Il est des disques qui s’ouvrent comme des livres d’histoires. L’album 5 titres « The Pleasure is Goldmine » d’Olivier Rocabois en est. La fenêtre de « Watch the Season comme and go» résonne comme un matin où les rêves sont encore là et doucement laissent la place à une déclaration d’amour folle d’enthousiasme ! Lors de notre première chronique du Sieur Rocabois, cette solarité était perceptible et rassurante d’une dynamique gracile et adductive. Les chœurs d’anges se mêlent à cette pop aérienne, votre cœur est conquis.
S’en vient ensuite, une autre saveur musicale avec « I’d like to make my exit with panache ». C’est le conte d’un voyageur des airs musicaux et voyageurs, qu’apportent la musique et la joie de partage qu’elle procure. Les réverbes sont comme les rayons solaires qui vous réchauffent le cœur.
« New Year’s crazy egos » arrive en « ballad song » aux accents de belle pop anglaise en mode Olivier Rocabois. En mode « Olivier Rocabois » ? Oui le mode « Olivier Rocabois » c’est pour moi une signature créative, entre une délicate nostalgie qui reprend une énergie folle des souvenirs réconfortants et des envolées brillantes comme de joyeux ruisseaux aux refrains naissants et sonnants.
Le titre « Brain Cells » est comme venu d’une radio mono, où la fusion des voix de garçons de la plage se marie avec un « New-York USA » de Gainsbourg. Un intermède temporel où se perdre est la règle pour garder l’esprit vif.
Tous les bons albums sont ponctués comme des textes et ce « The Pleasure is Goldmine » d’Olivier Rocabois, se ferme par une nouvelle déclaration d’amour nommée « I Would Have Loved To Love You ». La beauté des souvenirs est souvent teintée de « si j’avais pu… » Ou de « Pourquoi n’ai-je pas fait cela… ». On peut entendre là, non pas un regret mais certainement une impatience de revivre un nouveau songe revenu du passé qui permettra de poursuivre la route.
Lors de cet enregistrement d’album, Olivier nous avait accordé quelques mots pour nous partager ses inspirations, rêves et jolis mots…Interview…
Crédit photo : Philippe Dufour
Alors cette année musicale passée 2021, t’a-t-elle apporté satisfaction malgré les conditions ?
« Écoute oui, on apprend tous à slalomer, non? Pour cent frustrations, il y a toujours une vraie joie profonde.
L’accueil public et critique m’a transporté. Les critiques négatives agissent comme un aiguillon et les ondes de bienveillance m’ont rassuré. Sans prendre le melon ni se considérer comme un lombric, j’essaye d’explorer toute la gamme, la palette, les 12 notes… Je vise un langage commun, les zones hachurées, la communion.
Tout en cultivant un anticonformisme sous les apparences du classicisme. L’époque est à la dérision permanente et ça m’exaspère. Je préfère les fantasmes collectifs, l’auto-dérision. C’est la liesse que nous recherchons, une transe partagée.
Alors satisfait, naturellement non.
Comme tous les créateurs, ma soif est insatiable. Mais je mentirais si je disais que ma vie n’a pas changé. Mes premières démos rennaises remontent à 1996, alors ça fait bien plaisir de voir son travail salué par le public, les médias et ses pairs! »
Dans tes chansons, on ressent une certaine importance des éléments naturels, peux tu nous en dire plus ?
« Mother Nature’s Son! Child Of Nature! Tu veux parler notamment des vagues et des oiseaux?
J’écris souvent dans l’Océan. Au bout d’une demi-heure de dialogue avec Neptune, il y a toujours une mélodie ou un rythme qui surgissent (comme avec les photocopieuses, très inspirantes). La mélodie de “The Sound Of The Waves” m’est venue alors que je comatais sur le rivage , à moitié immergé .
Les paroles sont venues d’une traite en rentrant de la plage par la forêt . Ou aussi à Huelgoat, j’ai ressenti un truc très fort, comme si les paroles m’étaient dictées. Idem sur le Lac de Garde en Italie, je peux rester des heures dans la flotte à méditer, écrire et composer. Dès que je suis en mouvement, j’ai comme des prémonitions. Comme tous les chanteurs, je pratique le chantage.
