretton, pourtant habitué des productions indépendantes, s’empare du genre “film de super-héros” pour mieux le transcender. Réalisation alerte, caméra virevoltante et casse-cou, scènes d’expositions séduisantes, tout le B.A. BA du parfait moviemaker est déployé pour nous asséner des taloches. Pour preuve, cette altercation homérique avec des sbires belliqueux dans un autobus digne de ” The Grandmaster” ! Un moment de bravoure insensé et bonnard qui ferait passer “Speed” de Jan De Bont pour un épisode de ” Sheriff, fais-moi peur”. La mâchoire dévissée sur les genoux.
Appliquant le souhait de Disney de proposer un casting principalement venu d’Asie, le réalisateur de “States of Grace” sort l’artillerie lourde avec une distribution de choc.
Majoritairement connu pour ses rôles à la télévision, Simu Liu campe avec aplomb le “boy next door” : humilité et humour sont ses principaux atouts et sa transformation progressive en future figure du MCU fait plaisir à voir. Awkwafina (vue dans “Ocean’s 8″, ” The Farewell” et “Jumanji 2”) joue les side-kicks agaçantes sans se forcer.
SPOILER ALERT !Et Benedict Wong promène son imposante carrure avec un second degré fort plaisant. Ses apparitions à l’écran laissent, of course, supposer une connexion imminente avec le Doctor Strange… et le futur film de Sam Raimi?Mais le meilleur reste à venir !
Bien conscient de l’héritage laissé par ses confrères, Destin Daniel Cretton nous offre sur un plateau d’argent un duo d’acteurs iconiques :La superbe Michelle Yeoh et l’aristocratique Tony Leung Chiu-wai.
Ainsi, lorsque ces deux monstres sacrés se croisent sur grand écran, c’est tout un pan de l’Histoire du Cinéma Mondial qui ressurgit en l’espace de 2 heures 12. Réminiscences exquises de John Woo, Johnnie To, Wong Kar-wai, Tsui Hark, Hou Hsiao-hsien, Zhang Yimou, et Andrew Lau, pour ne citer qu’eux.
Ce n’est plus un hommage, c’est une déferlante !Sans oublier, certainement, le réalisateur qui a le plus inspiré cette “Légende des dix anneaux” : Ang Lee et son “Tigre et Dragon”.
En 2021, les roseaux se sont substitués à des échafaudages mais, en dépit d’un cahier des charges misant sur l’action non-stop, les combats dansés sont toujours une phase imposée.
Poésie, prestance et romance. Violence des échanges en milieu tempéré.
On songe souvent à “Histoires de Fantômes Chinois tant la rêverie le dispute à l’émerveillement… un temps. Car, je le répète, le film subjugue dans sa première demi-heure et lors de quelques moments fulgurants.
Sinon ? The House of Mouse s’autopompe-encore- allègrement !SPOLILER ALERT BIS !
Au scénario ? Dave Callaham, Andrew Laham et le grand Ami de Brie Larson picorent dans ” Raya et le dernier Dragon” ( des dragons , après avoir combattu le Mal incarné, disparaissent soudainement au Pays du Soleil Levant…Afin de restaurer la paix entre des peuples, Raya décide de retrouver ces divinités légendaires et briser une maléfique imprécation…oui, oui, c’est la même toile de fond), “Le Retour du Jedi” (le combat final entre un père et son fils, oui, oui, vous m’avez compris) ou “Black Panther” (le héros bad boy, le legs familial, les liens du sang, encore…). Au décor ? Après une incursion, plutôt réussie, à San Francisco puis Macao, le film s’embourbe dans un imaginaire propre au “Monde de Narnia” afin de flatter les 8-10 ans…et nous ennuie.Enfin, et c’est un gâchis sans nom, le grand Ben Kingsley joue les bouffons du Roi sans nous décrocher un seul sourire ou nourrir une intrigue peu originale.

Malaise en Malaisie.
Ce n’est plus la Malédiction du Black Pearl, c’est le syndrome “Dormammu”. Une répétition et un recyclage incessant d’idées maintes fois éprouvées. Play rewind. Play rewind. Nous n’allons voir, à présent, des productions MARVEL que dans le seul but de nous divertir sans trop réfléchir. Un effet de manche dans un cadrage dynamique par-ci, une distribution étincelante par là et un cinéaste prometteur ou confirmé aux manettes…In fine ? Leur script doctor nous endort.
Promis, pour ma toute prochaine critique, j’essayerai de m’investir dans un film moins formaté.
Mais, à l’annonce frémissante de “Venom: let there be carnage”, “Les Eternels”, “Spider-Man : No Way Home”et “Doctor Strange in the Multiverse of Madness”…après “Shang-Chi”, j’enchaine !
John Book.