Depuis leurs premiers pas musicaux dans un pub de Brighton, Sussex, en 2012, les cinq parisiens de Morning Robots – Romain Duquenoy (chant et guitare), Benjamin Hayoun (guitare), Jérôme Terroy (basse), Victor Duquenoy (batterie) et Sébastien »Beytey » Bouet (claviers) – n’ont de cesse de nous délivrer des joyaux pop-rock.
Morning Robots, c’est un sens inné de la mélodie, dans la veine d’Alex Turner (Arctic Monkeys, The Last Shadow Puppets), de Miles Kane (Little Flames, The Rascals, The Last Shadow Puppets) ou de Julian Casablancas (The Strokes). Des refrains immédiatement savoureux et très catchy, d’une efficacité redoutable, à l’instar de ‘’Shiny Laughter’’, ‘’Fall For You’’ et plus récemment du très rock ‘’Late-Night Show’’, sorti en avril 2017.
Leur nouvel EP 4 titres ‘’Nothing Like Tile For A Tango’’ vient de sortir. L’occasion pour nous d’aller à leur rencontre. Nous les retrouvons au Bar Le Fantôme, situé rue de Paradis, dans le 10ème arrondissement de Paris. Un nom de rue bienveillant et annonciateur d’une conversation animée et drôle, où l’on a parlé musique (beaucoup) et foot (passionnément)…
D’où vient le nom du groupe, Morning Robots ?
Benjamin : Morning Robots, ça collait assez à nos démarches un peu robotiques après une nuit d’été passée à faire la fête à Brighton. On voulait un nom composé. Je crois que c’est Jérôme qui l’a trouvé un matin.
Après plusieurs singles, vous venez de sortir un EP 4 titres dont le titre est ‘’Nothing Like Tile For A Tango’’. D’où vient ce titre ?
Jérôme : Le titre de l’album provient d’une réplique de Gloria Swanson à William Holden dans le film noir américain Sunset Boulevard (NDLR : Boulevard du Crépuscule, 1950, réalisé par Billy Wilder) : ‘’Valentino said ‘’There’s nothing like tile for a tango’’. Come on’’, l’invitant à danser un tango sur le sol en tommette. Je trouvais intéressante la dualité entre le son et la poésie du tango, et notre son rock sur l’EP.
Jusqu’alors, tous vos morceaux ont été réalisés dans le home-studio de Romain. Comment avez-vous travaillé cette fois ?
Romain : Nous nous sommes entourés de Vincent-Marie Bouvot (Unreal World Studio) et de David Cook (dans le style musical) pour l’enregistrement et le mix. Ils nous ont beaucoup apporté en termes d’arrangements et pour les effets sonores guitares. En plus d’être ingé son, Vincent-Marie est un musicien qui a sorti plusieurs albums plutôt électro à l’époque de la sound touch. Ça été une vraie chance de travailler avec lui. Une belle rencontre !
Benjamin : Pour le mastering, nous avons fait appel à Alex Gopher (Phoenix, Daft Punk, Air,…) du studio Translab.
Romain : Vincent-Marie et Alex sont de grands professionnels, ils ont une sacrée expérience et cette capacité à rendre les titres meilleurs, à les faire sonner comme on voulait. Le mastering a permis un son plus ample, au niveau de la voix et de la batterie principalement.
Jérôme : C’est nouveau pour nous de passer du côté DIY jusqu’alors à quelque chose de plus professionnel. Ça a créé une belle émulation entre nous. On est arrivés avec les maquettes et l’enregistrement a été bouclé en une semaine. On a beaucoup bossé en amont.
Romain : Victor nous a impressionné à la batterie : il a joué les quatre morceaux ‘’one-shot’’. La première prise a été quasi définitive à chaque fois ! Digne d’un batteur avec 40 ans de métier !
‘’Meet Me Later’’ donne le ton pop-rock dès le début de l’EP avec un classique voix/guitare/batterie. Est-ce une volonté délibérée d’avoir positionné ce morceau en track 1 de l’EP ?
Romain : L’intro, avec ce lancement synthé/batterie, s’y prêtait beaucoup. La composition du morceau rappelle ‘’Late-night show’’, notre précédent single, avec un riff puissant et une grosse guitare rythmique autour. Il résume bien la manière dont on voulait que ça sonne. On assume le son rock et péchu.
