Sadness

Sad : Traduction du mot triste en anglais.

Addiction : c’est la dépendance, ou assuétude, c’est l’envie répétée et irrépressible de faire ou de consommer quelque chose en dépit de la motivation et des efforts du sujet pour s’y soustraire.

Hangman’s chair, nous propose la contraction des deux mots qui peuvent refléter leurs états d’esprit, leurs appétences à écrire et composer de la musique lourde, triste et qui ressemble tellement à nos vies urbaines. La ville se farde de lumières, de néons, pour mieux nous tromper. Certains d’entre nous ont les yeux bien ouverts et mettent en musique ces ambiances.

Bienvenue en ville.

 

BLUES URBAIN

Saddiction – Hangman’s chair – Nuclear Blast Records 2025

Je ne vous cache pas que j’attendais avec impatience la sortie du nouvel album des Parisiens de Hangman’s Chair. 7ème opus dans les bacs le vendredi 14 février, date de cette stupide journée des amoureux – comme si nous avions besoin d’une journée précise pour dire « je t’aime » à son compagnon ou sa compagne. L’attente et le souvenir d’un concert fabuleux au Trabendo en hiver dernier m’ont motivé pour jeter d’abord mes oreilles  pour une écoute en ligne. Puis direction le disquaire afin d’en faire l’acquisition.

9 titres qui sentent la mélancolie nocturne urbaine à plein nez. Comme si la place Pigalle était vide de sens ( n’est-ce pas déjà le cas ?), un Noctilien saturé (Bus de nuit qui relie la capitale à sa banlieue), où le seul refuge est le casque pour écouter la musique pour échapper et/ou contempler l’humanité à 3h du matin, dans ce qu’il y a de plus vrai : hardcore.

Un premier titre, « 2 AM Thoughts«  dévoilé en octobre dernier avec Dool en featuring, annonçait déjà un nouvel album sans concessions :  Saddiction.

À mon avis, celui-ci clôt une trilogie qui a commencé en 2018 avec « Banlieue triste », puis « A loner » en 2022. Un fil rouge est envisageable entre ces trois disques. Des ambiances différentes certes, les guitares de Julien Chanut, sont ici plus invectivées et nuancées. Reste quand même une lourdeur et un spleen qui sont tellement palpables. Dès l’ouverture avec « To know the night », qui place déjà la barre haute, puis supplanté par le titre « The worst is yet to come » et « In Disguise », instaurant une ambiance rock-doom puissante. Les lignes de cordes de la basse de Clément Hanvic, comme sur scène, sont impériales et font écho à Mehdi Birouk Thépegnier derrière la batterie. Cédric Toufouti nourrit son chant de nuances pour garder ce côté distant avec les autres instruments.

Saddiction est bien le dernier acte d’une trilogie, comme cela fut le cas pour The Cure, avec Pornography, Disintegration et enfin Bloodflowers. Magistralement mise en images par Nick Wickham dans le DVD éponyme : Trilogy Live – Berlin.

Que dire de plus sur les titres « Canvas », « Neglet », « 44Y0D » et le titre final « Healed » ? Si ce n’est qu’ils résonnent dans les barres d’immeubles comme les sirènes de la police ou des pompiers durant la nuit et clôturent un magnifique album.

NEON KNIGHT

Encart pour le nouvel album – Nuclear Blast Records – 2025

Les pochettes du groupe ont toujours eu du sens, quel que soit le médium utilisé, illustration, puis la mise en page graphique. Depuis A loner, l’utilisation de la photo permet une approche plus directe, plus contemporaine. C’est toujours la solitude et sa violence qui sont représentées.

Dans Saddiction, cette violence est urbaine dans ce qu’elle a de plus architectural. Les barres d’immeubles, ces grands ensembles qui dénaturent nos villes. Des « grands ensembles » restent uniquement les mots d’architectes hors sol, précipités par le renouveau de l’après Seconde Guerre mondiale, l’industrialisation des villes et des personnes qui travaillent dans les usines. C’est-à-dire la classe ouvrière, puis avec l’immigration des années 50, qui donneront les bidonvilles (Nanterre, Lyon par exemple) afin de parquer les « têtes vis et bleu de travail » leur promettant un avenir différent. Où j’ai grandi, un immeuble c’était dans le meilleur des cas : 7 étages avec 6 appartements : soit 42 logements, cela fait 170 personnes qui « vivent » ensemble. Multiplié par le nombre d’immeubles pour créer une « cité » (ce mot est tellement galvaudé par rapport à son sens d’origine).

Triste constat de solitude pour une habitation regroupant des milliers de personnes. Autant de lumières que de familles, des personnes différentes dans leurs origines, santés et opinions. Pourtant séparés, isolés, par des tonnes de béton et d’acier qu’ils finissent par partager fatalement. Et enfin conclure, pour certains, sous un abribus, étant le seul « chez soi ».

La violence est là, elle n’a jamais été magnifiée par le groupe dans l’accumulation des clichés du métal, à savoir : crâne, sang et autres artéfacts du style.

L’utilisation du néon comme support graphique actuel est très bien. C’est une signalétique urbaine dans ce qu’il y a de plus simple et compréhensible par tous. Le groupe et leurs morceaux, sont inscrits dans leurs quotidiens : la ville, la nuit, le monde et ses merdes, la tristesse, le spleen, et pourquoi pas revendiquer un idéal ?

Et pour finalement exploser à notre figure.

Pour le prix de deux pintes en happy hour à Paris (oui, je sais, c’est Paris), je vous recommande l’acquisition de Saddiction pour éveiller tous vos sens. Le groupe est actuellement en tournée dans toute la France avec des dates sûrement à côté de chez vous. N’hésitez pas, sur scène, c’est lourd et c’est bon.

Cet article est dédié à Théo, pour le concert, nos échanges autour des groupes, la bière et le portable.

Ekimr



LIENS

Bandcamp : Hangman’s chair

Illustration de l’article : Mike Rouault