PHILIPPE LEVY – BIGGER THAN LIFE

Qui n’a pas rêvé devant un poster ? Une couverture de magazine ? De se retrouver dans une rue parisienne avec Björk pour son premier album solo? Avec Tricky dans la chambre d’un hôtel prestigieux ? De fixer à jamais cette rencontre, cet instant ? Qui n’a pas rêvé de prendre lui-même cette photo ? Philippe Levy l’a fait pour vous. Mieux, il en a fait son métier. Ou comment une passion devient une profession.

Il a été honoré à juste titre, lors du gigantesque festival Rock en seine en 2005, pour une magnifique expo qui sublimait ses choix artistiques, ses lumières et son angle de vue unique, ses visions sur ses artistes rencontrés comme Kurt Cobain

C’est lors de la 3èmeédition du Biches festival que nous l’avions rencontré en juin 2018.

De noir vêtu, discret, pas forcément à l’aise pour se raconter lui-même. Il a conservé son âme d’adolescent, toujours curieux, prêt à découvrir des nouveaux venus dans le grand tourbillon de l’univers musical. Retour sur un itinéraire de vie pas banal.

Tout a commencé à 13 ans grâce à un ami, qui bosse aujourd’hui dans les statistiques financières en Angleterre, et qu’il voit toujours, mais qui à l’époque l’initie à la photographie et au développement. Premier appareil entre les mains. La découverte d’un monde, d’un autre monde.
« Je développais dans la salle de bain familiale le jour ou la nuit, et malgré les odeurs, les parents étaient contents, personne ne râlait, j’étais un bon élève… enfin, si je me souviens bien (rires)… »

 

C’est ce même ami qui l’emmène voir à 14 ans les Clash à Mogador et les Cure pour la tournée Pornography. Le choc ! Et très vite, ce sentiment que musique et photographie seront très liées dans son quotidien. J’ai très vite collaboré à des fanzines…

Son rapport à la musique aurait pu passer par un instrument.  Il aurait pu être musicien, il y avait d’ailleurs un piano à la maison, mais il était médiocre, incapable de reproduire un son… Par contre, ne vous aventurez pas pour un blind-test avec toutes vos économies comme fortune face à lui… Vous y perdriez tout car il reconnaît une chanson dès la première note…

Finalement, j’ai trouvé ma place dans la musique grâce à la photographie.

Adolescent curieux, passionné de contre-culture, qui lisait Métal Hurlant, les écrivains américains : Kerouac, Burrows, K. Dick. « J’aimais ce positionnement décalé que l’on retrouve dans le rock, le cinéma, la musique et la littérature. »

Après avoir collaboré avec des fanzines durant son adolescence, le grand Philippe de 22 ans crée le sien, et grâce à lui, à son exigence et son œil si particulier pour saisir une rencontre, débute au magazine Best, puis plus tard à Magic et aux Inrockuptibles, entre autres…

L’épreuve de feu où les choses sérieuses ont vraiment commencé, c’est en 1991. Les Etats-Unis sont sur le point d’envoyer des F-14 Tomcat sur l’Irak; en Europe, après la chute du mur de Berlin, c’est l’embrasement dans les Balkans. On l’envoie à Houston pour faire la couverture de Best avec Metallica pour la sortie de leur Black album. On est à quelques heures d’un concert légendaire. Il prépare l’endroit pour le shooting, les éclairages et là, gros problème : le groupe est assis sur un canapé !

« Moi, ma couve est verticale et là, s’ils ne bougent pas, ça reste horizontal, panoramique. Les groupes que je voyais à Paris, je les faisais sortir de l’hôtel mais là, le tour manager me dit : Les mettre en extérieur ? Les faire se lever ? Mais tu rêves ! Du coup, je n’ai pas réfléchi, je les ai engueulés, c’était énorme ! Et finalement, d’être détaché, ça m’a sauvé. En même temps, je jouais ma carrière et ma vie, c’était ma première couverture; si je ne revenais pas avec une bonne photo, on ne me donnerait pas une seconde chance… Finalement, j’ai obtenu ce que je voulais… Après la séance, j’ai eu le droit de suivre le groupe et d’arriver en limousine directement dans les loges du stade avec deux membres du groupe … c’était incroyable, un grand moment. »

Après le concert, ils sont venus s’excuser. Ils étaient stressés. Il a même eu l’opportunité de faire des portraits que lui a racheté la maison de disques pour le concert de Bercy à Paris ! Mais bon, je ne suis pas sûr que je serais capable de le refaire, dit-il dans un grand rire.

Être fan dans ce métier peut apporter des déconvenues. Avoir cinq minutes pour réaliser un portrait, ne pas pouvoir entamer une conversation avec un artiste, son idole, c’est frustrant.

Et puis parfois, il y a des petits miracles. Le groupe R.E.M est le groupe du moment. Une séance photo avec son chanteur Michael Stipe est organisée. Les photographes sont à la queue-leu-leu. C’est son tour : l’attaché de presse m’avait dit 3 mn… Et ça a duré 20 mn !!! On n’a pas parlé pendant la séance, c’était un moment magique, l’attaché de presse n’osait pas intervenir, nos corps étaient assez semblables, comme un miroir. Parfois je me dis qu’un portrait, c’est aussi un auto-portrait. Un regard, un geste, un état de grâce, c’était fabuleux, le temps était suspendu.

« J’ai adoré comment tu bougeais quand tu m’as photographié me dit-il avant de me quitter. J’étais aux anges.« 

« Pour une séance photo, il faut toujours préparer un truc, mais aussi être capable en 3 mn de changer parfois complètement ses plans. »

« Mon souvenir le plus cocasse, c’est avec Brigitte Fontaine; là je ne savais pas quoi faire. J’étais devant un mur de verre, de plusieurs épaisseurs; entre elle et moi, impossible de communiquer… Heureusement, Etienne Daho, qui produisait l’album de Brigitte, est arrivé à la rescousse et a sauvé la séance…« 

Et puis, des moments magiques, il y en a eu d’autres encore, comme cette journée entière avec les Beasties boys dans leur studio loft, à Los Angeles.

« Je les ai photographiés en train de jouer au basket, sur la rampe de skate, dans les escaliers de secours extérieurs, bref, le rêve ! Plus tard, je les ai revus à Lisbonne, mais là, photo call, une dizaine de photographes, on se croyait à Cannes, plus de magie…« 

A découvrir sur son site, ses nouveaux projets, pas seulement musicaux :
http://www.philippelevy.net/home/

SZAMANKA