Beaucoup de place est laissée au hasard dans l’élaboration et la construction des chansons (structure / lyrics) mais je suis très méticuleux voire limite control freak sur la réalisation car je vois les chansons comme des châteaux de cartes. Il faut être fidèle aux visions primitives qui sont des cadeaux des dieux.
Et j’observe la jurisprudence Beatles : toujours maquetter un nouveau titre dès qu’il sort du four, dans un espace-temps réduit, enregistrer si possible les compos les plus récentes. J’admire les Fab Four pour mille raisons, notamment cette dualité : ils sont devenus des figures mythologiques ET sont restés des Homo sapiens (Paul et John orphelins de mère à l’adolescence et dont les pères sont morts la même année à 15 jours d’intervalle et dans un registre plus léger, la permanente mid 70s d’Harrison par ex) ».
A propos de paysages justement. La Bretagne et la Grande-Bretagne, pour toi, semblent avoir a une dimension charnelle. Quelles places prennent-elles dans ton histoire musicale et personnelle ?
« J’ai grandi en Bretagne (Vannes Auray Rennes) et la Grande-Bretagne a toujours été une terre d’accueil réelle ou imaginaire. Plusieurs amis sont partis vivre à Londres mid 90s, j’avais monté un dossier pour être garçon au pair et les rejoindre mais je suis tombé amoureux (d’une Rennaise!) et suis resté en terre bretonne.
Mais je n’ai cessé de retourner régulièrement en Angleterre depuis lors, j’ai encore des amis qui y vivent. Ces séjours sont toujours très intenses, à Londres ou ailleurs. Je sens une familiarité presque une fraternité. On aurait peut-être des ancêtres gallois…mythe ou réalité? Cette langue et cette culture me parlent, je fais une vraie fixette. La place centrale des musiques populaires dans la vie quotidienne est fascinante. Je suis allé voir Martin Newell à Colchester et j’ai eu l’impression de rencontrer un oncle perdu de vue, c’est troublant .
On y retourne prochainement car un pote de mon fils vit près de Bristol.
Côté irlandais, J’ai adoré aussi Dublin où ma soeur a vécu (on a traversé la mer d’Irlande en ferry après un inoubliable pèlerinage à Liverpool ). C’est une longue histoire d’amour qui pourrait durer toute une vie. Mais la Bretagne demeure mon Heimat. Mes parents et une bonne partie de ma famille y résident, possible que je m’y installe à 70 piges si le littoral n’a pas devenu une Costa Brava entretemps !
Et à propos de paysages faciaux, de glorieux aînés comme Brian Eno, Katerine ou Sébastien Tellier ont rendu la calvitie acceptable et je les en remercie. »
Tes chansons et tes compositions sont des histoires tellement riches qu’il faut écouter plusieurs fois pour en percevoir les différentes facettes… Comment composes-tu tes chansons ?
« Presque toujours, les accords et ou la mélodie jaillissent en premier lieu. Les lyrics, c’est une autre affaire. Je noircis des carnets et des iPhones puis je fais mon marché au gré des humeurs. La musicalité et le kaléidoscope priment sur le fameux « arc narratif », je ne sais pas raconter une histoire avec intro-développement-conclusion. J’aimerais bien! Comme j’aimerais écrire des tubes mais bon..
C’est le but : je ne veux pas séduire de façon superficielle, je veux subtilement marquer la vie des gens, le rêve ultime d’un chanteur n’est-il pas de voir ses chansons accompagner les moments forts de l’existence?
Je mets un point d’honneur à ce que l’auditeur (et accessoirement moi-même) ne s’ennuie pas. La présence d’un élément stabilisateur et rassurant appelé « refrain » n’est pas une nécessité . Vous allez me dire « mais il a rien pigé à la pop music! » Possibly maybe! Pendant l’écriture de l’EP, j’ai beaucoup écouté de musique classique (Concerto en Sol de Ravel – les quintets de Schubert), du kraut (Tangerine Dream), les Brésiliens (Egberto Gismonti, Chico Buarque, Tim Bernardes). Je m’habitue à vivre mentalement dans de longs mouvements de 15-20 minutes où tu as le temps de déployer plusieurs thèmes. Ton imaginaire est ultra stimulé, tu peux laisser tes affects déborder. Et au lieu de faire l’amour ou un sport de combat, tu te mets au piano et les accords / mélodies adviennent. Ô homme fontaine, laisse parler ta créativité !!
