“Maniac Cop” de William Lustig. You’re under arrest

Dans la continuité de mon précédent article “revival”, je vous propose une plongée dans l’univers ô combien “crassoux” de Willliam Lustig et de son “Maniac Cop” datant de 1988. C’était le bon temps des VHS improbables, des projections “double programmes” dans certaines salles du 10ème arrondissement de Paris et d’une violence putassière teintée d’érotisme jetée en pâture à une audience consentante.

Revenons, donc, en cette décennie bénie où dans les salles de cinéma, une certaine candeur (au choix “Dirty Dancing”) pouvait croiser le fer avec l’horreur extrême et inventive (au choix “Réanimator” ou “Street Trash”).
Michael Jackson surfe sur les numéros 1 mondiaux avec son septième album, les bandanas et les reprises “soul” sortent du placard, Jean-Michel Basquiat tire sa révérence, Chet Baker nous noie dans un océan de pleurs et le Mur de Berlin est, certainement, sur le point de s’effondrer.
C’est dans ce contexte étrange et néanmoins toujours fantasmé ( nous ne ferons jamais le tour du vivier culturel qui émergea à cette époque) qu’un certain William Lustig contre-attaque.
Sa marque ? La critique d’une justice impuissante face aux exactions commises par des voyous, la description d’une ville comme nouveau terrain de chasse, le Mal qui se tapie chez le voisin d’à côté et les armes pour seule réponse.
A son actif ?
 Un putain de film culte prénommé “Maniac”.
Oui, oui, le “Maniac” que l’on entend dans la B.O. de “Flashdance”…référence troublante.
Mais j’y reviendrai plus tard.
Pour l’instant, c’est une série B au titre quasi-similaire qui est évoquée. 
Un flic zombie, une traque nocturne et des litres de sang.
Une réalisation sans relief mais efficace, une photographie annonçant ” la série “Hollywood Nights” (tu te souviens, coquin ?) et un casting sans grosse tête d’affiche.
Vous l’aurez compris, nous évoluons dans le bricolage pur jus. Les moyens de production sont limités mais l’inventivité est de mise.
Big Bill connait bien la chanson déjà entonnée par Roger Corman. Faire plus avec moins… et brosser le public dans le sens du poil pour mieux lui défoncer l’épiderme.
Encore et encore.
Dans sa manche ?
Deux “galops d’essais” pornographiques et un troisième opus conjuguant voyeurisme et crise sociale.
L’ère pré- Reagan hoquète des envolées réactionnaires ? William Lustig s’en empare goulument et donne au peuple ce qu’il demande : nihilisme et jeux de cirque.
“Maniac”, donc. Et l’incroyable Joe Spinell.
Car pour galvaniser les foules, il fallait un gladiateur imposant doublé d’un scénariste talentueux. “Maniac” est donc le produit d’un mariage réussi entre deux monstres sacrés mués par le même désir : secouer l’auditoire.
Joe Spinell, prince des seconds couteaux et de l’Opinel?  C’est surtout un témoin de son temps que la caméra de Mr Lustig a su saisir au bon moment.
L’ère est à la violence urbaine et Joe son prédicateur.
L’enfer, c’est les autres. 
Partout. Tout le temps.
Impossible d’établir un contact. Impossible de tisser des liens avec des victimes potentielles. Frank Zito (clin d’oeil à Joseph Zito, réalisateur de ” Portés Disparus”) cohabite avec des mannequins de cire, nous projette en pleine quatrième dimension ( épisode  “Le Neuvième étage”) et nous persuade que Maman a tort.
Hémoglobine. Voix sans issue.
“Mummy”, “Mummy”,…
Frank est un psychopathe terrifiant et New York un sac poubelle.
Instantanément, “Maniac” (et non son remake paresseux et bien trop glamour) remplit son contrat et accède au rang de film maudit.
Le film s’échange sous le manteau.
La VHS se rangeant précautionneusement à côté de celle d'”Henry, portrait of a Serial-Killer”.
Et le loustic Lustig?
Arborant sa nouvelle tenue de cinéaste sulfureux, William s’affaire déjà en cuisine. 
Il faut battre l’Enfer tant qu’il est chaud.
Son prochain “coup” versera dans la poursuite infernale et le “vigilante movie” option grand public…ou presque !
“Maniac Cop”!
” Maniac Cop” ou le mélange parfait entre la carne et le pop-corn, Ferrara et Ferrero. Du fun, du gore, un plaisir coupable immédiat et un climat des plus malsains.
Of course, William Lustig n’invente rien. Son flic revenu d’entre les morts fleure bon “Vendredi 13” et autres “Halloween”. Mais la distribution vaut son pesant de pesos, avec un Bruce Campbell (Ash to Ash) irrésistible en victime hyperactive et un Jake LaMotta (boxeur star et oncle du moviemaker) à contre-emploi en détective.
Family Affair.
Tout ce petit monde se connait dans l’univers restreint mais productif des productions fauchées mais heureuses !
Ainsi, Sam Raimi, grand Ami de Bruce et réalisateur fétiche de la trilogie “Evil dead”, fait une apparition en tant que journaliste. Echange de bons procédés, l’Ami Raimi  renverra l’ascenseur en offrant à son collègue cinéaste un rôle dans “Darkman” et “L’Armée des Ténèbres”.
Robert Z’dar-mutique à souhait et Larry Cohen, créateur de la série “Les envahisseurs”, signeront pour les trois opus de cette saga infernale.
 
