PORTRAIT DE PHOTOGRAPHE : ANNE MARZELIERE

La photographie s’insère parfois au milieu d’une vie, avec une certaine forme de musicalité prégnante entre rock vigoureux et sensualité charnelle, sans en être pour autant l’objet principal mais un catalyseur. Pour notre amie Anne Marzeliere, cette ouverture était sous-jacente et rougissante. Mais aujourd’hui, pour elle, il s’agit déjà d’une grande aventure qu’elle raconte et transmet par ses objectifs, ses modèles, ses envies, ses découvertes qui rythment une vie… Cette histoire d’amour avec la photo s’articule autour d’une danse musicale, devenue fédératrice. Apte à rassembler les regards rigoureux et amplifiés constamment depuis quelques années, dans les backstages des salles de concerts ou dans les quartiers populaires, que ce soit autour du portrait d’une vedette ou d’un corps anonyme en déploiement, Anne nous transporte dans un plaisir tumultueux.
Aujourd’hui en mettant en valeur cet œil, elle dévoile une intimité sans filtre et ainsi nous permet de mieux comprendre ses petits bouts d’histoires.

Comment et à quel âge est venue la passion de la photographie ?
J’ai intégré l’École des Beaux-Arts de Rennes en 1991.
J’étais déjà très attirée par le graphisme, la PAO et accro aux pochettes de disques !
Une époque en plein effervescence du design graphique, j’étais totalement admirative du travail de Vaughan Oliver pour 4AD ou Peter Saville pour la Factory Records : des identités visuelles fortes, et un esthétisme très abouti !  
Ma passion pour la photographie s’est révélée plus récemment comme une évidence et me permet d’exprimer un imaginaire très riche.

Qui étaient tes références à l’époque ?
Fascination pour l’univers bouillonnant de la Factory, le loft et les concepts d’Andy Warhol. Le son du Velvet Underground résonne encore, de cet endroit d’où on entre anonyme et d’où on sort « Superstar ».
Produire du mythe, voilà qui était absolument génial !
Je me souviens de l’importance de la presse musicale, des fanzines, et de l’arrivée des vidéo clips :
Flash absolu sur Anton Corbijn, un vrai choc esthétique !

Et avec quel “Matos” as-tu commencé ?
Mon fidèle reflex Nikon et sa collection d’objectifs, je privilégie la focale fixe en 35 ou 50mm. J’aime beaucoup la notion d’écriture en photographie (du grec, écriture par la lumière).
Dernièrement j’ai craqué sur un petit bijou argentique, un Olympus focale 50mm, c’est un autre monde qui s’ouvre, d’autres plaisirs, tu travailles ton cadrage, ta lumière, tu réfléchis davantage avant de déclencher.
Le processus du développement est super excitant, la révélation !
Un tirage photo c’est comme un vinyle, il y a du grain, de la matière vivante.  
D’ailleurs je vais monter mon petit labo pour développer mes films. 

Est-ce ton activité principale ? 
C’est ma grande passion, je suis photographe auteur, très attachée à ma liberté.
J’ai un autre job à côté, et je consacre mon temps libre aux mojitos et aux concerts !

Pourrais-tu me décrire ta séance photos la plus insolite ?
J’ai obtenu une autorisation de la ville de Rennes, pour privatiser le bassin de la Piscine Saint-Georges (classée monument historique) pendant 15 minutes le temps d’un shooting.
Timing rapidement devenu serré car les jeunes n’étaient pas pressés de sortir de l’eau, la modèle qui posait étant une vraie naïade 😉

La séance photos la plus chaotique ?
Celle du manoir abandonné, visité avec des amis lors d’une sortie urbex !
J’ai décidé d’y retourner pour un shooting avec deux modèles.
Garée à l’arrache, avec un pied de micro à trimballer, et bien sûr la trouille de se faire choper, bref tous les ingrédients réunis pour cette romance gothique, certainement l’un de mes shootings favoris !

Ta plus grande fierté ?
A coup sûr quand mes modèles se trouvent “beaux” c’est mon plus beau cadeau !
Je suis bénévole auprès de la Fondation Le Refuge qui héberge et accompagne les jeunes LGBT. J’ai animé des séances autour du portrait et du questionnement identitaire, où quand la photo devient thérapie… Emotionnellement c’est très intense et cela donne du sens à ma pratique.
Et pour finir, voir mes photos publiées dans la presse ça compte aussi bien sûr ! Et quand c’est dans Persona, comme dernièrement, alors c’est l’émotion ultime.
Cela donne de la visibilité à mon travail et provoque de nouvelles rencontres et collaborations.

Ton plus grand rêve serait de photographier qui ?
Je suis passionnée de musique, et depuis toujours je suis plus à mon aise coté backstage que photo de scène.  Je fantasme sur le road trip en général, alors accompagner un groupe en tournée serait une expérience à vivre.
Etre au plus proche, capturer la route, les motels, les bières et la fatigue. 

Qu’est-ce qui te plaît dans cet Art ?
Incontestablement la part de rêve avant, pendant et après mes shootings.
Il existe autant de catégories en photographie qu’en peinture ou autre discipline artistique et si certains font du témoignage social ou du reportage, moi je scénarise des fictions, de la romance, des fantasmes aussi…
J’adore la rencontre frontale, les cadrages serrés, l’intimité.
Les thématiques de l’attente, du désir ou de la route sont très présentes dans mon univers. On baigne dans une certaine idée de la sensualité mais je crois qu’il s’en dégage aussi de la matière sombre.
La musique m’accompagne toujours quand je photographie, si une chanson m’obsède ça bouillonne vite, cet hiver c’est le titre “Slowly Goes the Night” de Nick Cave qui m’a inspiré un mélo amoureux.
En ce moment, mon esprit vagabonde autour de la chanson ” M ” des Cure..
Je préfère le noir et blanc pour sa puissance émotionnelle et j’aime les contrastes qui claquent !

Qui sont les photographes contemporains dont tu apprécies le travail ?
Je suis fascinée par la photographie contemporaine japonaise, Daidō Moriyama et ses contrastes puissants, ses déambulations nocturnes.
Mais aussi le journal privé aussi trash que sublime de Nobuyoshi Araki.
Dans d’autres styles, j’ajouterais Nan Goldin et Peter Hujar pour leur approche de l’intime, Todd Hido pour l’onirique et la solitude, et enfin, Antoine d’Agata et son travail instinctif, brutal, organique, qui m’attire beaucoup.
Autant que les grands classiques de la mode créatifs et sophistiqués : Ellen von Unwerth, Peter Lindbergh, Helmut Newton, et Jacques Olivar, que j’affectionne particulièrement.
Et pour moi la référence qui mêle photographie, la mode et le rock c’est Hedi Slimane, je suis vraiment fan de son travail.  

Ton actualité du moment, et tes projets ?   
Des portraits d’artistes pour le webzine @Lust4Live entre autres, et à suivre pour l’été une fiction palpitante dans le monde des stations-services la nuit…
Un remake de Zabriskie Point m’obsède aussi, je ne manque pas d’imagination.
En ce moment je travaille sur une la réalisation d’une vidéo mais c’est encore top secret !
Au long court un projet d’exposition personnelle, je rêve d’un format slideshow à égale distance entre la photographie et le cinéma.
Avec de la musique ! Comment faire autrement ?

Site Internet d’Anne MARZELIERE : https://www.annemarzeliere.com/

PS : Merci @lolo-patchouli pour ton aide précieuse