L’humeur n’est définitivement pas au beau fixe en cette fin d’année. L’époque semble farouche, mais rien n’est jamais perdu. Le premier opus de Tasty Freaks est là pour nous le rappeler. 2015 : l’aventure commence par la rencontre de trois musiciens amoureux de « Funk Rock ». 4 ans plus tard, 2 EP et plus de 120 dates à leur actif, “Wake up Call” est là. Il s’ouvre sur un paquet cadeau sombre et puissant, enrubanné de rêves et de fureurs, grinçant des dents, où les cordes vocales de Julien Karpi (chant) s’égrènent fébrilement de morceau en morceau en véritable catalyseur, accentué par les émotions multiples et les accords de guitare, basse, batterie. C’est une montée en puissance dans les nuages, lente et inexorable, où l’espoir est de rigueur, même dans les cris de cendres et les larmes chaudes d’une société où le consumérisme est devenue la norme.
Comme un road trip à la Red Hot Chili Peppers, qui noue tout dans un raz de marée inéluctable. Nous en devenons les spectateurs, lentement et merveilleusement submergés par les explorations sonores du trio. On ne sait lequel des six titres est le plus implacable dans cette histoire. Sans doute que l’ensemble l’est !
Julien nous accorde la faveur d’un échange éclairant sur leur univers !
Tout d’abord, pourquoi avoir choisi ce titre « Wake Up Call » pour votre nouvel EP ?
Le titre « Wake Up Call » est arrivé sur le tard dans le processus de production. On avait presque tous les morceaux composés quand on a trouvé ce titre. Là où le dernier EP « Walkabout » faisait référence au rite aborigène consistant à un long voyage d’initiation, on peut considérer que « Wake Up Call » est le retour à la maison/raison de ce voyage. Et ce n’est qu’après avoir pris du recul qu’on peut se rendre compte de tous les mécanismes rouillés qu’on ne voyait pas avant car on passait tous les jours devant ; autant dans notre société que dans nos vies personnelles. Et c’est ce qu’on essaie de décrire au mieux dans tous nos morceaux, avec notre point de vue.
Quelles étaient vos idées de départ avant la sortie de cet album ?
D’un point vue strictement musical, on voulait être plus efficaces, faire des morceaux plus directs, plus incisifs. On voulait vraiment développer nos mélodies. C’était l’objectif de départ. Après on a développé notre style autour de cet axe de travail. On voulait mettre le chant plus en avant et que les instruments soient à son service, tout en ayant la place de pouvoir s’exprimer. On a du faire beaucoup de concessions et ça n’a pas été facile mais avec le recul on est contents de s’être quand même tenu à notre idée de départ.
De quoi parlent vos chansons en général ?
Difficile de synthétiser 6 textes mais on peut dire que ça parle de « prise de conscience ». C’est un sujet à la fois très personnel mais qui touche également tout le monde, à sa façon. ça parle à la fois des apprentissages que l’on fait à travers les épreuves de la vie, qu’il y a des moments pour tout et que ce n’est pas grave de se tromper ou d’avoir mal. On se retrouve avec des textes assez bipolaires entre chaque chanson ! « Frenzy » et « Blue Duck » sont à la première personne dans le rôle d’un maniaco-dépressif qui pour l’une, veut tout casser sans réfléchir et pour l’autre, se noie dans l’oisiveté. Alors que « After Winter’s Cold » et « As Long As We Grow » sont plus descriptifs et fatalistes ; parlent des retours à la réalité qui nous extirpent de nos routines ou de nos torpeurs. Enfin avec « Get myself Up » et « Wake Up call », on est sur des textes plus engagés et lanceurs d’alerte. Ces deux morceaux, à leur manière, insistent sur le fait qu’il faut s’intéresser aux choses, que tout n’est pas noir ou blanc mais que les inégalités sont bien réelles, qu’il est important de se lever pour son prochain et que les sentiments de colère et d’injustice ne sont pas à contenir.