Ton subconscient est comme imbibé et tu balances tes chansons comme des crêpes flambées . Le travail d’écriture se poursuit ensuite afin de rendre tout ce magma intelligible. Puis vient cette étape assez jouissive de l’agencement du puzzle : l’arrangement. Exactement comme une recette de cuisine ou un coït : tout est question de timing et de dosage. Ma hantise? Devenir fourbe et obséquieux comme un agent immobilier. »
Tu présentes tes chansons, en concert sous deux formules, à ma connaissance, et quand tu travailles avec toute ta troupe, on ressent l’esprit théâtral, par la mise en place des musiques comme une illustration de musiques de films… Ton rapport à la BOF ? Tu as déjà écrit pour illustrer des images ?
« Je passe mon temps à écrire des paroles avec des sous-entendus. Le premier degré ou le naturalisme m’ennuient assez vite, je ne suis pas très doué pour ça. Je procède par analogie ou allégorie. J’ai vécu une courte mais intense période cinéphile voire cinéphage entre 12 et 14 ans. Le jardin de ma grand-mère défunte jouxtait le cinéma d’Auray, j’y allais très souvent et naviguais entre Vannes et Auray, c’était mon biotope. Pendant ces années fondatrices, je voyais au moins 2 films en salle par semaine plus les VHS et la TV, j’en ai bouffé du long-métrage! Je me suis construit alors une culture assez variée, du film d’horreur au film d’auteur (parfois les mêmes, ça se recoupe : Evil Dead et Rohmer le même weekend). J’ai vu des chefs-d’œuvre trop jeune : Fritz Lang, Buñuel, Kubrick, Antonioni etc ça me passait au-dessus du cigare mais des images fortes ont imprimé ma rétine.
Plusieurs formules sur scène oui, j’aime l’idée de troupe : on peut être 4-5-6 voire 7 à l’époque d’ALL IF. C’est pas toujours facile de garder le cap! Mais notre batteur et logisticien Guillaume Glain est un fin psychologue et un musicien accompli qui ne choisit jamais la facilité et va toujours tenter d’épuiser les possibilités pour garder la plus adaptée. Sinon, on joue souvent en duo avec mon pote Jan Stümke, pianiste, chanteur et grand compositeur par ailleurs. Et enfin tout seul avec ma gratte ou un clavier comme tu avais vu à Rennes l’été dernier. J’ai eu une vague période hippie justement quand j’habitais Rennes. On se cherche à 19-20 ans, on ne sait pas trop comment se fringuer et en quelques mois, je suis passé de 1971 à 1966 sur le plan vestimentaire.
Côté BO, comme tous les poppeux, je vais te citer François de Roubaix qui est vraiment une idole. Je l’écoute et l’étudie presque tous les jours. Morricone, Rota, Hisaishi…Herrmann, Goldsmith..Chez les Français : Sarde, Legrand, Colombier, Magne, Delerue.. Des inspirations lointaines car je ne suis vraiment pas un spécialiste. Pas encore frotté à l’exercice même si j’ai commencé à composer la musique d’un spectacle pour enfants. J’aimerais beaucoup faire des ciné-concerts ou des concerts dessinés, projets en cours car j’aime le côté pluridisciplinaire, quand les émotions s’entrechoquent et se répondent, ça me parle beaucoup. On y est tous sensibles, il faut laisser parler son peintre intérieur, son Toulouse-Lautrec, il faut vivre le truc au maximum. »
Au rayon inspirations ressenties, le souffle de Brian Wilson n’est pas loin… je me trompe ? Quels autres compositeurs sont tes repères ? On ressent les arts picturaux aussi dans tes muses ? Quelles-sont les étapes musicales qui composent aujourd’hui ton entité ?