On a ensuite ‘’It’s Your Dimension’’…
Benjamin : C’est le seul morceau qui reste depuis nos débuts en 2012. Il marche bien en concert et c’est la première maquette qu’on avait à cœur d’enregistrer.
‘’You’re So Dreamy’’, comme son nom le laisse pré-supposer, est plus calme…
Romain : ‘’You’re So Dreamy’’ s’enchaînait bien après le final de ‘’Dimension’’, des notes de piano avec un long solo un peu psyché. L’intro voix/guitare un peu funky/batterie est directe, dynamique, lourde. C’est le morceau idéal en concert. Sur le refrain, on a mis trois guitares dont une guitare baryton sept cordes, avec une corde plus grave et la basse. Ça rajoute de l’impact sur le refrain. On a mis du temps à préparer ce morceau, la structure a beaucoup bougé.
Benjamin : Sur ce morceau, on voulait faire monter et descendre la pression, une cohérence, une respiration.
‘’The Dock’’ est plus pop et dansante, idéale pour les dancefloors…
Benjamin : Il s’agit de deux morceaux séparés au départ, devenus un seul par la suite. J’avais trouvé un riff de guitare qui sonnait comme une ballade, une boucle avec des effets un peu psyché ; le second morceau est devenu le couplet. La partie mélodique est finalement devenue le refrain.
Romain : On a essayé de trouver un équilibre entre les quatre titres, une ‘’cohérence éclectique’’ pour ne pas être dans l’ennui et ne pas sortir que du gros son rock qui tabasse.
Comment voyez-vous ces quatre nouveaux titres par rapport aux plus anciens ?
Romain : On est vraiment très satisfaits du travail effectué en studio. On a eu plus de temps aussi. Mais on est dans la continuité des choses. Comme pour ‘’Shiny Laughter’’ (NDLR : tout premier single du groupe), on a le refrain en boucle, avec des rythmes mid-tempo alternant avec des passages plus puissants. C’est ce qu’on essaye de faire.
Benjamin : Le rendu final est différent de ce qu’on a fait jusqu’alors. Sébastien nous a beaucoup apporté au niveau des arrangements, ça a débridé le groupe. Avant son arrivée, on se limitait. Avec notre configuration à quatre, si on n’arrivait pas à reproduire les sons de claviers en live, on ne les mettait pas sur le disque. Aujourd’hui, on ne se pose plus cette question. C’est un gros changement.
Y-a-t-il une musique que vous écoutiez ou qui vous a inspirés pendant l’enregistrement de l’EP ?
Romain : Pas particulièrement non. Pour ‘’Meet me later’’, on était à la recherche d’un solo de guitare et donc on a réécouté Neil Young parce qu’il a une manière inspirante d’aborder un solo de guitare.
Benjamin : Victor écoutait du rap pour la rythmique, et aussi des groupes comme Queen of The Stone Age et Royal Blood.
Romain : A vrai dire, on a essayé de faire du Morning Robots !
De quoi parlent vos chansons ?
Jérôme : Le backstage des lyrics ? Ce sont des paroles enjouées qui contrastent avec les sons et l’énergie qu’apporte le groupe. On y parle de souvenirs, de nostalgie… Je te rassure, je n’ai pas de traumatisme d’enfance…
Romain : Mis à part Conflans-Sainte Honorine ! (rires)
Benjamin : La batellerie est salvatrice ! (rires)
Jérôme : Avec Romain, on se connaît depuis le lycée. On se comprend.
Romain : Je m’imprègne des textes, je vis le truc… Cette complicité facilite l’interprétation… Victor découvre les lyrics à la fin. Il est plus intéressé par le rendu audio.
Comment tu décrirais la voix de Romain ?
Jérôme : La même voix que Robbie Williams ! (rires). C’est une private joke… Elle a un timbre particulier, elle est unique.
Romain : Jérôme est un véritable ‘’control freak’’ pour l’accent. Ça devient vite un blocage pour lui si l’accent tonique n’est pas mis au bon endroit du mot. David (Cook) qui est anglais, était en back-up si nécessaire. J’envoie des essais de mélodie en yaourt à Jérôme. Une fois le rythme du chant et la mélodie validés, il se met à écrire.