Et  Jay Chattaway, compositeur fidèle et habitué du mauvais genre ( “Invasion U.S.A.” ou “Le Sorpion Rouge” de… Joseph Zito) serre la pince à Jean Michel Jarre et Bernard Hermann dans un déluge de bidoche.
“Maniac Cop”, c’est le tortur-porn décomplexé avant l’heure. Une traque à la matraque dans l’ombre de “Terminator”.
“Maniac Cop”, c’est Matt Cordell.
The initials: M.C.
MC Zonard versus vermines.
Cours après moi, Shérif.
“Chérie, qu’est-ce que tu regardes ?”
Des cascades au ralenti, des acteurs qui en font des caisses et Charles Bronson pour figure tutélaire.
Le bon, la brute, c’est bon enfant.
Je vous parle d’un temps…
Que demander de plus ?
Du “vrai” cinéma ? Eternel débat.
Si cette “pochade” est boudée par les cinéphiles, gardiens sans masques ni plumes d’un temple ébréché, c’est mal connaitre un “savoir-faire” pour l’efficacité à moindre coût. Il suffit de s’attarder sur une scène fabuleuse d’assassinat dans les douches de la prison où est enfermé notre géant pour s’en convaincre. Le transgressif William rend un hommage appuyé à Alfred Hitchcock et son “Psychose” jusque dans les tréfonds d’un siphon.
Montage nerveux, environnement poisseux, sacralisation des corps sous une pluie de sang et de coups, Cordell prend “chair”.
Et nos pupilles concupiscentes de s’écarquiller comme sous l’effet d’une drogue…
Il faut revoir “Maniac Cop”. Ne pas renier le cinéma de Papa.
1988.
En mon cœur, d’autres mœurs.
A présent que les plateformes disposent d’un catalogue de films “cash” et qu’il suffit d’un clic pour pouvoir le consommer en quelques mois, jetons un coup d’œil dans le “rétro”.
Le cinéma ? C’était ça :
Les bandes-annonces télévisuelles et sporadiques commentées par Mr Pierre Tchernia, les photos de tournage en guise d’amuse-gueule sur les vitrines, les totems d’acteurs iconiques dans l’entrée, une liberté artistique totale à l’écran et la liesse d’un public conquis quand un tonnerre d’applaudissements fait vrombir la salle.
 
Dernière séance, loin des téléphones portables.
Requiem pour un vieux con?
La nostalgie, camarade…
 

 

Crédits photos : Shapiro-Glickenhaus Entertainment