« Je me suis longtemps rêvé en clochard céleste pour réaliser ensuite que je n’étais ni SDF ni cosmique (de répétition). Brian Wilson, on pourrait y passer des heures. Grande source d’inspiration voire d’identification. Sujet à de sévères troubles du narcissisme, j’ai toujours eu besoin de m’identifier, dès l’âge de 8 ans (Michel Platini, Vahid Halilhodžić). Besoin de se prendre pour un autre pour être bien dans ma peau ou au moins m’accepter. Paul McCartney m’a été d’un grand secours sur ce point…
Mais revenons à son jumeau/Gémeaux car il s’agit de trouver le point de déséquilibre qui permet de rester créatif. Brian Wilson représente beaucoup, il est donc né 48h après Paul, à 8500 bornes de Liverpool, tous deux bassistes dans les plus grands groupes. Toutes les chansons des Beach Boys me mettent les larmes aux yeux, l’histoire des frères Wilson est dingue. La finesse, l’intelligence, la profondeur des chansons de Brian, cette vision en Technicolor me touche. On nous ressort toujours Pet Sounds mais je suis dans la cible : j’ai découvert cet album et l’acide à 18 piges, un cocktail explosif..J’essayais de déconstruire un ego naissant car j’avais lu que John Lennon avait déconstruit le sien (poke Sandrine Rousseau). Sauf que je n’étais pas Lennon et surtout très immature donc ça a laissé pas mal de traces…
Pet Sounds, je pigeais juste l’écume mais me reconnaissais fatalement dans toutes ces chansons : You Still Believe In Me, That’s Not Me, I Just Wasn’t Made For These Times..Tout l’égocentrisme juvénile, oh je vais pas bien..Puis le désastre et la résurrection de Smile à 37 ans d’intervalle. Brian, ce sont les grands espaces mentaux et l’intimité (In My Room). Il s’adresse à nos âmes, lost souls…Til I Die, Surf’s Up, c’est indépassable, unique au monde..On a beau courir après, le manège va trop vite, la barre est trop haute. J’aimerais le rencontrer, il approche des 80 ans. Je pense à lui tout le temps et joue souvent ses chansons. Darlin’ quand je suis euphorique, Here Today quand je me sens mal-aimé. Sa place au Panthéon de la Pop est largement méritée. Il y a d’autres compositeurs qui m’influencent : Bowie, John Paul George, Ray & Dave Davies, Gainsbourg, Andy Partridge, Harry Nilsson, Paul Simon, Jarvis Cocker, Neil Hannon à l’évidence, Damon Albarn, Brett Anderson, John Howard (qui est devenu un ami), Richard Davies, Daniel Rossen (Grizzly Bear), Kevin Barnes (Of Montreal), les frères Brewis (Field Music). Au Brésil, le pape Jobim, Veloso…La liste est si longue!!
Si je me mets à te citer des compositeurs classiques, ça va faire vraiment frime par procuration..Stress & paillettes! Ma femme adore Ravel & Debussy donc ça tourne en boucle à la maison : concerti, sonates, des oeuvres pour piano solo ou orchestre. Au bout d’un moment, je suis imprégné, j’entends des choses raffinées qui me sortent de mon pré carré d’autodidacte un peu déficient et j’essaie ensuite d’aller vers des choses moins évidentes quand je compose. Mon ami Sébastien Souchois (qui a notamment arrangé les cordes de ‘My Wounds Started Healing’) m’avait alerté un jour alors que je lui jouais mes nouvelles merveilles au piano : « chouettes mélodies mais fais gaffe aux grilles : les structures sont originales, les grilles bof. Ne répète pas les mêmes écarts » me dit-il. Comme souvent, j’étais un peu vexé au début et une fois passé le temps de l’absorption, juste le temps de transformer le truc en pelote de déjection et bim j’écrivais ‘I’d Like To Make My Exit With Panache’. La grille du refrain est banale avec un petit twist car on bloque sur une pédale à la basse : 4 accords avec une basse identique, j’adore. Mais les couplets sont peut-être plus intéressants car ils sont le fruit d’une écriture automatique et je garde les erreurs voire je les encourage. Vivent les basses étrangères et les quintes parallèles, au diable l’orthodoxie!
Passage de relais : mon propre fils de 18 ans s’intéresse depuis peu aux Beach Boys, je lui envoie les morceaux un par un, comme une sorte de prosélytisme perlé. Des tubes chantés par Michel Amour aux trucs plus expérimentaux signés Brian en passant par les ballades déchirantes de Dennis ou Carl.. Il adore! J’attends encore un peu avant de lui balancer God Only Knows, il ne faudrait pas qu’il la découvre à bicyclette, il pourrait chuter!
Au rayon (im)permanence, quand Moon Safari d’AIR est sorti, j’ai chopé tout de suite le sample de Do It Again dans Remember. On se sentait moins seuls car on se rendait compte que deux Français de notre génération faisaient une musique hyper inventive en allant puiser à différentes sources dont les Beach Boys et la musique de film française. Je suis leur parcours solo et j’aime particulièrement le travail de Nicolas Godin.