Est-ce que chaque membre apporte au groupe un style propre ou est-ce plutôt une vision commune de ce que vous vouliez obtenir ?
Dans notre groupe, chaque membre apporte son style personnel tout en étant d’accord sur la direction générale à adopter pour le groupe. Dans les faits, ça se traduit souvent par l’un ou l’autre des membres du groupe qui, en proposant tel couplet ou tel refrain, qui lui ressemblera, va impulser un changement de direction à un morceau qui est entrain d’être composé. Par dessus, on termine l’arrangement des morceaux systématiquement à trois, ce qui assure une couleur cohérente malgré des styles de prédilection propres à chacun.
Et comment avez-vous travaillé pour l’écriture de vos chansons ?
J’écris la grande majorité des morceaux dans mon studio en partant de lignes de basses ou de riffs de guitares. Puis, quand j’ai une ébauche de couplet/ refrain, les pistes font des allers-retours avec Antonin (basse) qui ré-écrit les lignes de basses. On ajoute assez vite une batterie virtuelle et quelques synthés pour se rendre compte du potentiel. Généralement, ça nous donne de l’inspiration pour ré-écrire des parties ensuite. Dès qu’on a une ébauche cohérente, on amène ça en studio de répétition où l’expertise théorique et technique de Yoann (batterie) nous aide beaucoup pour l’arrangement. Et pour quelques parties comme l’intro de « Wake up Call » ou certains ponts, on a d’abord enregistré en studio une base rythmique basse/batterie, puis on a fait tout le travail de recherche en production après. C’était un pari risqué mais on est très content du résultat au final !
Combien de temps avez-vous passé pour l’enregistrement ?
On avait 8 morceaux à la base et pour ces 8 morceaux, les enregistrements batterie nous ont pris environ 4 jours car on enregistrait souvent plusieurs versions de certaines parties pour pouvoir essayer plusieurs directions. Pour tout le reste, c’est très difficile à quantifier car on a tout enregistré chez nous et on faisait tout à distance avec notre directeur artistique. Mais de l’enregistrement de la première ligne de basse à la fin du mixage, il s’est passé 2 mois environ. Et pendant ces deux mois, on a enregistré les basses, les guitares, les percussions, la prod, les voix et on a également ré-écrit pas mal de parties. Après, si on s’intéresse à la période totale de travail sur cet EP, on est plus proches des 9 mois de production, de janvier (pré-production) à septembre (mastering final).
Vous avez récemment tourné le clip de votre 1er single « Get Myself Up »… Comment cela s’est-il passé ?
Ça s’est passé de la manière la plus naturelle qui soit. On a fait avec ce qu’on avait. Et comme on a eu très peu de temps pour préparer le clip, on n’avait pas grand chose ! On s’est fait prêter une caméra très récente et on avait a disposition un lieu avec une scène et de l’éclairage. C’est Antonin qui cadrait la plupart du temps et on était que 2 sur la moitié du tournage. Je pense qu’on ne peut pas faire une équipe plus réduite ! Je réglais les lumières tandis que lui apprivoisait l’ensemble de la caméra. Bref, on a fait double emploi pendant 2 jours. C’était pas mal de stress pendant la préparation car on se demandait vraiment comment on allait réussir avec si peu de moyens. Et puis une fois qu’on y était, on a décidé de ne pas trop se prendre la tête et de « faire » plutôt que de trop réfléchir. Au dernier moment, on a eu l’idée d’ajouter ces losange et rectangle lumineux dans le décor du clip, ce qui donnait tout de suite du relief à l’image et un fil directeur niveau décoration ; ça nous a permis de remplacer tout le matériel lumière qu’on aurait bien aimé avoir mais qui tombait hors budget !
On peut trouver des sonorités rock 90’ sur des titres comme « Blue Duck » et « Get myself up » alors que « Frenzy » lui est plus funk : est-ce qu’incorporer des styles aussi différents sur vos morceaux vous inspire ?
