Parfois, souvent, le chroniqueur du webzine musical 100% indépendant se pose la question existentielle : ‘’Quelle(s) raison(s) me pousse(nt) à écrire ? Pourquoi passer autant de temps pour trouver le sujet et l’angle d’attaque qui capteront votre attention, chers Songazous ?
La passion bien sûr, encore et toujours ! La passion couplée de l’écriture et de la musique. Rock de préférence.
Et aussi, parmi toutes les autres raisons que nous n’exposerons pas ici, il y en a une qui ressort fortement : le fait de rencontrer des légendes, voire même de discuter avec elles. Ou devrais-je plus exactement dire MES légendes, celles que j’ai écoutées depuis le début des années 80, chez les disquaires avertis, sur vinyles et cassettes audio, moins souvent à la radio et à la télévision (Internet et le streaming viendront plus tard), et qui ont marqué des instants de (ma) vie (sans la changer, n’exagérons pas !).
Ainsi, depuis l’an dernier, en voici la liste non exhaustive : Dominique A, Etienne Daho, The Cure, The Stranglers, Peter Hook, Jon Spencer, Marquis de Sade (Frank Darcel, Daniel Paboeuf…), Christian Dargelos, …
Hier soir, autre groupe légendaire s’il en est (!), les new-yorkais de The Fleshtonesjouaient au Petit Bain, Paris 13e (avec les excellents The Norvins en première partie).
Un concert délirant et frénétique, mené tambour battant – c’est un euphémisme – par les quatre gars du Queens, Peter Zaremba (chant, orgue farfisa), Keith Streng (chant, guitare), Ken Fox (basse) et Bill Milhizer (batterie).
250 ans au compteur à eux quatre, ils ont tellement d’énergie qu’ils feraient passer un grand nombre de jeunes groupes de la scène garage pour des rockers léthargiques atteints de trypanosomiase africaine (comprenez la maladie du sommeil) !
Leur style ? Punk rock garage 60’s à grand renfort de guitare fuzz et d’orgue farfisa et des influences rhythm and blues et surf. ‘’Super rock’’ comme ils aiment à se définir eux-mêmes.
Voilà plus de 40 ans que le groupe (fondé en 1976) bourlingue sur tous les continents et ambiance les scènes du monde entier, distillant des concerts ‘’feel good’’, festifs, déchaînés, déglingués, d’une spontanéité et d’une fraîcheur jamais vues, depuis les premiers concerts dès la fin des 70s au Max’s Kansas City, au CBGB’s et au Club 57sur St. Mark’s Place.
Leur 21ème album, ‘’The Band Drinks For Free’’, enregistré au CCP Sound Studio à Brooklyn, NYC, et sorti en septembre 2016, qu’ils défendent sur scène, prouve que le quatuor est encore très fringant.
Le show pourrait confiner au burlesque et au ridicule – Pete Zaremba, drapé dans une cape rouge et noire, nous invite à ‘’tourner (sur nous-mêmes) avec les Fleshtones’’ et à frapper dans nos mains, etc -, si ce n’était leur immense talent de musiciens, leur capacité à transmettre la joie autour d’eux et à embarquer (le mot est approprié puisque nous sommes sur une péniche !) tout le monde dans leur délire. ‘’Nous croyons au fait de rendre les gens heureux, nous y compris !’’.
Dans sa biographie ‘’The Fleshtones, histoire d’un groupe de garage américain’’, parue aux éditions Camion Blanc, l’écrivain américain Joe Bonomo rapporte une anecdote au sujet de Steve Wynn, leader de The Dream Syndicate, qui, au cours d’une des nombreuses fêtes organisées par les Fleshtones, raconte : ‘’Les Fleshtones est ce genre de groupe qui te donne l’envie de faire la même chose. On peut aimer d’autres groupes, comme les Clash, mais ils ont l’air tellement distants, ou tu vas voir Television ou Talking Heads, mais ils ont l’air d’étudiants en art intelligents. Ils peuvent t’inspirer, mais après tu vas voir les Fleshtones et tu te dis, ‘’Ça a l’air super marrant, moi aussi, je veux faire pareil !’’ ‘’Le meilleur souvenir que j’ai des Fleshtones, c’était l’ambiance amicale autour d’eux’’.
Pendant plus d’une heure, l’ambiance y sera en effet. Les trois compères déambulent frénétiquement sur la scène. Pete Zaremba, débarrassé de sa cape, se jette à deux reprises dans le public qui le porte jusqu’à l’arrière de la salle et retour sur la scène.
Un public majoritairement de cheveux blancs mais toujours alerte et surexcité, les pogos furieux étant là pour l’attester.
La salle surchauffe grâce à la chaleur, la générosité et l’énergie du quatuor new-yorkais.
A la fin du dernier morceau, Ken et Keith feignent d’achever Pete à terre à l’aide de leurs basse et guitare. Le concert se termine dans un bordel généralisé et pas un visage dans la foule qui n’ait les yeux emplis de joie et le sourire jusqu’aux oreilles.
Alechinsky.
Epilogue 1 : Je vais à la rencontre Pete Zaremba quelques minutes après la fin du concert. A nouveau drapé dans sa cape, il se prête volontiers à la discussion puis prend la pose, de profil, veillant à rechercher la lumière pour une plus grande netteté de la photo, nous arrachant au passage un nouveau sourire par ses facéties permanentes… C’est certain, cet homme-là irradie autour de lui !
Epilogue 2 : Le lendemain matin, j’apprends que Bill Milhizer, le batteur, est introuvable. Ses camarades ne l’ont pas revu depuis la fin du concert… ‘’volatilisé (dans Paris) telle une onde sonore qui vibre avant de s’éteindre en poussière de projecteur…’’ (jolie tournure poétique empruntée à notre chroniqueuse poète.esse Vanessa Mdbs).
Les Fleshtones avaient coutume d’entraîner, après leurs concerts, quelques personnes du public dans la rue pour continuer à chanter et faire la fête… Peut-être croiserez-vous ces prochaines heures, au détour d’une rue de la capitale ces prochaines heures, Bill accompagné d’une cohorte de fêtards… Nous ne saurons trop vous recommander alors de vous joindre à eux et de chanter à votre tour, de tourner sur vous-même et de rire et rire encore…