LES PRIMITIFS DE LA MAISON TELLIER

Est-il vraiment utile de vous présenter les 5 colocataires de l’illustre Maison de Maupassant ? Réunis progressivement sous le même nom de famille, Helmut et Raoul fondent en 2004 une habitation commune, « La Maison Tellier », rejoints progressivement par Léopold, Alphonse et Alexandre. Comme les doigts de la main, le collectif Rouennais sillonne salles de concerts et festivals avec un succès toujours grandissant. Leur 6ème album, accompagné d’une tournée, vient enrichir notre année 2019 ainsi que nos oreilles de mélomanes et notre curiosité insatiable. Nous les attendions avec une impatience déraisonnable et très largement comblée. Nous avons eu le plaisir (immense) de pouvoir échanger avec Helmut lors de leur première date le 20 mars dernier à Massy dans la sublime salle PAUL B.
Sans plus vous faire languir, nous vous en livrons les morceaux choisis…

Il y a une notion de questionnement sur un déclin sociétal très présent sur plusieurs de vos chansons, qui leur donne un ancrage fort sur l’actualité qui trouble notre monde. Cela a-t-il eu un impact sur votre composition ou au contraire avez-vous réussi à vous en détacher suffisamment pour ne pas être trop pollués ?

Notre boulot est de trouver la juste distance entre le monde et nous. Quand j’écris un texte, je choisis de placer la focale à tel ou tel endroit, je peux décider de m’approcher au plus près de la réalité du monde, de ses beautés et ses travers. Je peux au contraire faire en sorte de créer une distance, géographique, temporelle, narrative. Tout le jeu consiste à faire un savant dosage d’émotions, et à ce que les textes résonnent en harmonie avec les compositions.

Parlons du titre de l’album. Le terme de “Primitifs modernes” est de Wilhelm Uhde, critique d’art, collectionneur et marchand d’origine allemande. Ce mouvement, qui s’inscrit dans l’un des courants forts de l’art depuis la fin du XIXe siècle, remise les dogmes de l’art savant au profit de cultures exotiques ou populaires. Il prône le “génie du coeur et de l’intuition” plutôt que “le talent de la raison et de l’intelligence”. Pourquoi cette référence? Pouvez-vous me l’expliquer ?

J’aime l’idée de courant pictural, des liens entre la peinture et l’écriture de chansons. Il y a des « courants » et des « périodes » dans la vie d’un peintre. Il y a eu des groupes d’artistes d’horizons différents qui se rejoignaient autour d’une même idée de leur art, d’une exigence presque mystique parfois, d’une utopique quête de beauté. C’est plus facile à plusieurs, la quête de la beauté, on risque moins de sombrer dans la folie. Ça m’aurait plu de faire partie d’une famille musicale, d’un « courant ». A nos débuts, on partageait souvent la scène avec Moriarty, ainsi qu’avec Syd Matters. On se retrouvait artistiquement aussi bien avec l’un qu’avec l’autre de ces groupes. Admiration, respect mutuel. C’est à double-tranchant, ce grand écart, et de là à parler de « famille », il y a un pas. Compliqué à franchir dans un pays où il y a parfois une vision un peu «A.O.C » des musiques actuelles.
« Génie du coeur et de l’intuition », ça me convient bien, au demeurant. Il faut de la sincérité pour produire de la bonne musique, j’en suis persuadé.

L’écriture est encore une des grandes forces de vos chansons. Nous y trouvons toujours plus de références musicales et littéraires. Comment avez-vous écrit et organisé les 12 titres qui y figurent ?

Il n’y a pas de grand plan général sur les chansons. Juste ce cadre assez fluide du titre de l’album, qui est arrivé avant même la rédaction de la moindre parole. J’avais envie d’une écriture politique, qui décrit le monde qui m’entoure avec mes mots, mes colères, mes tristesses, mes joies. En ce sens, je me suis plus « engagé » dans mes textes, sans tomber dans le militantisme ou le prosélytisme, ou n’importe quel -isme d’ailleurs. L’écriture et l’organisation, c’est de la tambouille, sans grand mystère : on a une trentaine de maquettes, on écrème on écrème, ensuite on essaie de raconter une histoire avec le choix du tracklisting, en tenant compte des juxtapositions de tempos ou de tonalités, on écoute et on compare les différents tracklistings jusqu’à la nausée, et youpi !

«It’s all over now baby We’re going down In Chinatown» ressemble à une tirade d’ happy end hollywoodienne, d’où vient l’idée de votre refrain qui pourrait sortir de la bouche de Jack Nicholson à Faye Dunaway comme le «Chinatown pour moi c’était la poisse, on peut jamais savoir ce qui nous y attend » ?

Difficile de remonter jusqu’à l’idée d’origine, je tenais à un refrain anglophone, à situer la chanson à Chinatown, partant de là j’étais relativement contraint en termes de rimes et de sonorités… l’idée d’un couple qui sombre au coeur d’un quartier touristique de carte postale, je ne sais pas…je trouvais ça assez pittoresque, intime et universel à la fois. Avoir Nicholson et Faye Dunaway en toile de fond, c’est un petit plus qui vient au hasard des interprétations de chacun, et ça me convient très bien !

Pascal “Power” Mondaz qui s’est occupé de la production, a travaillé par le passé avec JC Satan. Souhaitiez-vous un son plus rock sur Primitifs Modernes?

Clairement oui ! Un son plus brut, rugueux, live, sincère, authentique. Des chansons plus directes aussi, qui se laissent apprivoiser plus facilement que certains de nos anciens titres, probablement.

On vous a vus dans un registre intimiste en format concert lecture à la Maison de la Poésie en compagnie de Marina Hands et on imagine bien vos chansons dans une version très orchestrale, avec un grand orchestre à la Philharmonie de Paris. Est-ce un projet qui pourrait vous plaire?

Nous sommes naturellement curieux de ce genre d’expériences. Les rares fois où nous avons pu jouer avec un orchestre « classique » un peu fourni, j’ai eu les pieds qui décollaient du sol de quelques centimètres. Comme ce bonze qui a des visions du Migou, dans Tintin au Tibet. Donc oui, mille fois oui, ce projet nous plus-que-ravirait !

La dernière chanson de l’album, “Que mes chansons… (reposent en paix)”, est comme un testament. Quelle image souhaiteriez-vous laisser?

Aucune, sincèrement. Les bacs des disquaires sont encombrés de disques d’artistes qui pensaient laisser une trace… Écoutez mes chansons pendant que je suis vivant, mort ça me fera une belle jambe…


Mais rassurez-nous … Vous allez poursuivre encore longtemps ?

Tant qu’il sera possible d’exister, pour un groupe qui écrit de bonnes chansons, qui les joue bien, avec honnêteté et sincérité, nous poursuivrons !

Vous avez sorti votre album sur le Label (Messalina / Verycords), pourquoi ce changement ?

Mélange de nécessité et d’opportunité. Notre adolescence de groupe est terminée, il était temps de se prendre en main pour affronter le monde des adultes !

(la suite de l’interview dans le prochain N° de la revue Persona de Juin ! )

La Maison Tellier en tournée dans toute la France.
Le Trianon, PARIS, 15/05/2019
Les places ici : https://www.letrianon.fr/fr/programme…

La Maison Tellier – Primitifs Modernes – 2019

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