La question des styles de musique est toujours très subjective. Certains vont trouver Frenzy très hip-hop, d’autres très typé RATM et d’autres très Red Hot. ça dépend énormément des influences que l’on a. En revanche la sonorité 90’s, on est en plein dedans et on n’y peut rien car c’est le résultat de nos influences ; on a grandi en écoutant des groupes qui sonnaient comme ça.
On a essayé de reprendre quelques codes tout en modernisant au maximum notre son. Et bien sûr, c’est inspirant, être à la limite entre rap et chant, -voire du slam- et avoir des couplets Basse/ Batterie/ Rap c’est un exemple de ce qui nous fait vibrer !
Il y a de l’amour et de la révolte dans vos morceaux. Vous avez plus de choses à nous raconter à ce niveau-là ?
Je pense que ce sont 2 sentiments à la fois très différents et très proches. L’Amour peut créer une révolte et la révolte peut permettre de trouver de l’Amour. Il faut se battre pour ce qu’on aime et on a grandement besoin d’amour. Il faut de l’amour pour pouvoir se battre et on a grandement besoin de le faire. Sur beaucoup de points.
Vous avez récemment fait une release party au Bus Palladium…. Comment c’était ?
Assez incroyable, et un grand soulagement ! C’était l’accomplissement de longs mois de travail. Et quand on part de rien, avec aucune aide, on doit tout apprendre en faisant. Donc ça été une grande délivrance quand on est montés sur scène, ça a mis un point d’orgue à toute la démarche de sortie d’EP, et on a exorcisé toutes ces pressions pendant une heure sur scène avec les gars.
Le public s’était déplacé en nombre ce soir-là. On a eu une audience super réceptive. Les deux groupes qui ont ouvert pour nous ont fait un super travail. Une très belle soirée, on a hâte de remettre ça à Paris !
Qu’est-ce qui vous touche particulièrement lorsque vous êtes en live ?
Je pense qu’on a tous les trois des approches différentes du live. Moi ce qui me touche particulièrement, c’est le lieu. Je suis assez sensible à l’ambiance de la pièce, à l’acoustique évidemment et à l’énergie du public. Et souvent ces 3 critères sont étroitement liés. Et là je pense que je peux répondre pour tout le monde, on apprécie beaucoup plus de jouer et de donner au public quand le public nous renvoie son énergie. Je préfère jouer devant 5 personnes à fond que devant une salle comble qui n’écoute pas. Parmi les choses qui nous touchent, il y a aussi ce truc un peu magique d’être sur scène avec deux copains et de pouvoir jouer la musique qu’on a écrite ensemble. On est très chanceux de pouvoir faire ça, et parfois on le ressent en un éclair ; un truc fugace, quand on est sur scène et qu’on lève le nez de nos instruments.
Est-ce que l’idée de faire un titre entièrement acoustique vous tenterait ?
On a pas mal de fois arrangé nos titres en version acoustique, c’est un exercice auquel on s’adonne souvent. De là à en enregistrer un, pourquoi pas, si la version nous plait à tous. Mais ce n’est pas vraiment notre priorité. Le titre « After Winter’s Cold » est une adaptation d’un morceau acoustique (guitare-voix, au départ). On a fait le choix de le faire à la sauce Tasty Freaks et ça a été une des plus grosses surprises quand on a entendu la première version mixée ! On était à deux doigts de l’enlever du CD à ce moment là et on a tous sans exception changé radicalement d’avis !
Et la suite maintenant ?
Vers l’infini et au-delà ! Sans rire, on aimerait jouer un maximum, devant un public nombreux, et vivre de belles expériences ! Rencontrer d’autres groupes, artistes, faire la tournée des festivals, rencontrer des partenaires professionnels avec qui améliorer notre musique. Il y a tant à faire et seulement 24h par jour ! En tout cas dans un premier temps, priorité au live !
Stef’Arzak
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