Et sur la peinture, les symbolistes fin XIXe sont mes favoris, Moreau, Redon, Puvis de Chavannes… Et toujours et encore les Anglais : Rossetti, Burne-Jones : j’ai même écrit une chanson ‘Pre-Raphaelite Brotherhood Now!’ »
En voyageur né et réel curieux de la vie, quel autre style de musique aimeras-tu explorer ? Tes compos sont très axées instruments acoustiques, d’autres envies, d’autres esthétiques en vue ?
« J’aime le bois, j’étais comme prédestiné avec un nom pareil (qui s’écrit initialement Rocaboy, j’ai tenté de rétablir l’orthographe initiale mais projet abandonné car dérives kafkaïennes..)
J’adore les sons boisés, les odeurs boisées, même les odeurs de sous-bois dont on peut parler pour décrire un vin, du chocolat ou même un gel douche car certains créatifs ont cru bon de nous faire croire que l’on se douchait dans un sous-bois..
En pop comme en classique, j’adore les orchestrations, j’utilise souvent des cordes et j’aimerais inclure plus de cuivres et aussi des bois justement, clarinette, flûtes, hautbois, cor anglais. J’aime ses sonorités enveloppantes et rassurantes, comme un baiser sur le front. Comme chez Andy Shauf et Daniel Rossen.
J’aimerais explorer d’autres contrées car je suis bien conscient de labourer le même champ depuis 1992 (première compo = ‘Purple Finger’). Aller vers des choses plus électroniques ou en tous cas avec plus de synthés. J’en mets partout dans mes maquettes mais ils ne passent pas toujours le contrôle qualité. Je veux plus de basse aussi. Qu’elle soit plus prépondérante dans le son de mes disques. On a un excellent bassman dans le groupe, Laurent Saligault. Mais c’est moi qui tiens la basse sur les démos, je m’éclate comme un gosse puis Laurent joue en studio des parties de basse qu’il élabore en incluant souvent quelques éléments des basses issues de mes maquettes.
Mes sources d’inspiration sont assez variées, c’est tellement vaste : ma musique risque de s’éloigner des canons pop que j’imite/singe/cultive depuis des lustres. Il fallait que sorte cet album pour prendre mes distances, j’avais besoin de célébrer mes idoles pour installer puis peut-être un jour affirmer un style. J’aime aussi les choses très épurées, juste un piano et des cordes avec des voix de femme ou des instrumentaux. Je suis traversé par des trucs intenses et sans aller jusqu’à System Of A Down, j’apprécie encore des choses plus violentes, dirty, musquées : on verra! “
Il y a un rayonnement solaire dans tes concerts, on a la sensation d’un transport en musique…
« Je confirme avoir été adepte du Temple Solaire dans les 90s…Erreur de jeunesse…Pris dans la tourmente Britpop, j’ai succombé à la tentation d’Orion…
Plus sérieusement, je me souviens très précisément de ce grand soleil breton de juillet dernier, ça me fait plaisir que tu le mentionnes. Possible que je sois un gourou raté, un chef entouré de gourelles et d’amazones!
Le transport parce que l’état second, l’ivresse. J’ai arrêté l’alcool il y a 4 ans 1/2 du jour au lendemain pour raisons médicales. L’ivresse me manque, la camaraderie, tout le rituel des verres qui font tchin-tchin, les rires communicatifs, en cascade. Alors j’essaye de trouver des parades et modestement je tente de susciter le bien-être, il ne faut pas grand-chose, quelques stimuli, localiser les zones/points à solliciter, benessere en italien, j’adore ce mot. Cette communion avec le public est incomparable.
