Disons-le tout de suite : Perspective Shifts avec « How the Light Gets In« réalise ici un exploit. Celui de rendre l’obscurité lumineuse !
Pourtant, les trois allemands n’ont pas vraiment gardé la même recette de leur déjà délicieux précédent album « Parallaxe« en 2017, préférant y ajouter ici le supplément de piment de leur univers créatif théâtral qu’ils développent tout au long de cet opus.
La qualité est largement au rendez-vous, ce qui le rend encore plus succulent. Le groupe conjugue allègrement voix rauque, saxo puissant, lyrisme du piano et mélodies électriques. L’accent est aussi mis sur les textes sombres et poétiques, dans une parfaite alliance du muscle et de la sensibilité, avec des compositions aux envolées touchant tour à tour le bleu du ciel et le feu de l’enfer.
Les morceaux tels que « Milchglas« et « Stop & Reverse » illustrent à merveille cette dualité que le groupe maîtrise à la perfection. On commence par des arpèges superbes, renforcés par les notes sombres et mélodiques qui s’entremêlent superbement, avant que le tonnerre vocal de Valentin Brügger ne surgisse pour augmenter cette catharsis.
On retrouve à peu près le même schéma sur l’ensemble des 8 titres de l’album. « Flower Bulbs« nous convie à un cheminement d’apparence plus calme jusqu’au dernier mais certainement meilleur morceau, « Raven Song« .
Perspective Shifts joue la carte de l’efficacité sur la longueur, avec des durées oscillant entre 4mn et 13mn. Rien n’est laissé au hasard pour autant. Les pièces s’installent, semant le trouble dans l’obscurité, avec ce qu’on imagine être des rêves en arrière-plan, ne pouvant être formulés que par petites touches qui posent une émotion vaguement indifférenciée, emprunte de liberté et créant une atmosphère singulière.
Rien n’est visuellement stable et tous les signaux semblent ignorer leurs précédents dans une probable insécurité qui œuvre là, tableau après tableau. L’ensemble de nos sens sont réquisitionnés en mode vision fixe écarquillée, dans une impossible quête de sécurité. Nous avançons à l’aveugle jusqu’à y voir jaillir la lumière de la cohérence, qui en fait une oeuvre globale magnifique et indéfinissable.
Le croisement des genres et de perspectives amples qui composent « How the Light Gets In« vient enrichir nos imaginaires sacrés dans leur soif insatiable.
Une telle oeuvre m’évoque les talents d’Oiseaux-Tempête ou, osons le dire, de Nick Cave par leur puissance aussi insolente que réjouissante.
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Stef’arzak