“Obi-Wan Kenobi” de Deborah Chow. Lost in the dark.

LA déception de cette année, en matière de série. Après le succès du “Mandalorian” et de “The Book of Boba Fett”, Disney se tourna, naturellement, vers l’un des caractères les plus emblématiques de la saga “Star Wars”: Obi Wan Kenobi. Soulever le voile de mystère qui entoure le Jedi durant sa retraite anticipée sur Tatooine, développer le lien qui l’unit à Dark Vador en dépit de la distance prononcée qui sépare les deux personnages, offrir aux fans l’origine de la phrase ” Au secours, Obi-Wan Kenobi, vous êtes mon seul espoir” via la jeunesse turbulente d’une princesse. Oui, il y avait de quoi remplir le cahier des charges de Lucasfilm et le cœur de milliers de geeks.
Mais à force de multiplier les spin-off et les déclinaisons d’univers connus, la firme aux grandes oreilles saccage l’aura qui nimbe les trois trilogies.
Car là où la réalisation vertigineuse de J.J. Abrams remédiait à un scénario anémique, ici, rien ne fonctionne. Le charme de Ewan Mc Gregor et son implication en tant que producteur exécutif ne suffisent pas à tirer “Obi-Wan Kenobi” vers le bas, le long de ces six épisodes désincarnés.
“The Mandalorian” proposait une relecture habile des aventures de Joss Randall (“Au nom de la Loi”), “The Book of Boba Fett” réhabilitait un méchant d’envergure en le dotant d’une conscience, “Obi-Wan Kenobi” enchaine les maladresses scénaristiques et les scènes malheureusement comiques. Cela commençait plutôt bien. Nous retrouvons notre ermite quinquagénaire, en proie au doute, dans un exil forcé. Les Jedis ne sont plus ou presque. Les rares survivants d’une époque révolue sont traqués, sans pitié, par des inquisiteurs Siths et Kenobi fait office de légende. Sur cette planète désertique, surveiller l’éducation du jeune Luke Skywalker sans intervenir auprès de ses tuteurs semble être le seul divertissement que notre barbu s’octroie. Son quotidien se résumant à des taches automatiques et purement pécuniaires.
Le retour de son ancien élève, désormais figure incontournable sur l’échiquier du Mal, et la protection rapprochée d’une fille de sénateur forceront notre anti-héros à sortir de sa réserve et à affronter son destin.
“Cours après moi que je t’attrape !”. Tel pourrait être le gimmick de cette production sans relief. Au petit jeu du chat et de la souris, la souris l’emporte une fois de plus au pays des billets verts, au détriment d’une histoire qui se voudrait haletante.
Aucun suspense (nous savons pertinemment que les personnages impliqués s’en sortiront, leur futur étant tracé dans un quatrième segment), aucun enjeu ( le kidnapping de la petite Organa sert juste à gagner du temps dans le déroulement narratif) et aucune surprise ( la venue de nouveaux personnages dans le bestiaire serviront, n’en doutons pas, à l’élaboration de nouvelles figurines pour Noël) ne traversent ce prequel.
Articuler un semblant de cohérence autour des grandes lignes de “La guerre des étoiles” et aider à la compréhension de liens tissés entre telle ou telle figure mythologique semble être la priorité de Kathleen Kennedy. Mais proposer un récit surprenant, gorgé de twists, de climax, de chausse-trappes et d’une réalisation audacieuse n’est pas prévu au programme de 2022 pour la Présidente.
Nous aurons, donc, droit à des moments de pure bêtise, où la jeune Leïa se cache sous la cape de son protecteur pour échapper à ses ravisseurs sans que personne-dans une foule compacte- ne soit surpris par cette “excroissance”, où notre Maitre Jedi détruit un péage alors qu’il aurait pu aisément le contourner par la droite et où Anakin, pourtant numériquement “relifté” semble beaucoup plus vieux… seulement quelques années après “La revanche des Siths”.
“Obi-Wan Kenobi” est l’aveu flagrant d’un échec. Une mécanique grippée par l’argent et le fan-service. Le constat d’impuissance d’une multinationale face à un projet pourtant fort prometteur en matière de développement scénaristique.
La plateforme annonce sept nouvelles déclinaisons autour de la franchise.
Il serait grand temps d’arrêter le carnage et d’employer des storyteller -et autre script doctor- de renoms avant de passer à la casse…en hyper-espace.

John Book.