Jérôme : Cette manière de faire m’inspire pour les sonorités. C’est une base de travail pour les lyrics ensuite.
Vous avez déjà fait plusieurs belles scènes sur Paris (Supersonic, Bus Palladium, La Dame de Canton et l’International tout récemment). Quels salles et festivals vous font rêver ?
Jérôme : Glastonbury, Leeds, Reading… ça fait rêver. Le public là-bas est sensible au rock. À Paris, ça ne bouge pas toujours dans la salle, les gens sont plus réservés. On a le sentiment que c’est différent en province… Questions de restrictions dans les mentalités ?
Parlez-moi de l’artwork, quel est le symbole de la rose noire ?
Romain : La rose noire collait bien avec le titre de l’EP.
Jérôme : La signification des roses noires est liée à la perte d’une chose ou d’un être cher. C’est le symbole de l’amour perdu… en lien avec les paroles…
Romain : C’est aussi l’emblème de l’Angleterre, le côté dandy. La couleur noire, c’est celle du rock et du mystérieux.
Quel est le meilleur endroit pour écouter Nothing Like Tile For A Tango ? Et à quel moment de la journée ?
Jérôme : ‘’Meet me later’’ réveille un peu les morts (sic). Il y a une dynamique nocturne, un rendu live… Je dirais à la campagne, avec un gros volume !
Romain : En fin d’après-midi devant un apéro. Pour Victor, ce serait plutôt le matin, pendant une séance de musculation (rires). Et pour Seb, je dirais la nuit jusqu’à 5h du matin… et de fortes chances pour qu’il l’écoute avec Jérôme chez Jérôme ! (rires)
Benjamin : Plutôt le matin. Ou bien dans un avion, au décollage. Au moment de la poussée des réacteurs.
Les albums ou la chanson que vous emmèneriez sur une île déserte (genre l’île de Migneaux à Poissy entourée par les eaux et coupée du monde) ?
Romain : ‘’Thriller’’ de Michael Jackson. J’ai hésité avec ‘’Off the Wall’’. Pour son jeu de scèen, ses compositions exceptionnelles et pour le mythe du personnage. C’est le premier CD que j’ai acheté. Et bien sûr ‘’Is This It’’ des Strokes, l’un des meilleurs albums rock de tous les temps. Pour la voix de Julian Casablancas, la guitare de Nick Valensi, le son, la pochette,…
Benjamin : J’ai une consommation de la musique un peu particulière. J’écoute un album en boucle jusqu’à ne plus le supporter. Depuis ‘’In The Zone’’ de Britney Spears en 2003 jusqu’à Therapie Taxi en ce moment. MGMT, je ne m’en suis jamais lassé ; c’est un de mes groupes préférés. Je le redécouvre sous un angle différent avec le dernier album ‘’Like Dark Age’’. C’est le type de groupes qui m’accompagnent dans des moments de vie. Il faudrait un lecteur CD sur l’île déserte (rires).
Jérôme : ‘’(Ain’t that) good news’’ de Sam Cooke.
Sébastien : Je saigne la musique et l’album en vinyle (sic). Un disque qui me rappellerait mon enfance, un disque qu’écoutait mon père… ‘’Paris s’éveille’’ de Dutronc.
Benjamin : Personne n’a dit Oasis, pour s’abreuver sur une île déserte (rires)
L’interview touche à sa fin, avec une question importante : votre avis sur le PSG version Neymar et M’Bappé ?
Romain : On en a marre… On est déçus des résultats. Ça fait beaucoup de désillusions. En comparaison de clubs comme le Real Madrid, le Barça ou la Juve, où tu as le club, l’institution, et les joueurs ensuite, au PSG, tu as les joueurs d’abord, trop starisés, et le club ensuite. À Paris, l‘institution n’est pas encore assez établie, les mecs ne sont pas cadenassés.
À l’image des grands d’Europe en football, l’institution Morning Robots se la joue collectif, prête à gravir les échelons. Il est évident que leurs brillantes compositions ne resteront pas éternellement dans l’ombre. C’est juste une question de temps dorénavant.
Alechinsky..