“Mc Cartney 3, 2, 1” par Zachary Heinzerling. La Mémoire dans la Peau.

Série je t’aime. Série je t’adore. Nous pensions avoir tout entendu et tout vu. “Let It Be”, “Revolver”, ou “Please Please Me”. Les compositions aventureuses et leurs secrets. Les élucubrations d’un groupe modèle. La pop-music pour étendard et la révolution musicale au bout du chemin. Et bien non. Dans “Paul Mc Cartney 3,2,1”, tout n’est que surprise et découverte. Humilité et savoir-faire. Sir Mc Cartney s’entretient, donc, avec Rick Rubin face à une console et laisse remonter à la surface la fabrication de chaque chanson. Tel morceau (en groupe ou en solo) réactive instantanément son lot de souvenirs. Tel autre son flot d’émotions.

Et elles sont nombreuses, les anecdotes savoureuses lorsque l’on fait partie d’un des plus grands groupes de pop-rock au Monde !Au risque de vous en dévoiler quelques-unes, tout en vous incitant à vous pencher vivement sur cette mini-série addictive, voici certaines “perles” hallucinantes : “Un jour, je déjeune avec l’un des roadies et il me demande le sel et le poivre. Je comprends Sergent Pepper en place de Salt & Pepper. Je me dis que cela ferait un super titre de chanson !” ou encore : ” Je dois m’envoler pour l’Afrique afin d’enregistrer l’album “Band on the Run” avec les Wings et la veille, coup de téléphone. Aucun musicien ne souhaite venir. Que faire ? Tant pis, on prend l’avion et l’on se débrouillera ! Toujours transformer une contrainte en chose positive.” Une dernière évocation ? ” Je suis invité à un concert de Fela Kuti avec Linda et un ami. Et là, je pleure durant les premières minutes tant l’énergie qu’il dégage est incroyable. C’était fou. Plus tard, le soir, nous allons chez un ami et ceci, en dépit d’une mise en garde. Attention à ne pas sortir la nuit. Trop dangereux. Nous nous en moquions, nous étions des hippies ! Et, sitôt la soirée terminée, nous tombons sur un gang qui s’extirpe d’un véhicule. Je leur sors une phrase “à la mode Liverpool”-“Oh, c’est cool de vous voir ! Mais rentrez dans votre voiture, c’est ok pour nous !”-Rien à faire, l’un d’eux sort un couteau, Linda hurle, ils nous détroussent et nous volent les bandes démo de notre futur album. Là, on se dit que c’est fichu mais on a enregistré, tout de même, l’ensemble…de mémoire !”-“Est-ce que l’Afrique a influencé l’enregistrement de l’album ?” lui demande Rick Rubin. “Non. Nous aurions pu l’être, tout comme Paul Simon pour “Graceland”…mais non. Cela ne se ressent pas du tout…”.C’est, d’ailleurs, le seul bémol que je pointerai du doigt dans cet excellent documentaire : l’emploi de superlatifs par son interlocuteur, producteur certes intouchable… mais constamment ébahi.

Parfois, je me surprends même à imaginer un dialogue surréaliste entre ces deux figures du rock.” Mais, dis-moi, Paul, le fait d’avoir acheté un nouveau frigo blanc…?””C’est juste que…j’aime le blanc, Rick.””Waouh! Fantastique…Et ces carottes, elles sont bien placées dans le bac à légumes, Paul?””Oui, j’aime les carottes fraiches, Rick.””Waouh! C’est incroyable !”
Sens du poil et sans commentaires.


Heureusement, ces louanges-dignes d’un admirateur rencontrant pour la première fois son idole- sont rapidement dissipés par l’utilisation de travellings gracieux et d’une photographie en noir et blanc très contrastée. En ce sens, la réalisation de Zachary Heinzerling, toute en ambiance feutrée, sert d’écrin royal à ces confessions pudiques et amusées.Mr Mc Cartney est un gentleman. C’est avec beaucoup de délicatesse et d’admiration qu’il décrit ses anciens compagnons d’armes ainsi que la participation majeure de Ringo Starr dans l’élaboration de leurs pop-songs. “” A Hard Day’s Night” est une expression de Ringo qui ne veut rien dire et tout dire, on adorait ses traits d’humour…George Harrison aurait pu signer le solo de “While my Guitar gently Weeps” mais il a laissé Éric Clapton prendre le relais. C’était vraiment cela, George, laisser les autres s’exprimer. Il avait cette élégance…Nous étions vraiment complémentaires avec John. George Martin s’occupait de la partie symphonique et nous venions avec une simple mélodie…”. Et ainsi s’égrènent les remémorations comme autant de révélations. Macca fut-il, un jour, en manque d’inspiration ? Ecrire une chanson intemporelle lui vient dans ses rêves, aussi naturellement qu’il respire. Et si la ritournelle persiste au matin, il la garde. Saisir l’air du temps au travers d’inspirations fugitives mais prégnantes, tel est son secret. A 79 ans, l’en-chanteur a fait la paix avec lui-même.  Après avoir longtemps souffert de la séparation du groupe (et de ses amis), le bassiste/ multi-instrumentiste/songwriter de génie s’est réapproprié l’histoire des Beatles et se déclare “fan” de sa formation.
Apaisé.
Le voir sourire devant la table de mixage, dodeliner de la tête à l’écoute de ses classiques ou fredonner “Penny Lane” est un cadeau inestimable. A n’en pas douter, “The Fireman” a le feu sacré et un sens de l’analyse prononcé. Souhaitons-lui une deuxième saison aussi enthousiasmante que cette mini-série d’exception.Qu’il nous laisse, derechef, pénétrer dans sa fabuleuse caverne d’Ali Baba!
“And if you want some fun, take Ob-la-di-bla-da!”
John Book.