Le chemin de la création est souvent tortueux, mais la disparition du chanteur Philippe Pascal avait définitivement mis fin au projet de troisième album de Marquis de Sade. Pour autant les musiciens ne se sont pas résolus à laisser les musiques enregistrées sans voix. C’est en rendant hommage à la famille musicale rennaise, et en ouvrant les rangs à un chanteur belge qu’est né Marquis.
Frank Darcel, auteur-compositeur-réalisateur et guitariste de ce nouveau départ le dit lui-même avec justesse.
“Le plus important pour nous, après le départ de Philippe, était que ces titres sur lesquels nous travaillions depuis si longtemps puissent voir le jour malgré tout. Finir l’album était un but en soi, au-delà de l’idée de monter un nouveau groupe.“…
Frank, invite d’anciens compagnons de scène dans l’aventure et pas des moindres, Étienne Daho, Christian Dargelos, Sergei Papail, Dominic Sonic, Daniel Paboeuf, et Marina Tchewsky. Tout en confiant le rôle du chanteur principal au jeune Simon Mahieu, qui avait déjà unanimement convaincu sur le titre “European Psycho” sorti sur le premier maxi 45t de Marquis en fin d’année.
L’album était attendu au tournant par beaucoup. Pour l’apprécier pleinement il était indispensable de l’aborder sans a priori et surtout pas dans l’attente de quelque chose de déjà entendu, réminiscence du passé. D’entendre autant de compositions actuelles avec cette forme d’héritage du temps sous-jacent. A la première écoute je dois bien l’avouer j’étais littéralement soufflé par le résultat.
Bien sûr les surprises viennent avec le sang neuf de Simon dans le rôle pas si simple de frontman, derrière le micro. Il est un atout indéniable et une trouvaille de taille. Quel charisme et quelle voix…
Mais aussi par l’ajout de chaque participant. Dominic Sonic et Étienne Daho en première ligne qui nous livre respectivement des témoignages poignants.
Frank : “Avec Étienne, Christian et Sergeï c’est toute une famille qui a embarqué pour ce voyage dans le temps, participé à cette légère distorsion de la réalité qui nous fait partager un projet avec nos anciennes idoles.“
Il y a également, en duo avec Simon, Marina Keltchewsky chanteuse du groupe Tchewsky and wood qui avait fait la première partie de MDS au Liberté pour le concert de reformation. Pourquoi cette envie ?
Frank : « J’avais très envie d’entendre une voix féminine sur Brand New World. Cela fonctionne vraiment bien je trouve, d’autant qu’il y a une sorte de gémellité entre leurs timbres.«
L’album a été enregistré entre la France, la Belgique et les USA, autant dire que la production en était que plus complexe ?
Frank : « Les gens du label LADTK ont été très efficaces et chez Caroline/Universal, qui distribue, ils ont été là quand le besoin s’en faisait sentir. Il était important d’aller enregistrer les invités dans leur milieu naturel, d’abord parce qu’ils y sont plus à l’aise, mais aussi parce que cela permet de s’imprégner des lieux. Voyager pour un projet musical est très gratifiant, ça a le parfum de l’aventure et cela ressemble encore moins à du travail. »
Entendre Dominic et Simon en duo sur « Ocean » magnifique reprise du velvet que Philippe Pascal aime tant. Les voix tremblantes, puissantes, la réussite en est d’autant plus irrésistible. L’exercice était forcément difficile ?…
Frank : « L’album est dédié à Philippe Pascal ainsi qu’à Dominic Sonic, sans oublier Frédéric Renaud et Henri Abega, autres membres de Marquis de Sade qui nous ont quittés. La chanson qu’Étienne interprète Je n’écrirai plus si souvent est dédiée également à Philippe…
Nous n’avions pas collaboré en studio avec Étienne depuis près de 35 ans, et plus de quarante ans avec Christian et Sergei. Cela confirme que l’aventure du « rock rennais », au-delà de la musique, est une belle aventure humaine et Thierry, Éric et moi sommes très fières d’y participer.«
Au-delà du chant « Aurora » compte beaucoup de participants emblématiques dans le rangs des musiciens tels que Richard Lloyd, Ivan Julian, James Chance, Mac Golehon et James Stewart… Un casting de rêve qui révèle je suppose là aussi d’une persévérance à toute épreuve ?
Frank : « Philippe qui n’était pas venu à NY était très heureux qu’on ait ces invités et principalement Richard Lloyd. Quand il a écouté les sessions de guitares à notre retour, il m’a dit être impressionné par ce que ces musiciens nous avaient apporté. Pendant que je dirigeais les prises là-bas, il m’avait envoyé un mail demandant à ce que ces sessions soient le plus « électrique, barbelé et No New York » possible. J’étais sur la même longueur d’onde, d’ailleurs le solo d’Ivan sur Brand New World est dans cette veine. »
Frank chante aussi sur un titre « A Cidade Escondida » en portugais. D’ailleurs « Aurora » comporte plusieurs langages différents Français, Anglais, Portugais, Allemand, Néerlandais.
Frank : « Je me suis toujours senti profondément européen et je sais que les langues sont des ponts plutôt que des barrières. Parler plusieurs langues est une richesse et Simon est lui aussi polyglotte. Utiliser ces différents idiomes est logique puisque ce disque prône en plusieurs endroits l’identité européenne et l’ouverture d’esprit. D’ailleurs avec trois Bretons et deux Flamands (l’autre guitariste qui sera sur scène est un ami de Simon), nous n’avons jamais autant été un groupe européen ! »
« Aurora » est un grand album où les invités sont là dans une posture fraternelle qui augmente encore le plaisir de l’écoute. Mais attention pas de consensus ou de demi mesures, l’équilibre est là dans une exigence absolue de marquer les esprits.
La début de cette nouvelle aventure dessine déjà un contour qui dépasse aurore …
L’entretien complet avec Frank Darcel est a lire dans le numéro 14 de la revue Persona déjà disponible ici : https://www.personaedition.com/product-page/persona-n-14-hiver-2021