Les concerts ont des points communs avec les meetings politiques ou un discours de Claude « Raël » Vorilhon ou Jim Jones : on se jette dans l’inconnu, tu ne sais pas de quoi sera faite la seconde d’après sur scène : t’as oublié de te brancher au premier titre, le bouton de manchette qui claque l’afterbeat sur la rosace, ton copain a la tête ailleurs, l’autre est hyper focus et toi non etc…J’ai beaucoup joué seul en public et développé les tics inhérents à l’exercice : ça m’a rendu un peu bavard, je recherche sinon l’adhésion au moins une certaine connivence avec le public.. Oui, je parle beaucoup. J’ai interrompu la thérapie pendant dix ans mais tout se répond, s’additionne, faut surtout pas que les chansons se sédimentent, se fossilisent. Elles peuvent mûrir loin des regards mais je tiens à jouer et enregistrer prioritairement les dernières compos en date. Un contrôle qualité s’opère, je ne vais pas vous jouer des esquisses pondues la veille mais je veux les présenter sous leur meilleur jour, faire bella figura tout en ayant l’air naturel : on ne va pas chez le coiffeur la veille, on ne porte pas des fringues neuves (étiquette oubliée = crédibilité entamée) »
On peut t’imaginer acteur, mais peut-être as-tu déjà essayé…
« Acteur, pourquoi pas? Fun fact: j’ai une scène en allemand avec Cameron Diaz dans un film US, je suis un mec de la bande à Baader! Le cinéma italien contemporain me plaît beaucoup par ailleurs. Je ne suis pas très à l’aise devant une caméra, sauf à faire le con mais jouer, interpréter : je n’ai pas de talent pour ça je pense. Je suis pas bon pour les commandes, depuis petit, je ne suis pas un bon exécutant ni un bon lieutenant, j’aime bien être un peu le boss, quitte à basculer dans le dirigisme mais rassurez-vous, je sais déléguer quand je suis nul ou incompétent…Donc oui, ça pourrait me plaire, j’aurais plein de choses à apprendre auprès d’un metteur en scène avec des dialogues bien ciselés : jouer dans un film, ça me rendrait humble. Mes modèles, c’était Dewaere et Nicholson, ce genre de mecs incroyables.
Quand je vois le parcours d’un Philippe Katerine, je me dis why not! Mais sincèrement, je n’y pense jamais. Je reste complètement fasciné, rien que le mot CINEMA, magique. J’entre à la Cinémathèque comme dans une église : j’aime aller au ciné seul, comme deux heures de méditation sauf si quelques hommes ou femmes de Neandertal décident de bâfrer des pop corns juste à côté..J’ai gardé un rapport d’admiration dingue, la seule idée d’être acteur me fait rire/peur… Un vieux titre publié il y a dix ans : ‘Perverted Actor’, avec une longue intro instrumentale d’une bonne minute, comme un hommage à mes amours contrariées pour le cinématographe. Certains camarades m’avaient demandé “mais tu délires, il est où le refrain?”. Par ailleurs, j’ai fait pas mal de figuration dans des ballets à l’Opéra de Paris, pendant une vingtaine d’années. Ça m’a beaucoup appris, ça m’a aidé à être un peu moins gauche/raide sur scène. »
Comme les costumes habillent tes chansons, on est envoyé dans des univers parallèles… c’est totalement prémédité je suppose ?
« Ah les costumes, c’est marrant. Oui, je me vois comme un tisserand ou un tailleur. Quand j’enregistre mes maquettes, c’est un peu comme un fourre-z’y tout, un darwinisme de la bonne idée, à partir du moment où j’ai défini une structure générale, un canevas. J’ai souvent un problème avec la fin, j’aime pas me séparer des gens, les embrassades sur le quai de la gare, c’est trop lacrymal… J’ai du mal à finir les choses, un livre, une histoire d’amour ou d’amitié, n’en parlons pas. Du mal avec les coupures nettes ou progressives. Une chanson est un continuum, mes démos excèdent volontiers les 5-6 minutes et le travail va consister à rendre ces ébauches acceptables puis commercialisables, audibles quoi.
Le défi consiste à ne pas perdre l’éclat du début, le premier geyser, il est là, le vrai challenge : garder cette fraîcheur mais toujours provoquer une réaction. J’étais très provocateur quand j’étais enfant, je voulais ne laisser personne indifférent. On ne change pas profondément sauf en temps de guerre. J’ai eu quelques accrocs comme tout le monde, ça te sculpte, te modèle : on est de la terre glaise, ashes to ashes.
L’idée est de transplanter l’auditrice dans l’état de conscience dans lequel j’étais au moment d’écrire ou enregistrer le morceau de météorite. Cette intensité électrique doit voyager du créateur au récepteur. Je veux les rendre beaux ces croquis. A ce stade, je fais écouter à mes potes musiciens/mélomanes qui s’en amusent. Y a un côté Geo Trouvetou. Je suis un technicien très médiocre, les connaissances sont limitées, parcellaires. Il n’est pas impossible que je me complaise dans cette méconnaissance, comme je me satisfais d’une ignorance relative sur la musique écrite, le solfège. Fatalement, j’ai étudié depuis 30 ans la mélodie, l’harmonie et le rythme de façon très empirique pour garder l’étincelle. Entretenir le sens de l’émerveillement. Le danger, c’est le risque de se répéter dans les structures, les écarts, les harmos…”Du mécanique plaqué sur du vivant » comme dirait Bergson dans « Le Rire ».
