LE SUD N’EST PAS UNE REGION ROCK’N’ROLL !

Le jour où je pris la décision de quitter Paris pour venir vivre en Provence verte (département du Var), et a fortiori lorsque je l’annonçai autour de moi à ma famille, mes amis et diverses connaissances, l’adoubement général (dont, pour emprunter une expression occitane familière, je me cague par ailleurs) fut pour le moins… mitigé.

« Comment ? Toi ! T’installer dans le Sud après 20 ans passés dans la festive Bretagne et 30 autres dans la Capitale à la profusion musicale démentielle ? Mais tu n’y penses pas ! Cette région n’est pas du tout rock’n’roll ! ».

S’en suivirent des sentences (du genre « irrévocables » comme lorsque Denis Brogniart s’adresse à des participants télévisuels affamés, squelettiques et braillards) toutes plus fallacieuses les unes que les autres, que je n’avais pas réclamées au demeurant mais qui me furent délivrées dans le plus grand manque de bienveillance (cf bis repetita l’expression occitane familière), dont voici le florilège :

  • « Tu ne tiendras pas un mois loin de la Capitale »
  • « Un « nordiste » (NDLR : comprenez « au Nord d’une ligne géographique imaginaire Bordeaux – péage de Villefranche-sur-Saône ») comme toi ne peut s’adapter « là-bas », ces gens-là vivent différemment de nous (!) »
  • (Avec un rire narquois) « Bienvenue au pays de Jul, Naps et Soso Maness ! » (NDLR : de prime abord, je compris « Madness » et fus enchanté de constater que Suggs et Mike Barson, que je croyais insulaires for ever, avaient eux aussi opté pour la région Méditerranée ! Je déchantai rapidement lorsque ma déficience auditive fut avérée…)
  • « Mais pourquoi donc le rédacteur en chef d’un webzine musique, jeune mais néanmoins brillant (NDLR : il est essentiel ici de préciser que, d’une part, je ne parle pas de moi mais du blog, et que d’autre part, l’auto-promotion et l’auto-satisfaction sont de toutes les manières pleinement permises de droit afin de flatter nos egos surdimensionnés. Car c’est bien connu : « Si tu n’as pas ton webzine avant 50 ans, c’est que tu n’as pas réussi ta vie ! »), vient-il s’établir dans une région qui n’a jamais vu de guitares électrifiées ?!? » (NDLR : la ponctuation souligne ici toute l’indignation de l’ami accusateur).  

Devant tant d’encouragements m’annonçant un bonheur aléatoire, je feignis – avec une certaine malice, dois-je vous l’avouer -, de ne pas comprendre les jugements et les nombreuses désapprobations en coin (pas vraiment) sous-jacentes.

A dire vrai, la seule question essentielle (et existentielle) qui m’obsédait était de savoir si j’allais survivre à cette région soi-disant « pas rock’n’roll » après avoir connu la profusion de concerts et de festivals à Paris, à Rennes et dans à peu près chaque ville à l’héritage rock prononcé.

Je m’enquis donc des groupes, des lieux et des événements à venir de manière compulsive. Pêle-mêle, j’établis une liste qui, à défaut d’être non-exhaustive, se révéla être une première liste d’envies (fort) rassurante :

  • Concerts de la grande Patti Smith (au Théâtre de verdure Silvain à Marseille 7e le 19/08 et au Théâtre de Verdure à Nice le 20/08) et du pionnier du shock rock Alice Cooper (Ol’ Black Eyes is Back Tour au Dôme à Marseille 4e le 3/09) : voilà le véritable Champions Project musical marseillais !
  • Le Molotov (ex-Balthazar) à Marseille 6e (3 place Paul Cézanne), salle mythique de la Plaine et du Cours Julien (ouverte du mercredi au samedi de 20h à 2h), avec une programmation rock pointue, et en ligne de mire les concerts de The Telescopes (groupe de noise psychédélique, space rock et dream pop anglais, formé en 1987 par Stephen Lawrie, aux influences telles que Suicide, Velvet Underground et 13th Floor Elevators) le 12/09 et des brillantissimes The Mystery Lights le 27/10.
  • L’Embobineuse Théâtre de Fortune (11 bd Bouès, Marseille 3e), décrit comme « hypersonic, élevage intensif d’individus collectifs de mauvais goûts pluriels, bas-fond spirituel de la combustion spontanée » (voilà un programme alléchant !), qui verra se produire Bryan’s Magic Tears le 7/09 et les Anglais de Black Midi le 29/09.
  •  Le Pointu festival sur la presqu’île du Gaou à Six-Fours-les-Plages début juillet : 3 jours de festival indie et… gratuit ! (L’édition 2019 réunissait entre autres JC Satàn, The Twilight Sad, Fat White Family, Slaves…).

Fan de chichourle ! « Le Sud » était donc une région rock !!!

Ma vie nouvelle devait donc désormais s’égrèner au beau milieu des vignobles et des oliviers de la Provence verte, au rythme de l’ambroisie florale d’un hélichrysum d’Italie aux inflorescences jaunes, du bruissement des élytres irisées d’une libellule mais jamais très loin d’un riff de guitares saturées !

Just open your eyes
Just open your eyes and see that life is beautiful

(extrait de « Life is beautiful », album The Heroin Diaries Soundtrack (2007) de Sixx:A.M.)

 

Alechinsky.