« L’Amour Ouf » de Gilles Lellouche.

Dernières tentations adulescentes.

Gilles Lellouche vient de sortir son deuxième long métrage. Une histoire sur deux décennies sur l’amour et les conséquences de ses actes.

Un gros calibre sur le tableau de bord dans une esthétique de polar glamourisé, le ton est donné dès les premières images du film presque fleuve (2h40) de Gilles Lellouche. Adaptation très libre du roman “Jackie Loves Johnser OK ?” écrit en 1996 par Neville Thompson et transposé dans le Nord de la France, ce film au casting 4 étoiles écume tous les poncifs du genre tout en réussissant l’impossible, ne pas laisser le spectateur tomber dans l’ennuie.

Flash-back, Clotaire, jeune voyou d’une cité portuaire, est confronté à Jacqueline, surnommée Jackie, la pas si sage nouvelle plus belle fille de l’école. Une petite nouvelle un brin rebelle tout juste exclue du lycée catholique où l’avait inscrite son père. Ils ont quoi, 15, 16 ans, mais déjà les idées bien arrêtées. Lui est une petite frappe façon Al Pacino dans “Scarface”, elle a le reflet magnifique de l’Olivia Newton-Jones de “Grease”.

Forcément, entre nos deux jeunes protagonistes, l’osmose est immédiate et l’on est finalement heureux de se laisser porter par un scénario bien rythmé aux multiples effets de styles. Sauf qu’à force de jouer avec les allumettes, Clotaire va méchamment se brûler lorsqu’il va être confronté au parrain local, intensément joué par Benoît Poelvoorde.

Deux salles, deux ambiances. Le spectateur retrouve les deux protagonistes une dizaine d’années plus tard. Il a pris du plomb dans la tête, elle mène une vie rangée sans saveur avec un jeune cadre dynamique. Leur rencontre va, forcément, à nouveau faire des étincelles.

Impitoyablement descendu par la critique lors du dernier festival de Cannes, ce nouveau film de Gilles Lellouche, déjà metteur en scène du “Grand Bain” et de nombreux clips, est porté par de grands acteurs. Tous tiennent leur place avec brio, tout particulièrement la jeune Mallory Wanecque, captivante dans le rôle de Jackie jeune, bientôt relayée par Adèle Exarchopoulos, star depuis sa sulfureuse apparition dans La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche.

Le peu de ressemblance entre les deux actrices enlève un peu de saveur à la crédibilité, ce d’autant plus que le passage de témoin entre François Civil et le jeune Malik Frikah, impressionnant de justesse en graine de violence adolescente dans le rôle de Clotaire jeune, fonctionne a contrario très bien.

Élodie Bouchez et Alain Chabat sont eux aussi à leur place en parents un peu dépassés par les événements. Quelques autres artistes renommés, Raphaël Quenard, Jean-Pascal Zadi ou encore Vincent Lacoste finissent de donner à cet amour fou, mais évident pour ne pas dire convenu, tous les attributs d’un grand film populaire, malgré certaines scènes un peu violentes, mais dépourvu de scènes de nues, dans l’air du temps donc.

Un dernier mot, ne pas manquer le début afin de bien comprendre l’excellente fin alternative !

 

Une bande son très 80’s mais pas que !

Le film se déroulant dans les années 80, Gilles Lellouche a eu la bonne idée d’aller piocher dans les standards de l’époque, à commencer par “A Forest” de The Cure, parfaitement de circonstance alors que le groupe s’apprête à sortir le 1er novembre un nouvel album “Songs Of A Lost World”, le 14e et premier depuis 2008 !

Hommage ou prémonition, ce titre emblématique de l’album “Seventeen Seconds” est joué deux fois durant le film, la première dans la première partie pour une respiration chorégraphique très réussie, puis une fois dans la seconde partie.

Le reste de la B.O. est moins ciblée et bien plus éclectique. Outre la musique originale composée par Jon Brion, elle est à l’image du film et part un peu, avec bonheur, dans tous les sens. Au fil des séquences, le spectateur se laisse bercer par d’anciens tubes des années 80, oubliés, voir culte, ou non. Yves Simon, Agathe et Les Regrets, mais aussi Billy Idol, Patrick Coutin, Sinéad O’Connor, Foreigner ou encore Deep Purple font rejaillir le spectre des années hard-rock et new-wave. Serge Lama et Gilbert Bécaud sont aussi convoqués à travers d’improbables karaokés.

Dans la seconde partie, le rap et l’électro font également leur entrée avec, par exemple, le groupe Nas, NTM ou encore Daft Punk.

L’Amour Ouf, de Gilles Lellouche. En salles.

Patrick Auffret