Concernant l’écriture, la composition, l’arrangement, je ne veux pas trop en savoir à moins de m’entourer de savants comme Olivier Bostvironnois avec lequel j’ai enregistré l’album puis l’EP qui arrive en juin. Il a une vraie science de la musique, il est lui-même compositeur. Raphaël Elig, Seb Souchois et mon brother Oliv Popincourt ont aussi une connaissance théorique, il est très appréciable d’être en leur compagnie car ils sont assez fins pour te laisser exprimer ton truc et pour te dire quand ça va pas, c’est too much ou on perd le fil. Jan, Guillaume Lolo, tous les gens que je viens de citer ont un rôle capital pour m’aider à fabriquer des costumes sur mesure. »
Que peut te souhaiter Lust4live.fr ?
« Sortons grandis de cette épreuve dantesque!
Je suis donc en plein enregistrement d’un EP 5-titres, j’essaye d’enfoncer le clou / pousser le bouchon par rapport à l’album Olivier Rocabois Goes Too Far. Des chansons assez longues et souples de 5-6 min avec des structures faussement complexes, les atours du classicisme mais derrière si on gratte un peu le vernis, c’est le Jardin des Délices!
Je veux pas qu’il y ait tromperie sur la marchandise, il doit y avoir adéquation entre le personnage que je présente et mes chansons : je veux vous prouver que c’est pas du flan, que ça tient la route!
Ecrire un hit en 2022, dur! Un tube, c’est transversal et maintenant c’est rarissime car on est tous enfermés dans des niches algorithmées qui confortent nos goûts.. Une bonne chanson ne suffit plus pour surnager…
Suite du programme : enchaîner un max de dates en province et à l’étranger (Italia UK Allemagne), de plus grandes salles à Paris et pour ce faire, trouver un tourneur : j’ai quelques pistes qui se dessinent.
Puis à l’automne, mise en chantier du prochain LP en espérant le publier avant l’été 23 : je découvre l’angoisse du rétroplanning! Pas mal de chansons en stock, des invité(e)s de marque.
Je lance un appel car je recherche une résidence pour préparer sereinement et en profondeur le digne successeur d’ORGTF : Ouessant? Brocéliande? Saint Malo, la plage de Rocabey? Hasard, je ne crois pas!
Une semaine à élaborer, chérir, chouchouter, bichonner les nouveaux titres avec mes collègues pour faire de ces frêles poulains des chevaux de course!
Entretemps, j’aimerais distiller des singles numériques à intervalles réguliers comme des cartes postales à partir de la rentrée de septembre. Objectif? Poursuivre ma conquête des tympans modestement mais avec obstination. Comme un Breton quoi! ».
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Alors voilà pour ce tour de piste, avec la douce et Magic musique qu’Olivier Rocabois nous propose aujourd’hui. Ce « The Pleasure is Goldmine », est un présent, un bouquet de bonheur musical qui ravira les cœurs et fera encore chanter délicieusement les matins. A vous de vous pencher pour plonger dans ces mélodies orchestrées et pénétrées d’un être musical et mirifique.
Olivier Rocabois sera en concert prochainement :
19.06 : Walrus – PARIS (+ Nick Wheeldon)
26.06 : house show-Sessions Le Village Pop & Froggy’s Delight – PARIS
02.07 : house show – AMIENS (+ Popincourt)
08.07 : L’Avant-Scène – BORDEAUX (+ Donald Pierre)
09.07 : Total Heaven – BORDEAUX
21.07 : Coef 121 Festival – VEULES LES ROSES
07.08 : Le Chaland Qui Passe – BINIC
09.08 : Le Barbe – PLOUHA
11.08 : Bazoom BD-Musique – AURAY
Suivre et écouter Olivier Rocabois…
https://www.facebook.com/olivier.rocabois
https://www.youtube.com/channel/UCmyBVZbnH_mVp23-bMj5dfA
Guillaume d’Arsène