PETER PERRETT, CE BIENFAITEUR DU ROCK

A l’heure où la Grande Faucheuse vient d’enlever dans la même semaine Roky Erickson, membre fondateur des 13th Floor Elevators (« We’re Gonna Miss You » mate !) et Dr John, figure de la pop de la Nouvelle-Orléans, on ne peut que se réjouir de la présence parmi nous du survivant Peter Perrett.

Frontman de The Only Ones, groupe de classic-rock / power pop, étiqueté « new wave », de 1976 à 1982, Perrett disparut ensuite de la circulation pour avoir trop souvent « mordu la ligne blanche » avec gourmandise et excès, pour finir cramé par l’héroïne. Il ne réapparaîtra, temporairement,que douze ans plus tard (en 1994) au sein de The One pour disparaître à nouveau puis revenir en juin 2007, alors qu’on ne l’attendait plus, avec un formidable album, « How The West Was Won » sur le label Domino Records.

Le Londonien (67 ans depuis le 8 avril) évolue dorénavant en compagnie de sa garde rapprochée familiale, constituée de ses deux fils : Jamie, brillant guitariste et Peter Jr. à la basse, de leurs compagnes respectives, Jenny Maxwell (synthétiseur MicroKorg, violon) et Lauren Moon (claviers), et de Jake Woodward à la batterie.

Il dit être positif en surface mais pas totalement libéré du passé, comme des adhérences sous la peau au moment d’une cicatrisation, la rendant moins mobile et moins fluide.

Il est certainement le plus bel exemple de résilience rock. Évadé de ses démons intérieurs, dans la dualité de l’Univers, entre optimisme et pessimisme, il a su reconstruire son interne, sa famille (sa femme Zina et ses deux fils) et se réinventer artistiquement.

D’où le titre de son nouvel album, Humanworld.

Esprit caustique, songwriting poétique, mélodies romantiques et voix singulière (que certains distraits auraient tôt fait de confondre avec celle de Lou Reed), la « Perrett touch » s’impose à nouveau sur le nouvel opus, pour notre plus grand bonheur.

Après plusieurs écoutes, les pépites apparaissent au grand jour. Le ton est donné dès l’entame avec « I Want Your Dreams » qui monte en intensité au fil des notes, avantageusement portée par les voix féminines. Après la planante « Once Is Enough », la voix de Perrett sublime « Heavenly Day », et l’on comprend déjà que ce jour céleste va nous guider vers le septième ciel.

La suite ne le dément pas : « Power Is In You » est LA mélodie parfaite. « Believe In Nothing » nous embarque, le violon de Jenny Maxwell prend aux tripes, avant que « War Plan Red », toutes guitares au dehors, menée tambour battant, ne délivre son message politique pour fustiger l’extrême-droite menaçante.

« 48 Crash » a des accents britpop ; avec « Walking in Berlin », c’est le troublant retour du Velvet Underground ; « Love’s Inferno » cristallise quant à elle les parfaites harmonies musicales du groupe.

« Master Of Destruction » est un autre monument rock de l’album, qui confirme le talent de compositeur de Jamie Perrett (qui fut un temps de l’aventure Babyshambles), avant que « Carousel « , chanson triste et empreinte d’une émotion palpable, ne vienne clôturer l’album.

« Humanworld » est un joyau dont nous ne saurons trop vous recommander l’écoute.

La presse musicale, toujours prompte à rechercher des analogies – « ça sonne un peu comme… » -, mentionne pêle-mêle Ride, The Verve, Jethro Tull, The Who ou encore Tom Waits. Des analogies que tous ceux-là ne manqueront pas d’apprécier, sûrement très flattés de figurer aux côtés de Perrett, ce génie créatif.

La mort ne gagne pas à chaque fois et nous lui saurons gré de s’éloigner pour le quart de siècle à venir de Sir Peter Perrett, ce bienfaiteur du rock.

Alechinsky.